Commentaire du jury dirigé par le professeur Ambroise Kom, composé de Boubacar B. Diop, Théo Ananissoh, Eugène Ebodé et Hortense Sime
« A l’issue des délibérations, Les maquisards de Hemley Boum a emporté l’adhésion du jury. Nous avons ici affaire à un projet littéraire ambitieux. L’écrivaine revisite avec passion et volonté de fiction la lutte pour l’indépendance du Cameroun. L’immense travail de préparation en amont de ce livre force l’admiration. Si le sujet est la décolonisation dans un pays africain, Blancs et Noirs ne sont pas pour autant dressés les uns contre les autres, mais s’imbriquent par un jeu subtil où le fils d’un marin breton devient l’ami d’un héros bassa de la résistance. Vous l’aurez compris, le monde de Hemley Boum n’est pas en logique manichéenne. D’ailleurs, l’écrivaine camerounaise a clairement fait le choix d’un lectorat éclectique, pour preuve, son écriture vivante et robuste qui fédère les publics. C’est bien, étant donné l’universalité du sujet traité ».
Le professeur Bwemba Bong a obtenu le prix de l’engagement littéraire 2016 pour l’ensemble de son œuvre. Pour en savoir plus sur la production de cet enseignant et chercheur camerounais, n’hésitez pas à consulter sa bibliographie sur le site de la CENE littéraire.
A noter une dotation de chaque prix à hauteur de 3000 FCH et une œuvre d’art du peintre sénégalais Momar Seck estimée à 3000 FCH
Mongo Beti était présent par de grands portraits sur le stand de la CENE littéraire ou encore par la conférence animée par Théo Ananissoh avec le professeur Ambroise Kom et Odile Awala-Biyidi au Salon africain du livre, veuve de l’homme de lettres camerounais.
Mongo Beti en lettresDans le cadre d’un partenariat, Les palabres autour des arts et le blog Chez Gangoueus ont fait vivre sur ce stand les textes de Mongo Beti. De son second roman Le pauvre Christ de Bomba à Trop de soleil tue l’amour, avec Touhfat Mouhtare, Cédric Moussavou et moi-même, nous avons pu tester et valider la puissance de cet homme de lettres hors du commun. Je ne reviendrai pas sur Le Pauvre
Mongo Beti et des héritiers. Les écritures engagées
Qu’est-ce qu’une écriture engagée ? C’est un peu la question à laquelle Les palabres autour des Arts voulaient répondre. Avec un peu de provocation. Il était intéressant de commencer par le prix du roman engagé 2016, Les maquisards. En mettant le doigt sur l'un des conflits les plus violents et les plus méconnus de l'espace francophone, par une oeuvre de fiction élaborée, profonde, Hemley Boum réussit à faire revivre les maquisards et les luttes d'indépendance non abouties. Elle réveille les consciences sur ce sujet, bouscule l'omerta. Avec Patrice Nganang, dans Temps de chien, c'est un appel à la révolte sociale. L'auteur camerounais par le regard d'un chien philosophe conte les petites vies des sous quartiers de Yaoundé. Avec un système dominant peu scrupuleux du quotidien des gens. La langue de Nganang colle au plus près de ces milieux populaires. Avec Mariama Ba et son roman, Une si longue lettre, l'engagement prend une forme moins politique pour traiter de la condition de la femme au travers d'une oeuvre majeure de la littérature africaine. Ici, la polygamie est abordée avec intelligence, profonde sous une forme épistolaire qui empêche d'être trop frontale. L'engagement, ne s'exprime-t-elle pas dans l'originalité d'un projet littéraire qui rend intemporel un propos, un sujet? On peut aisément penser que l'écrivaine sénégalaise a atteint cet objectif. Le livre qui a suscité le plus de réactions finalement est Ténèbres à midi pour deux raisons ou plutôt deux approches de lecture : ceux qui n'ont vu que le portrait extrêmement négatif que le narrateur de retour à Lomé, porte sur son pays. Un tel regard exprime selon cette lecture un afropessimisme qui ne peut en aucun cas s'inscrire dans une forme d'engagement... La seconde lecture se focalise sur les rencontres humaines faites par le narrateur et le portrait d'Eric Bamozon, un intellectuel rentré à Lomé pour servir son pays, qui va voir son destin écrasé par le système Eyadema. Théo Ananissoh propose une réflexion sur l'engagement des élites déterminées à penser et agir pour un changement significatif face à un pouvoir, dans le style minimaliste qui caractérise son écriture. Est-ce que le cahier d'un retour au pays natal d'Alain Mabanckou est une oeuvre engagée? Il est probable que pour l'auteur congolais, chantre des textes engageants pour reprendre Sony Labou Tansi, la question ne se pose pas. Engagé ou pas, nous avons eu une divergence avec Cédric Moussavou sur ce point. Mais peut-être faudrait-il prendre le texte de Mabanckou dans le corpus des oeuvres littéraires congolaises significatives pour mesurer le niveau d'engagement de ce texte. En travaillant sur des portraits de famille, les misères de celles-ci, Mabanckou s'implique lui-même tout en nous parlant d'une ville pétrolière dont on a dû mal, au travers de la description faite, à voir un semblant de redistribution des richesses. Le regard posé sur l'hôpital A. Sicé, mouroir redouté par la population est assez éloquent. L'engagement ne commence-t-il pas quand le refus de se taire même sur la misère de sa propre famille qui au final n'est qu'une représentation du vécu de nombreux congolais? Lumières de Pointe-Noire.