[Critique] CRIMINAL – UN ESPION DANS LA TÊTE
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Titre original : Criminal
Note:
Origines : Grande-Bretagne/États-Unis
Réalisateur : Ariel Vromen
Distribution : Kevin Costner, Gary Oldman, Gal Gadot, Ryan Reynolds, Tommy Lee Jones, Alice Eve, Michael Pitt, Antje Traue, Scott Adkins, Amaury Nolasco…
Genre : Thriller/Action/Science-Fiction
Date de sortie : 4 mai 2016
Le Pitch :
Un agent de la CIA se fait tuer en pleine mission en emportant avec lui de lourds secrets quant à la localisation d’une arme très dangereuse. Une technologie mortelle également convoitée par un groupuscule révolutionnaire prêt à tout pour s’en emparer. C’est alors qu’intervient Jericho, un authentique psychopathe emprisonné à vie pour ses crimes. Un homme choisi par la CIA pour être le cobaye d’une expérience inédite qui consiste à transférer les souvenirs de l’agent mort dans la tête du criminel. En se réveillant, Jericho est alors assailli de visions indiquant qu’il est désormais le garant de tout ce que savait l’espion…
La Critique :
Le postulat de Criminal est, il faut bien le dire, un peu foireux. À partir d’une idée aussi simple, qui voit donc un type se faire transférer les souvenirs d’un autre gars dans l’espoir de venir en aide à la CIA, le film ne s’embarrasse pas vraiment d’un quelconque réalisme. C’est de la science-fiction et après tout, si il y a un style qui permet de se balancer complètement de la logique, c’est probablement celui-là. On nous sort donc un toubib capable de faire des miracles et on colle vite fait bien fait les souvenirs de Ryan Reynolds (le gentil agent) dans la tronche de Kevin Costner (le criminel). Mine de rien, c’est la deuxième fois en quelques mois que Ryan Reynolds se retrouve dans une histoire de transfert d’esprits. Dans Renaissances, c’est lui qui recevait « en gros » le cerveau de Ben Kingsley. Ici c’est l’inverse. Avec Costner en lieu et place de Kingsley. Est-ce que Renaissances ressemble pour autant à Criminal ? On aurait tendance à dire non, pas vraiment. Car contrairement à Renaissances, Criminal va jusqu’au bout de son concept, sans jamais se dégonfler ni tourner le dos à certain esprit foutraque. En résumé, il assume. Ce que Renaissances ne faisait jamais vraiment, préférant souligner plus ou moins directement des prétentions qui n’étaient clairement pas à sa portée. Et puis, tout simplement, Criminal est parfois véritablement jubilatoire. Ce que n’était jamais l’autre métrage.
Ariel Vromen, auquel on doit notamment The Iceman, a décidé de passer à la vitesse supérieure. Avec Criminal et son pitch relevant d’une science-fiction un peu foireuse, dont on ne sait pas trop si il faut en rire ou s’en désoler, le réalisateur exploite à merveille tous les éléments de son récit pour en extirper la moindre goutte, et nous livrer un nectar que seuls les amateurs de peloches bien déviantes sauront apprécier à sa juste valeur. Pour autant, impossible de savoir si tout ceci est voulu. Si ça se trouve, Vromen a vraiment cherché à faire quelque chose de sérieux. Ou pas du tout. À chacun de juger, mais quoi qu’il en soit, le résultat s’avère très divertissant et c’est le plus important.
Il faut tout de même préciser que Criminal évolue quasi en permanence sur la brèche. À deux doigts de verser dans le nanar de compétition, avec un ridicule qui confère à certaines scènes un aspect comique dont on ne sait donc pas trop si il est désiré ou non. Au début, alors que l’histoire se met en place, tous les espoirs sont permis mais on s’aperçoit rapidement que rien ne viendra probablement bousculer une routine tranquille faite de clichés bien tenaces. Et bien c’était mal connaître Kevin Costner. Le plus américain des acteurs de légende encore en activité débarque et met un bon vieux coup de santiag dans la fourmilière. Et franchement, ça fait du bien. L’intérêt est boosté d’un coup d’un seul et chacune de ses interventions s’avère des plus enthousiasmantes.
