En juin prochain, nous republions en poche chez Almora le chef-d'oeuvre de Philippe Kapleau : Les trois piliers du zen
extraits
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Elève : Voudriez-vous me faire traduire par l’interprète ce que vous avez dit dans votre causerie de ce matin ?
Roshi Yasutani : En gros, j’ai dit qu’il ne reste que cinq ou six heures avant la fin de cette sesshin. Ne vous dites pas que c’est insuffisant pour atteindre l’illumination ; c’est plus qu’assez, au contraire. Le kensho ne requiert qu’une minute — non, une seconde !
Tout ce que vous avez à faire, c’est vider votre esprit de la notion trompeuse de « moi » et d’« autrui ». Beaucoup ont atteint l’illumination en écoutant simplement le son d’une cloche ou quelque autre bruit. D’ordinaire, quand vous entendez une cloche sonner, vous pensez, consciemment ou non : « J’entends une cloche. » Trois choses sont impliquées dans cette pensée : moi, une cloche et le fait d’entendre. Mais lorsque l’esprit est mûr, c’est-à-dire libéré de toute pensée discursive,il n’y a plus que le son de la cloche. Voilà ce qu’est le kensho.
Elève : En écoutant des sons, je me demandais : « Qui écoute ? » Etais-je dans l’erreur ?
Roshi : Je vois ce que vous voulez dire. En vous demandant : « Qui écoute ? » vous avez d'abord conscience de la question aussi bien que du son. Lorsque votre interrogation s’approfondit, vous cessez de l’être, en sorte que, quand une cloche sonne, il n’y a plus que la cloche écoutant le son de la cloche. En d’autres termes, c’est le son de vous-même que vous entendez. Ce moment-là est celui de l’illumination.
Voyez les fleurs qui sont dans ce vase. Vous pouvez les regarder avec admiration et les trouver belles. C’est une façon de voir. Mais lorsque vous les voyez non plus distinctes de vous-même mais faisant partie de vous, vous êtes illuminée.
Elève : J’ai peine à comprendre cela.
Roshi : Ce n’est pas difficile à comprendre d’une façon purement intellectuelle. En écoutant l’explication qui précède, on peut dire sincèrement : « Je comprends », mais une telle compréhension est une simple reconnaissance intellectuelle, très différente de l’illumination qui vous fait sentir les fleurs comme faisant partie de vous-même."