Essentiellement perplexe suite à la lecture de L’adulte surdoué de Monique de Kermadec, j’avais souhaité approfondir la question et comparer les retours d’expérience sur l’épineuse question de la douance de l’adulte, autrement nommée zébritude ou pensée divergente. Après quelques semaines de patience, Trop intelligent pour être heureux ? de Jeanne Siaud-Facchin est enfin disponible au prêt à la bibliothèque municipale de Lyon.
Mon impression générale est bien meilleure que lors de ma première lecture. L’effet de surprise s’est dissipé et je suis d’avantage sensibilisée au sujet. Il m’a semblé que les propos de Jeanne Siaud-Facchin étaient mieux argumentés et plus détaillés. En quelques onze chapitres, elle va plus loin dans son explication de ce qu’est la douance, ce qu’elle implique pour les personnes concernées. Si Jeanne Siaud-Facchin essaie de dresser une typologie des caractéristiques de l’adulte surdoué et des difficultés qu’il rencontre le plus souvent, il me semble que ce tableau est plus précis, plus cohérent que ce que j’ai pu lire dans le livre de Monique de Kermadec – qui me semblait être passé maître dans l’art d’assembler les contraires. Jeanne Siaud-Facchin s’attarde notamment – mais trop rapidement à mon goût – sur les femmes surdouées, sur les difficultés plus importantes qu’elles rencontrent pour être reconnues et pour se reconnaître elles-mêmes comme telles, et sur les mères surdouées, par conséquent hypersensibles, en relation avec leurs petits zèbres aux angoisses et interrogations démesurées. Les couples sont mis à l’honneur dans le chapitre huit, couples mixtes, couples surdoués, couples instables, renforcés ou remis en cause par la découverte des rayures de l’un des deux – le plus souvent suite au diagnostic de leur rejeton. Cette lumière projetée sur la personnalité de l’un ou des deux parents permet souvent de repenser avec clairvoyance la relation, de comprendre comment elle a pu se tisser, et souvent de la confirmer en connaissance de cause. Les trois derniers chapitres ouvrent des perspectives thérapeutiques. Tout d’abord en esquissant les caractéristiques du surdoué heureux – à trop faire tomber les clichés, on en aurait presque oublier qu’être surdoué n’est pas une maladie -, ensuite en proposant quelques astuces pour aller bien malgré son sentiment permanent de décalage ou ses débordements émotionnels. Le dernier chapitre enfin est consacré aux pathologies fréquemment développés par les adultes surdoués lorsque leur intelligence se retourne contre eux, que leur cerveau s’évertue à être créatif dans la génération de peurs et d’angoisses incessantes, lorsque leur capacité de distanciation se transforme en inhibition sociale, lorsque leur quête d’absolu devient douleur de vivre, lorsque les addictions en tout genre guettent pour échapper à l’analyse incessante d’un cerveau hyperactif.
L’ouvrage se conclue heureusement sur une note positive et rafraîchissante sur les trésors insoupçonnés que recèlent la pensée divergente…
Me voilà beaucoup moins sceptique et rassurée quant à ma première lectures sur la question. Je conseillerai volontiers ce livre à toute personne intriguée par ces questions de précocité, de QI et autres bizarreries sur lesquelles les clichés sont nombreux et dont les conséquences psychiques et sociales improbables sont souvent ignorées et propices aux quiproquos.
Trop intelligent pour être heureux ? : l’adulte surdoué – Jeanne Siaud-Facchin
Odile Jacob, 2008, 321 p