Un sujet vraiment tabou

Par Hbpro

Lundi 9 mai Séance n°31 (plus que 2)

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Je pense que l’on peut dire que nous nous connaissons à présent plutôt bien. Après tout, c’est quand même la 36ème fois que je m’assoie à mon bureau pour vous écrire. (24.794 mots et ce n’est pas fini…)

Bientôt, très bientôt, et heureusement, ce voyage va prendre fin. Je pense donc qu’il est temps de parler d’un sujet vraiment tabou.

Il s’agit bien sûr de la sexualité.

Je me dois d’insister sur le caractère officiel de l’avertissement – cela risque d’être un peu trop explicite pour certaines oreilles chastes.

Mais je pense qu’il est important d’écrire sur le sujet parce que très peu d’hommes atteints d’un cancer de la prostate sont disposés à parler des répercussions de cette maladie sur leur vie sexuelle.

Si vous avez-vous-même un cancer de la prostate, ou si c’est le cas de quelqu’un que vous aimez ou que vous chérissez, j’espère que cela vous aidera à comprendre ce qui risque de vous arriver (ou bien à lui) et peut être ce qui passe à l’intérieur de votre tête (ou de la sienne).

Une mise en garde s’impose avant d’aller plus loin. Je ne peux parler que de mon expérience personnelle. Cette situation est spécifique aux traitements particuliers que j’ai reçus et c’est ma façon à moi de voir les choses. J’imagine qu’un grand nombre d’hommes atteints de ce cancer se reconnaitront à travers mon expérience mais chaque cas est différent.

Si vous avez subi une opération de la prostate (comme ce fut mon cas), deux conséquences sont inévitables.

Tout d’abord, votre sexe sera plus court qu’avant – le processus d’ablation de la prostate implique de raccourcir l’urètre et par conséquent, le pénis.

Ensuite, vous ne pourrez plus jamais éjaculer, de toute votre vie.

La première conséquence ne m’a pas trop dérangé, par contre la seconde, beaucoup plus.

J’ai été stupéfait de voir à quel point cet office, par essence masculin, pouvait me manquer; je pleure la perte de cette manifestation très physique de profonds sentiments charnels et émotionnels.

Et quand on ne peut plus éjaculer, on se rend compte que la nature des orgasmes a changé.

Vous devrez peut-être aussi vous accommoder d’une impuissance temporaire ou définitive. J’ai déjà écrit sur ce sujet auparavant et je ne vais donc pas revenir dessus. J’ai eu de la chance et j’ai récupéré ma fonction érectile.

Mais au cours des mois où je me suis trouvé impuissant, j’ai fait deux découvertes importantes sur la sexualité après une prostatectomie.

Découverte n°1 : Nul n’est besoin d’être au garde-à-vous pour avoir un orgasme.

Découverte n°2 : Pour tirer le meilleur parti de votre nouvelle plomberie et des systèmes de câblage qui y sont reliés, vous devrez vous habituer à un nouveau type d’orgasme.

Parce que si vous vous mettez en quête du paroxysme masculin traditionnel, avec une montée des marches de plus en plus frénétique jusqu’au sommet, avant de vous laisser gaiement dégringoler jusqu’en bas des cascades éclaboussantes, vous risquez d’être plutôt déçu.

La montée est de courte durée et quand vous vous lâchez du sommet, vous découvrez avec amertume que le magnifique torrent d’eau est devenu un petit toboggan dans une pataugeoire. Et en plus, quelqu’un vient juste de vider le bassin !

Mais si vous êtes assez détendu et que vous avez la chance d’avoir une partenaire attentionnée et patiente (peut aussi se mettre au masculin !), et si vous êtes prêt à rechercher des plaisirs notoirement plus féminins, alors vous devriez connaître de magnifiques sensations.

Reconstruire votre vie sexuelle dans l’ombre du cancer de la prostate est un défi à la fois pour vous et pour votre partenaire. Il faut beaucoup d’amour, de patience, et une capacité à rire plutôt que de pleurer sur les embûches inévitables tout au long du parcours.

Certains ont décrit l’impact du cancer de la prostate comme une attaque directe sur l’identité sexuelle.

Pour ma part, et je ne suis pas le seul à le penser, cela équivaut à une attaque directe de votre identité en tant qu’être humain ; sans même parler de l’intensité de votre activité sexuelle, cette dernière constitue une composante majeure de votre identité globale.

Je dirais que la meilleure façon de faire face à une telle attaque, c’est d’être malléable et capable de s’adapter. Il ne faut jamais essayer d’affronter un taureau qui charge – il faut faire un pas de côté pour l’éviter.

Laissez tomber les remparts des anciennes fortifications et construisez plutôt un nouveau bastion avec votre partenaire pour abriter votre amour mutuel.