Kevin Costner qui a rarement incarné des méchants. Il y eut Un Monde Parfait, Mr Brooks et c’est guère tout. D’habitude, Costner, c’est plutôt ce mec providentiel qui sauve la mise de la veuve et de l’orphelin. Une expression qui prend d’ailleurs tout son sens dans Criminal, qui exploite l’acteur en prenant bien en compte tout ce que charrie le mythe qui l’auréole depuis son sacre à Hollywood. Y compris ce qu’il a pu accomplir pendant sa traversée du désert post-Waterworld. Le Costner de Criminal est ainsi fascinant à plus d’un titre. L’acteur campe Jericho, un type complètement cramé du bulbe. Un psychotique de la pire espèce capable du pire, comme par exemple de défoncer le crane d’un gars juste par que l’idée lui a traversé l’esprit. À l’écran, Costner se trimballe ainsi avec un look un peu improbable, et tabasse des gus à la chaîne, pour un oui ou pour un non. L’acteur s’amuse. En roue libre, il fait le show, dans la peau d’une sorte de version viciée de la créature de Frankenstein et parvient à tirer le film vers le haut. Ayant certainement compris qu’il valait mieux le laisser faire à sa manière, Ariel Vromen donne carte blanche à Costner qui représente au final, l’attraction principale de ce thriller fantastique parfois très violent, mais aussi tourné vers une logique un peu tordue qui hésite entre y aller à fond dans le sérieux et sombrer totalement dans le grand n’importe quoi. Quelque part entre les deux, il suit Costner dans son délire. Costner qui fait progresser l’intrigue allant même jusqu’à lui conférer une certaine profondeur. Qui l’aurait cru ? Comme à la grande époque, Kevin Costner retrouve sa place de pilier. Celui qui supporte tout un édifice, sans faillir. À ses côtés, pour l’épauler, un nombre impressionnant de gueules, comme Gary Oldman, cabotin au possible, Tommy Lee Jones, Scott Adkins, Gal Gadot, Alice Eve, Michael Pitt et Ryan Reynolds, qui rapidement néanmoins laisse la place à Costner. Après tout, c’est l’esprit de son personnage qui est transféré.
Avec son casting en béton armé, Criminal fait pourtant comme si il n’était qu’une série B destinée au marché vidéo. En d’autres termes, il ne fait preuve d’aucun complexe. Et ça marche. Droit dans ses bottes, le film enfile les punchlines estampillées 80’s, se débat joyeusement et finit miraculeusement par retomber sur ses pieds, jusqu’à ce que la conclusion ne vienne nous rappeler qu’ici, on est pas non plus dans Citizen Kane. Le tout en parvenant, en un peu moins de 2 heures, à ne jamais être vraiment ennuyeux, à laisser percer une émotion étonnamment convaincante, et à permettre à un acteur de plus de 60 ans de s’amuser comme un gamin de 15 ans au milieu d’une machinerie qui n’a vraiment de sens et de se saveur que grâce à sa présence électrisante.
Loin des steppes de Danse avec les loups ou des colts de Wyatt Earp, mais aussi des rues de Paris, qu’il a écumé dans le navrant 3 Days to Kill produit par Besson, Kevin Costner retrouve toute sa superbe dans cet étrange long-métrage bien bancal mais aussi profondément sincère. Un film, c’est important de le rappeler, flamboyant dans sa propension à exploser les compteurs en livrant un spectacle jusqu’au-boutiste. Il n’en faut pas plus pour prendre son pied à de multiples reprises et ressortir de là avec un beau sourire, quitte à ce que le souvenir de ce que l’on vient de voir, ne soit pas aussi persistant que celui de Ryan Reynold dans la tête de Kevin Costner. Oui cette phrase est bizarre mais qui verra comprendra…
@ Gilles Rolland