Deux jours tout juste avant l'ouverture de Cannes, dont les films présentés vont comme chaque année emporter tout sur leur passage, j'aimerais revenir sur le dernier grand film français du premier semestre que j'ai pu voir en salles et dont je n'ai pas encore parlé. Ce film, c'est le dernier André Téchiné, un cinéaste qu'on avait laissé en 2014 mi figue-mi raisin avec cet homme qu'on aimait trop que Michel avait été un peu seul à défendre ici même et ailleurs..
Il faut dire qu'à part ce film- et le précédent, une adaptation ratée d'Impardonnables de Djian, Téchiné a toujours eu la carte avec la critique : toutes ses oeuvres, des plus anciennes ( "Hotel des amériques", "les soeurs Bronte", "Rendez vous", "Ma saison préférée") aux plus récentes ( "Les témoins", "la fille du RER") étaient toujours reçues avec plein d'éloges, à ma plus grande joie, vu que, personnellement, j'ai toujours énormément aimé le cinéma de Téchiné, ce cinéma plein de romanesque, voire de lyrisme sur des sujets au départ plus terre à terre, du quotidien parfois cruel, voire morbide.
Et du coup, je n'ai pu que me réjouir de retrouver André Téchiné en pleine possession de ses moyens à 73 ans puisqu'avec ce "Quand on a 17 ans", Téchiné signe un film sublime sur l’adolescence et ses premiers amours, un film plein de vie, qui conjugue désirs et souffrances.
Mais il revient ici en grande forme en signant un nouveau film d’apprentissage, dans la foulée des Roseaux sauvages et on peut penser que son association avec l'excellente Céline Sciamma au scénario y est forcément pour quelque chose.,
Un scénario qui aborde à la fois la délicate affirmation de soi, la crainte de l'abandon, le deuil, tout cela au rythme des saisons de cette petite ville des Pyrénées admirablement mis en scène par la caméra de Téchiné qu'on avait pas vu avec une telle ampleur et une telle intensité depuis plusieurs films.
Chemins tortueux, sommets inatteignables, déchaînement du climat, branches d' arbres qui vacillent, routes enneigées, :Téchiné nous montre cela superbement, comme un parrallèle avec le vacillement des corps et des regards dans un embrasement commun et tendu en diable.
20 ans après son chef d'oeuvre que sont "Les roseaux sauvages", Téchiné nous livre une œuvre puissamment fébrile, avec des jeunes gens qui doivent apprendre à juguler leurs désirs et leurs doutes amoureux afin de tenter d’aimer réellement l’autre.
La première partie du film, dans laquelle les pulsions sexuelles des deux jeunes gens restent en tension avec ces jeunes qui s'épient, se guettent, se font des bleus sur le corps, laisse place à une seconde partie plus apaisée, plus mature où la mort et la nécessité de de se responsabiliser viennent interférer avec ces tourments amoureux. pour un cinéma à la fois habité, dense, à la fois tourmenté et serein dans un même geste cinématographique.
On est loin des clichés du récit iniatique comme on en voit souvent dans le cinéma actuel.
Et à l'heure ou comme je le déplorais récemment, le film d'adolescence est parfois un passage obligé pour les jeunes réalisateurs du monde entier, tant ces récits inatiques sur des jeunes adultes en devenir sont l’occasion pour un cinéaste qui commence de faire étalage de sa sensibilité et parfois son univers, Téchiné, à plus de 70 ans, met tout le monde d'accord avec ce film terriblement romanesque et surtout terriblement bienveillant et chaleureux pour ses personnages, malgré les coups de chagrin et les difficultés pour se reconnaître tel qu'on est et accepter malgré les préjugés ses affinités électives.
On aimé énormement que dans ce duo évident, trio, étrangement la mère de l'un des jeunes, jouée par la décidement épatante Sandrine Kiberlain, apportant un certain équilibre à cette relation forte et violente, confidente, une figure maternelle qui les accompagnera sur le chemin de la compréhension d’eux-mêmes, à la découverte de leur propre vérité cachée.
Face à la grande Kiberlain, Kacey Mottet Klein (L'enfant d'en haut, Une mère) confirme ici tout son talent face à la révélation Corentin Fila qu'on devrait revoir bientot, démontrant que Téchiné est toujours un formidable découvreur de talents, après avoir révélé Binoche, Elodie Bouchez, Manuel Blanc, Gael Morel et d'autres....
« On est pas sérieux quand on a 17 ans » écrivait Rimbaud en 1870. 150 ans après, André Téchiné nous démontre que les adolescents peuvent l'être, sérieux, mais aussi vibrants et responsables, et le fait grâce à une magnifique représentation cinématographique des amours de l'adolescence qui renouvelle à merveille le genre romanesque.
Bande annonce : Quand on a 17 ans