Romancier sulfureux de la fin du 19 ème siècle, Octave Mirbeau est un artiste dont , j'avais parlé il y a tout juste un an à l'occasion de l'adaptation au cinéma, par Benoit Jacquot, de son Journal d'une femme de chambre, réquisitoire féroce contre une classe dominante au détriment de la condition esclavagiste des gens de maison, ainsi qu'une critique caustique de l'étroitesse d'esprit de la bourgeoise provinciale.
,Mais Octave Mirbeau n'était pas qu'un écrivain polémique et un homme de théâtre qui prenait également soin de croquer la société de son époque dans ses pièces, dont la plus connue est sans doute, "Les affaires sont les affaires", un titre qui est passé dans le langage courant - il y a même une émission de feu la 5 que je connaissais avant la pièce honte sur moi- et une pièce que j'ai vu mercredi soir au théâtre Les Célestins à Lyon mis en scène par Claudia Stavisky, sa directrice, une pièce qui reste comme tous les grandes pièces du repertoire, d'une grande modernité.et qui des le tout début du 20eme siècle, va dénoncer avec férocité- et aussi avec une façon de pousser la caricature qu'il aimait particulièrement- , l'homme d'affaire, symbole du mal dominant du 20ème siècle, le capitalisme.
Cette pièce, qui est monté pour la première fois en 1903 à la Comédie-Française après dix ans d'écriture, met en scène un personnage complexe, Isidore Léchat, parvenu se disant « socialiste », férocement âpre au gain et prêt à toutes les compromissions. Se consacrant tout entier à sa passion, la conquête de l'argent et du pouvoir. Léchât reste aveugle devant l'avilissement de son fils, la révolte de sa fille — qui le méprise —, comme au malheur qu'il sème autour de lui.
Usant de son humour féroce et de son talent, Mirbeau dénonce les valeurs devenues anachroniques, comme l'honneur ou la noblesse et montre à quel point les magouilles financières asservissent les hommes, capables de toutes les turpitudes et toutes les injustices crées par ce monde où l'argent est roi.
En effet, Les affaires sont les affaires dénonce l’argent roi, l’individualisme obstiné et l’injustice sociale, et fait forcément écho à notre monde d’aujourd’hui. Les époques changent, pas l'avatisme ni la cupidité des hommes…
Et on se rend compte que les financiers d'aujourd'hui ont conservé les mêmes techniques de bases du machiavélisme et de la manipulation comme Lechat parvient tant à user.
Et on reconnait sans mal des Berlusconi ou des Tapie dans le portrait de ce self-made-man qui s’est hissé au rang des plus grandes fortunes. A la tête d’un empire industriel, commercial et médiatique, ce Lechat cynique, vulgaire, et surtout sans scrupules,est si énervant et fascinant en même temps et François Marthouret dans un contre emploi formidable lui offre toute sa démesure et son talent.
Comédie aux accents moliéresques, la pièce se transforme progressivement en tragédie, Lechat ne parvenant pas à gérer les passions humaines aussi bien que les affaires….
Pour incarner la dizaine de personnage du pamphlet politique de Mirbeau, Claudia Stavisky, a choisi une distribution de grande classe parmi ses fidèles compagnons de route comme François Marthouret et Marie Bunel dans le couple Lechat ou le fameux Eric - Tanguy - Berger dans le role du jeune chimiste qui a mis le grappin sur la fille du couple.
Manifeste plutot amoral contre le pouvoir absolu du fric fou et des hommes d’argent. "Les Affaires sont les affaires" s'avère etre un portrait au vitriol intemporel qui frappe par son acuité plus d'un siècle après avoir été écrite.
"Les affaires sont les affaires" au Théâtre-Celestin
vendredi 6 et samedi 7 mai à 20h réservations sur le site du théatre