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Clearstream. Cette affaire est un bel exemple de flagrant délit de manipulation. Rappel des faits: des procès verbaux d'auditions se retrouvent à la une de journaux. Parmi eux, de grands noms de la presse: Le Monde révèle les carnets du général Rondot, L’Express divulgue le texte intégral de la déposition du général… Le Garde des sceaux demande alors l'ouverture d'une enquête pour violation du secret de l'instruction, tandis que le Premier ministre rappelle les journalistes à leur code de déontologie. Un cas typique de pression.
Or dans cette affaire, la vie d’autrui n’est pas mise en danger. Les journalistes évoquent des faits, purement informatifs afin que leurs lecteurs se fassent leurs propres opinions. Un travail d’enquête a été mené, de façon rigoureuse. Les journalistes n’ont donc pas à divulguer leurs sources et cela, dans le respect strict du droit à l’information. Derrière cette ouverture d’enquête c’est également une façon d’affaiblir la liberté de la presse.
L'affaire du Carlton a aussi fait grand bruit. Là encore, des extraits de procès verbaux sont diffusés. Colère des magistrats qui menacent de mettre en examen plusieurs journalistes du Monde, du Figaro, de Libération, du Parisien, de l'Express et du Point. A ce rythme là, les prisons françaises, déjà bien remplies, ne suffiraient plus!
Rappelons tout de même que le journaliste n’est pas soumis au droit d’instruction. La loi de 1881 autorise la divulgation des sources si et seulement s’il y a un "impératif prépondérant d'intérêt public". Qui est sans fondement dans la publication d’extraits de ces procès verbaux!
Dans ces deux cas, il n'y a pas mort d'homme. Ni d'intérêt public mis en danger. Mais les journalistes franchissent parfois la ligne jaune. C’est le cas avec l'affaire Merah. TF1 et BFM Business ont diffusé des conversations (pourtant mises sur scellées) des enregistrements des conversations entre Merah et les forces de l’ordre le 7 juillet 2012. Des conversations qui se seraient tenues juste avant l’assaut.
Outre la protection des sources, c’est avant tout une question de déontologie. Car derrière l'excuse du droit d'informer, c'est surtout la volonté de faire de l'audience et du "buzz" sur une affaire qui a profondément marquée l’opinion publique. Les bureaux de la société de production ont ainsi été perquisitionnés, quelques jours plus tard, mais la police n’y a rien trouvé. Dans l’article 10 de la Convention Européenne des droits de l’homme, celle-ci "laisse aux journalistes le soin de décider s’il est nécessaire ou non de reproduire le support de leurs informations pour asseoir la crédibilité" (Cour Européenne des Droits de l’homme le 21 janvier 1999). Il ne s'agit pas ici d'informer, sous le sens noble du terme. Susciter le débat, informer le citoyen, lui donner des clés afin qu’il se forge sa propre opinion. Non. Il s’agit ici d’une volonté d'augmenter le tarif du spot de publicité. Ne pas protéger une source dans ce cas d'absence totale de déontologie, ne me parait pas choquant.
Derrière la protection des sources, il convient donc au journaliste de mener une enquête rigoureuse et irréprochable sans perdre de vue l’essence même du métier: informer. Dès lors qu’il "racole", c’est toute la profession et ses lois, structurantes et protectrices, qui sont mises en danger. Le système repose sur la confiance. Rien que la confiance.