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Greenpeace lève le voile sur les négociations du traité de libre échange UE - États-Unis

Publié le 10 mai 2016 par Podcastjournal @Podcast_Journal
Rédacteurs et stagiaires: cliquez sur cette barre pour vous connecter en back-office de la rédaction! Une transparence forcée. Voilà à quoi ont été contraints les négociateurs américains et européens du TTIP. Critiquées pour leur opacité, les discussions autour de ce traité de libre-échange transatlantique ont en effet été - en partie - révélées par l'antenne néerlandaise de Greenpeace le 2 mai 2016.

Alors que les fantasmes, craintes et attentes autour du TTIP étaient alimentés par l'opacité régnant autour de l'avancée des négociations, les documents confidentiels obtenus par l'ONG environnementale et auxquels plusieurs journaux ont eu accès (Le Monde en France) jettent une lumière crue sur la difficulté qu'ont les deux blocs à s'entendre.

La fuite comprend pas moins de deux tiers des textes en discussion qui ont servi de base lors du 13e cycle de négociation qui a eu lieu à New York fin avril 2016. Y figurent ainsi les positions de négociations des Européens et des Américains, des données restées jusque là confidentielles même si la Commission avait accepté ces derniers mois davantage de transparence en publiant certaines de ses positions.

La première chose que nous apprend cette fuite est que les échanges sont déséquilibrés d'abord dans l'implication des deux parties. Les Européens, plus actifs et impliqués, ont produit nettement plus de propositions que leurs homologues américains et réclament par exemple un accès plus large aux marchés publics américains ou une reconnaissance des appellations d'origine dans l'agro-alimentaire. De leur côté, les États-Unis sont davantage dans une position défensive, refusant notamment toujours d'ouvrir les discussions sur la coopération réglementaire pour les services financiers. Davantage concentrés sur l'autre traité de libre-échange qui fut signé il y a quelques mois, le TPP (Partenariat Transpacifique, qui inclut treize pays), le camp américain se borne à rappeler que le TTIP ne doit pas être moins ambitieux que le TPP.

Principal fondement de l'opposition de la Société civile au Traité transatlantique, les tribunaux d'arbitrage - soupçonnés de permettre aux firmes transnationales de remettre en cause toute législation qui leur serait défavorable - sont en réalité loin d'être acquis. Les négociations sur ce point, gelées jusqu'en février dernier, semblent au point mort et la proposition européenne de "système de cour d'investissement" - un compromis issu de la pression des ONG - n'a pas déclenché l'enthousiasme outre-Atlantique. C'est néanmoins autour de la coopération réglementaire que se cristallisent les débats, cette question étant perçue des deux côtés comme la plus cruciale des négociations. A l'heure actuelle, les deux parties envisagent un mécanisme de reconnaissance mutuelle des réglementations, plus simple à mettre en œuvre qu'une harmonisation. Si un tel mécanisme est adopté, les ONG craignent "une course vers les bas des multinationales en matière d’environnement et de santé publique", comme l'explique Jorgo Riss, le directeur de Greenpeace UE.

Dans le même temps, les Américains réclament que leurs homologues européens procèdent avant toute réglementation à des études d'impact, un obstacle certain à la mise en place de normes qui aurait pour effet de "retarder voire de prévenir des régulations auxquelles s'opposent les intérêts économiques" s'alarme Jorgo Riss. En plus, Washington souhaiterait l'introduction d'un droit de pétition qui permettrait à n'importe qui (en pratique des lobbies) de demander des comptes sur l'une des règles en vigueur pour voir notamment si celle-ci n'est pas devenue "un obstacle plutôt qu'une aide"; soit une nouvelle arme pour les grandes compagnies américaines pour faire valoir leur intérêts sur le continent européen.

Enfin, plus que d'harmonisation, les deux camps parlent plutôt de coopération réglementaire au travers par exemple d'un "organisme de coopération réglementaire" - une proposition européenne - qui serait composé de technocrates venus des deux rives de l'Atlantique et qui serait une sorte de forum de discussion impliquant les parties prenantes (industries, syndicats, ONG). Bruxelles propose aussi l'établissement d'une autre instance, "le mécanisme bilatéral de coopération" qui permettrait à chacune des deux parties de tenir l'autre informée de ses projets de régulation, et d'ainsi favoriser une harmonisation. Présenté au début des négociations (en 2013) comme un projet crucial et bénéfique aux deux plus grandes puissances économiques mondiale, le TTIP est, trois ans plus tard et malgré de multiples rounds de négociations, loin d'être finalisé.

La volonté d'Obama, rappelée lors de sa visite en Europe fin avril 2016, d'une signature avant la fin de son mandat (en janvier 2017) risque fort de ne pas être accomplie d'autant que les réticences européennes se font de plus en plus audibles. Ainsi, à un an de la présidentielle et avec une opinion publique toujours largement opposée au TTIP, François Hollande a récemment menacé de mettre fin aux discussions car la France "n'est pas pour un libre-échange sans règles".

Rappelons en outre qu'avec ce traité transatlantique, il ne s'agit pas seulement d'économie mais aussi de questions fondamentales d’État de droit et de démocratie et qu'il est difficile d'imaginer les opposants relâcher la pression; d'autant que leurs craintes d'un nivellement réglementaire par le bas ont été confirmées par les documents qui ont fuité. Si le TPP a pu être signé, rien ne garantit que le TIPP connaîtra le même sort.


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