Selon Spinoza : « Nous sentons et expérimentons que nous sommes éternels ». Qu’est-ce à dire ? Nous sentirions et expérimenterions bien plutôt que nous sommes mortels. Dès lors, l’expérience de l’éternité relèverait du sentiment, du concept et non du vécu. Celle-ci s’inscrit dans le présent de l’homme lequel n’est pas éternel puisqu’il a bien surgi un jour et disparaitra sans doute un autre jour.
La notion d’éternité est incompatible avec le temps présent qui relève de la finitude qui est celle d’un étant. Une succession de temps mise bout à bout ne constitue pas l’éternité. Est vraiment éternel ce qui n’entre pas dans le temps lequel suppose toujours un début et une fin et à ce titre aucun étant n’est éternel, matière et galaxies ayant été créées devant logiquement disparaitre. Seul le cycle naissance/disparition est éternel comme retour toujours du même principe à l’identique mais il s’agit à chaque fois d’un renouveau de la création en des temps, lieux et modes différents.
La véritable éternité suppose une non présence dans le temps, un absolu continuum, une in-création. Est éternel ce qui n’est pas créé et qui ne peut disparaître. Mais l’éternité reste une abstraction si on ne fait pas référence à un « quelque chose » qui EST et qui dure toujours, à un objet physique que nous pouvons détecter, expérimenter. Tels sont les propriétés de la substance de l’espace ou prématière que nous avons ici longuement défini et qui sert notamment de support aux ondes électromagnétiques.
Aussi, retournant à Spinoza, nous pouvons sentir et expérimenter, non pas que nous sommes éternel mais que l’univers est éternel. Ici et maintenant, nous pouvons, à partir du temps, penser l’éternité dans laquelle nous sommes plongés comme la matérialité l’est dans la prématière. Nous pouvons penser simultanément le temps et l’éternité, la présence de la prématière et de la matière. Cela signifie qu’il ne peut y avoir d’arrière monde possible, que le TOUT de l’univers a toujours été présent à lui-même et qu’il ne peut y avoir un état antérieur à cet univers.
Toutes les cosmogonies créationnistes tel que le big bang sont contraintes d’imaginer un monde d’avant le monde, un état précédent différent à partir duquel celui-ci est engendré. Cet avant monde est par définition impossible à prouver mais cela ne semble guère gêner nombre de théoriciens qui disposent ainsi de toutes les libertés pour imaginer ce pré-univers, assurés qu’ils sont qu’on ne pourra jamais leur apporter contradictions. Il leur suffit, pour emporter l’adhésion, de construire un bel édifice théorique en suivant les règles académiques de la démonstration physique puis de relier le tout avec les valeurs expérimentales classiques.
Cette dérive est un pratique très courante en physique et a pour origine l’enfermement de la communauté scientifique sur elle-même à la fois juge et partie de ses méthodes et de ses modes de preuve. Elle se trouve complètement incapable de sortir de son épistémè fondateur et notamment de sa vision d’un univers daté et en expansion. Comme l’invite Spinoza, elle ne peut sentir, que nous sommes plongés dans un univers éternel dont nous pouvons faire l’expérience dans le temps présent.