Voici encore pour se remémorer Robert Lax et le seul livre de lui paru en français : aux éditions Héros-Limite de Genève, traduit par Vincent Barras. Lax (1915-2000) était un poète des États-Unis qui n’a presque pas laissé de trace dans l’histoire littéraire de ce pays, s’en étant distancé. Il sera plutôt édité en bilingue par les Allemands et les Suisses. Sans doute influencé par ses amis le moine trappiste écrivain Thomas Merton et le peintre minimaliste d’avant-garde Ad Reinhardt, sa poésie est contemplative et philosophique, avec une concentration toutefois différente de l’aphorisme, ses vers s’amincissant en variations rythmiques sur de petites phrases intenses répétant certains mots.
Fasciné par le monde du cirque, il en suit un itinérant par deux fois, vivant avec ses artistes, et sera un moment clown blanc. Il transformera cette expérience en poésie dans son unique livre qui ait eu un peu de succès, Circus of the Sun en 1959 (réédité augmenté dans Circus Days and Nights, 2001).
Ensuite la pratique de la méditation, un désir d’éviter une ambiance généralisée de concurrence agressive et une attirance pour une quête spirituelle solitaire le conduisent dans les îles grecques en 1964 où il s’établit quasiment en ermite près d’un village de pêcheurs d’abord à Kalymnos puis à Patmos, descendant surtout pour son courrier et parfois visité par ses contacts artistiques (livres, pièces pour la radio, films documentaires)
Conjointement à un ralentissement voulu du rythme de sa vie, il ne renie pas ses poèmes comme inutiles, au contraire ceux-ci deviennent traces, repères, clarifications, une série de piliers soutenant son quotidien. Ses courtes réflexions s’éclairent par des mots isolés dans l’air environnant de la page blanche, le poème prenant l’aspect d’une fine colonne aérée de quelques syllabes.
Jean-René Lassalle
Souvenirs de l’artiste Nancy Goldring sur son projet “Legend” avec Robert Lax à Patmos, contenant photos, lettres, texte du poème et vers la fin de la page : lecture mp3 par Robert Lax, calme et lente, répétitive, pleine de silences
Et dans Poezibao :
bio-bibliographie, ext. 1, par Jean-Pascal Dubost
Ils sont avec moi maintenant les dorés ; leurs membres
entrelacés dans la lumière dorée, évoluant en une mer pesante
de mémoire : ils viennent les gracieux, avec leurs sourires
du soir : gens aux paupières lourdes, sombres de chevelure et aimables
d’aspect, dont les yeux sont portails vers une terre crépusculaire.
Leur mélancolie me saisit à ce moment : tristesse princière, et
enfants princiers ; de tels yeux de mélancolie chez ceux-ci je
n’en avais plus vu depuis l’enfance.
Car l’enfance fut pleine de merveilles, pleine de visions : le
garçon à dos de cheval, soit dans un rêve, soit dans la plaine,
et qui s’approche : les deux filles gitanes qui se tenaient ensemble pour
poser la question mystérieuse. La vérité et le rêve si
mêlés dans leurs yeux que je ne pouvais discerner quel côté
avait parlé.
Maintenant de nouveau les voilà avec moi les dorés,
vivant leur rêve dans de longues après-midis de lumière solaire ;
roulant dans leurs caravanes en les nuits de veille.
Extrait de : Robert Lax : Circus of the Sun, 1959. Traduit de l’anglais (américain) par Jean-René Lassalle.
They are with me now, the golden people; their limbs
are intertwined in golden light, moving in a heavy sea
of memory: they come the beautiful ones, with evening
smiles: heavy-lidded people, dark of hair and gentle
of aspect, whose eyes are portals to a land of dusk.
Their melancholy holds me now: sadness of princes, and
the sons of princes: the melancholy gaze of those I
have not seen since childhood.
For childhood was full of wonder, full of visions: the
boy on horseback, either in a dream or on the plain,
approaching: the two gypsy girls who stood together and
asked the mysterious question. Truth and the dream so
mingled in their eyes I could not tell which of the two
had spoken.
Once more now they are with me, golden ones,
living their dream in long afternoons of sunlight;
riding their caravans in the wakeful nights.
Extrait de : Robert Lax : Circus of the Sun, 1959.
/
Poussière de la terre
La poussière du jour est en suspens dans l’air,
particules dans la lumière,
poussière d’une multitude piétinante,
poussière des éléphants au pas capitonné,
poussière non soulevée jusqu’à ce que vienne le cirque,
elle flotte comme un voile.
Poussière de la terre
voguant sur l’aurore,
bougeant en silence
chaque sphère
chaque molécule
voguant sur l’air,
dans l’éveil de l’aurore
pourrait
tournoyant
se changer en terre
en planètes
s’allier au verdoiement de la création
aux humains et animaux bougeant,
pourrait dans sa verte croissance susciter
de blancs nuages et l’ombre
fourmillant d’éclairs,
pourrait onduler sur les mers
ruisseler dans les rivières
refléter les eaux
les montagnes et le ciel.
D’où vient donc le premier atome,
la première sphère ondoyante?
Extrait de : Robert Lax : Circus of the Sun, 1959. Traduit de l’anglais (américain) par Jean-René Lassalle.
The dust of the earth
The dust of the day hangs in the air,
motes in the light,
dust of the trampling multitude,
dust of the elephants padding by,
dust no one stirred till the circus came,
it hangs like a veil!
Dust of the earth
riding the twilight,
silently moving
each sphere
each molecule
riding the air,
in wakening twilight
could
whirling
turn to earth
to planets,
support the verdure of creation
the moving animals and men,
could raise from its own green growing
white clouds and dark
alive with lightning,
could ripple with seas
flow with rivers
reflect the waters,
the mountains and sky.
But where does the first mote come from,
the first gliding sphere?
Extrait de : Robert Lax : Circus of the Sun, 1959.
/
Après
son
numéro
le
jongleur
traversa
la
route
calme
léger
en
mince
costume
blanc :
une
colonne
é/mouvante
un
chemin
de
lumière
dans
l’
obscur.
Extrait de : Robert Lax : Circus of the Sun, 1959. Traduit de l’anglais (américain) par Jean-René Lassalle.
After
his
act
the
juggler
crossed
the
road
quietly
lightly
in
slim
white
suit:
a
moving
pillar
a
path
of
light
in
the
darkness.
Extrait de : Robert Lax : Circus of the Sun, 1959.
/
manuel du faiseur de paix (extrait)
le
vrai
dé
fi
dans
la
vie
est
ceci :
recueillir
le
meilleur
de
chaque
per
sonne
que
tu
connais.
commen
çant
par
?
commen
çant
par
toi
même
Extrait de : Robert Lax : peacemaker’s handbook, 2001. Traduit de l’anglais (américain) par Jean-René Lassalle.
peacemaker’s handbook (extrait)
the
real
chal
lenge
in
life
is
this:
to
bring
the
best
out
of
who
ev
er
you
know.
start
ing
with
?
start
ing
with
your
self
Extrait de : Robert Lax : peacemaker’s handbook, 2001.