Le petit prince - 7/10

Un film de Mark Osborne (2015 - USA) - animation

Joli et poétique... mais ce n'est pas Le petit prince !

L'histoire : Une petite fille vit seule avec sa maman qui veut absolument la faire entrer dans une grande école, très sélective. Elle rate l'examen d'entrée et sa mère lui prépare pour toute la période des vacances un immense planning, avec le détail de toutes les activités qu'elle devra faire heure par heure. Pas une seule minute pour rêver un peu. Pourtant, à côté de chez elle, dans une maison toute de guingois, habite un vieux monsieur que tout le quartier prend pour un fou. Il a dans son jardin un avion déglingué qu'il rêve de faire voler à nouveau. La petite fille l'observe à travers la haie et finit par la franchir pour aller le voir, en cachette de sa mère. Il lui raconte alors ses souvenirs de jeunesse et sa rencontre avait un petit garçon pas comme les autres...

Mon avis : Je savais que dans cette version très attendue du sublime conte de Saint-Exupéry, ils avaient brodé autour une histoire plus contemporaine. OK, pourquoi pas. Mais je n'avais pas compris que les ajouts étaient plus importants que l'adaption du roman lui-même !!! J'ai été hyper déçue ! Alors, certes, il faut tenter de s'échapper de l'oeuvre de Saint-Ex et regarder ce film avec un oeil neuf. Ce que font les petits, avec grand bonheur. Et ils ont raison parce que c'est charmant, et plein de poésie, alternant des images de synthèse, ce à quoi nous sommes désormais habitués, et des scènes en stop motion, avec du papier, dans un style plus brouillon, fragile, délicat, qui apportent beaucoup de fraîcheur.

Mais pour les amoureux comme moi du Petit prince, c'est une énorme déception et je n'ai plus qu'à me replonger dans le livre une énième fois. Car ce très court ouvrage est paradoxalement quelque chose de monumental dans la littérature, un chef d'oeuvre absolu, mon livre préféré toutes catégories confondues. Parce qu'il dit tout de l'humanité, de l'amour, du respect, de ce qui est important. C'est une sorte de Bible, de Coran, de Torah... en beaucoup beaucoup plus court et accessible ! Car là, après la séance DVD, qu'ont retenu mes petits lascars : "...la petite fille qui fait voler l'avion ! ", "...tous les devoirs ! et la maman qui gronde", "...mais il est où son papa ?", "...le petit prince qui est devenu grand... pourquoi il veut retourner sur sa toute petite planète ?". La rose ? Le renard ? L'allumeur de réverbères ? Rien. Ils ont bien été évoqués dans le film, mais de façon si brève et si superficielle que ce n'est pas du tout cela qui enchante les enfants et dont ils se souviennent. Et je regrette que la jeune génération passe à côté de cette merveille ! Je vais donc de ce pas leur acheter un livre à chacun ! Que diable ne l'ai-je fait plus tôt ? 

Si la presse ne tarit pas d'éloges dans son ensemble, quelques vieux réacs que moi crient à la trahison : "les emprunts à l’ouvrage original ne sont ici que clins d’œil censés cautionner l’emprunt du célébrissime titre" (Libération) ; "Ce n’est plus une mise en abyme, c’est une dégringolade dans le précipice. L’histoire est d’une niaiserie abyssale, le dessin d’une laideur mondialisée, la parabole lourde comme du Eric-Emmanuel Schmitt et, du conte gentillet de Saint-Ex, il ne reste presque plus rien" (Le Nouvel Obs).

Les spectateurs ont adoré... 1.500.000 entrées en France. Est-ce que cela veut dire que 1.500.000 personnes croient désormais que Le petit prince est l'histoire d'une gamine, abrutie par les exigences de sa mère, qui se prend d'amitié pour son vieux voisin fantaisiste ?

Décidément, je vieillis, moi...

Mais pas Le petit Prince, je vous le jure. Il ne vieillira jamais. Et pour ceux qui ne l'ont jamais lu... par pitié, essayez ! De préférence dans une version avec les dessins de l'auteur.

Néanmoins, c'est un joli film ; c'est juste qu'il lui faudrait un autre titre...

A noter qu'il avait été question de confier l'adaptation de ce livre sublime à l'excellent animateur japonais, Miyazaki. Puis le projet fut abandonné. C'était une perspective intéressante. Dommage.