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Transport électrique : Québec dort au gaz

Publié le 06 mai 2016 par _nicolas @BranchezVous
Transport électrique : Québec dort au gaz Québec Exclusif

Quand on se compare, on se désole : alors que l’on annonçait en grande pompe que le nombre de bornes de recharge pour voitures électriques passerait de 624 à 2 500 d’ici 2020 sur le territoire québécois, il apparaît clairement que la province et le pays tout entier sont encore coincés dans le modèle américain de la grosse voiture consommatrice de pétrole.

Oui, il y a certainement raison de se réjouir de cette multiplication des bornes de recharge, d’autant plus que le ministère des Transports s’est donné comme objectif d’ajouter 100 000 voitures électriques et hybrides rechargeables dans le parc automobile québécois (toujours en 2020). L’État jongle aussi avec l’idée de financer l’installation de prises électriques spéciales dans tous les nouveaux immeubles à bureaux – voire dans les immeubles à logements! – et d’en ajouter à côté des stationnements extérieurs.

Une borne électrique disposée dans le stationnement d'un Family Mart (populaire chaîne de dépanneurs au Japon).

Une borne électrique disposée dans le stationnement d’un Family Mart (populaire chaîne de dépanneurs au Japon).

Là où ces efforts semblent un peu ridicules, c’est lorsque l’on apprend qu’au Japon, le nombre de postes de recharge dépasse désormais celui des stations-service. Le Japan Times reprend ainsi des données fournies par le constructeur automobile Nissan, qui fait état de 40 000 bornes électriques, contre 34 000 stations-service traditionnelles. Bien entendu, Nissan aura beau jeu d’en profiter pour tenter de mousser les ventes de la Leaf, sa voiture entièrement électrique, mais les chiffres sont néanmoins impressionnants.

Progrès (très) lents

Il n’en reste pas moins que les décideurs se traînent les pieds… D’autant plus que le concept de train électrique ne date pas d’hier.

Et pendant ce temps, au Québec? On vante la mise en place d’un système de train électrique servant principalement à amener les habitants de l’ouest de l’île de Montréal vers leurs lieux de travail au centre-ville. Et on confie le tout à une institution financière sans mandat électif. Pas d’imputabilité politique pour la Caisse de dépôt et placement du Québec, mais les paliers gouvernementaux sont invités à allonger quelques milliards de dollars. C’est déjà bien mieux, certes, que si l’on s’était rabattu sur les sempiternels autobus, ou si on pensait plutôt inaugurer une autoroute.

Il n’en reste pas moins que les décideurs se traînent les pieds… D’autant plus que le concept de train électrique ne date pas d’hier. Les tramways, ça vous dit quelque chose? Ces tramways qu’on a fait disparaître pour passer aux autobus à essence et pour laisser la place aux automobiles en pleine expansion du rêve américain. Ces tramways qu’on refuse obstinément de reconstruire, préférant s’empêtrer dans le projet du SRB Pie-IX qui devrait être complété en 2022. Soit quatre ans après un possible atterrissage de la capsule spatiale Dragon sur Mars. Et tout cela pour des autobus fonctionnant à essence. Pour l’innovation, on repassera!

L’argument géographique a longtemps été un frein à la montée en popularité de la voiture électrique en Amérique du Nord; après tout, le Japon est un petit archipel très étroit où s’entasse une population presque trois fois plus importante que celle du Canada. Facile, dans ces circonstances, de disposer d’emplacements en milieu urbain où il est possible d’installer des bornes de recharges. Facile, aussi, de s’appuyer sur des voitures électriques à rayon d’action relativement réduit, comme la Leaf et son autonomie de 134 kilomètres.

Un territoire gigantesque

Au Québec, et ailleurs au pays, c’est une autre paire de manches. Quiconque aura déjà fait le trajet entre Montréal et Québec sait que les banlieues de la métropole cèdent rapidement la place à de grandes étendues de… pas grand-chose. Ajoutez à cela une technologie qui a longtemps nécessité plusieurs heures de recharge, et il était évident que personne n’allait échanger un plein d’essence effectué en quelques minutes contre ce système. Pas plus que l’idée d’emprunter deux voitures différentes – l’une électrique, pour la ville, et l’autre à essence, pour les grands déplacements – soit particulièrement logique sur les plans logistique et économique. Et donc, la voiture électrique semblait être condamnée à être un gadget pour gens riches.

La Tesla Model 3, qui devrait être commercialisée à la fin de 2017.

La Tesla Model 3, qui devrait être commercialisée à la fin de 2017.

Mais aujourd’hui, avec des voitures comme la Tesla et son autonomie de plusieurs centaines de kilomètres, l’idée d’une voiture électrique tout usage fait son chemin. Encore faut-il que le gouvernement encourage activement l’adoption de tels véhicules et la construction de bornes. Et ce ne sont pas 2 500 bornes et 100 000 voitures pour un parc de plusieurs millions de véhicules qui feront une grande différence.

Encore mieux, l’État pourrait en profiter pour revoir le modèle de déplacement centré sur l’automobile et encourager davantage le développement des transports en commun. Le Réseau électrique métropolitain est une bonne première étape, mais même à Montréal, la couverture de la STM et de l’AMT est loin d’être parfaite, et la situation empire rapidement en banlieue et hors des grandes villes de la province.

Les ingrédients à portée de main

Il est effectivement absurde de ne pas profiter plus avant des vastes réserves énergétiques «propres» dont dispose Hydro-Québec, y compris des onéreux surplus de production que la société d’État peine à écouler.

Mais même si Québec n’a pas besoin, comme Ottawa, de préserver la paix avec les provinces pétrolières de l’Ouest, les récents gouvernements s’étant succédé à l’Assemblée nationale donnent l’impression d’être bons amis avec l’industrie pétrolière. Quitte à dépenser 15 milliards de dollars par année pour importer de l’or noir et ses dérivés, selon des chiffres de 2012.

240v

Le secteur québécois du transport a besoin d’un sérieux coup de barre – pour ne pas dire un sérieux coup de pied au derrière. Rien n’empêche la province d’être aussi prolifique et efficace que le Japon en termes de transport électrique. Les investissements nécessaires finiraient par se rembourser, tout en développant l’économie et le marché de l’emploi dans le secteur de la haute technologie. Ne manque, donc, que la volonté politique pour aller de l’avant. Pour adopter des projets un peu fous comme le monorail entre Montréal et Québec. Ou simplement le TGV entre les deux villes. Une idée plus toute jeune, bien sûr… mais un projet qui dort encore sur les tablettes.


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