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Pont-Aven, par ses peintres.

Publié le 05 mai 2016 par Ratdemusee

Il y a quelques jours, le Rat Prof et moi avons profité de notre escapade en Bretagne, sous les rayons encore timides du soleil printanier, pour visiter la petite ville de Pont-Aven, et bien sûr le musée dédié aux peintres de l'école éponyme. Ayant réservé un hébergement juste à côté, nous avions prévu de consacrer une après-midi à la découverte du centre-ville, du Bois d'Amour, et de la chapelle de Trémalo, pour profiter le lendemain d'une matinée entière au contact des chefs d'œuvres de Gauguin, Sérusier et Filiger, au sein du musée qui vient de rouvrir ses portes après quatre années de travaux.

Pont-Aven, par ses peintres.

La petite ville de Pont-Aven mérite le détour pour le voyageur traversant le Finistère ; entre charmant port de plaisance où se balancent les esquifs, galeries d'art à tous les coins de rue, et bien sûr mémoire des peintres qui y vécurent et y imprimèrent durablement leur empreinte (à moins que ce ne soit l'inverse?), les découvertes y sont nombreuses. Remontant la rue principale au hasard des devantures de galeries (et de marchands de galettes!), nous avons récupéré quelques brochures à l'office de tourisme avant d'entamer notre parcours, dans les pas des peintres...

Sur la petite place Paul Gauguin, nous avons marqué l'arrêt devant l'ancienne pension Gloanec, qui hébergea les artistes venus découvrir à Pont-Aven les charmes d'une vie bretonne non seulement plus " naturelle " mais également beaucoup moins onéreuse. Aujourd'hui transformée en librairie, il est toutefois possible d'accéder au premier étage, qui abrite une petite section réservée aux livres d'art, et où sont organisées des expositions temporaires. Dans l'escalier étroit, et malgré les réfections évidentes, une pointe d'émotion se fait néanmoins sentir, quand on pense aux peintres qui y traînèrent leurs galoches, sous l'œil bienveillant de la maîtresse des lieux (et femme d'affaires accomplie), Marie-Jeanne Le Gloanec.

Pont-Aven, par ses peintres.

Pont-Aven, par ses peintres.

De retour dans les calmes petites rues ensoleillées, c'est ensuite vers le Bois d'Amour que nous nous dirigeons, en longeant l'Aven et ses " chaos " de roches autour desquels se meuvent les eaux sinueuses. Sur ses berges, sous les frondaisons du Bois, des petits bancs sont disséminés. C'est ici que fut peint, sur un couvercle de boîte à cigares, le fameux " Talisman ", dicté par Gauguin à Paul Sérusier, concerto de bleus, de jaunes et de rouges qui devait plus tard inspirer les Nabis. La balade rattrape ensuite la ville par ses aspects les plus pittoresques, des jardins ouvriers où les rouge-gorges côtoient sans crainte le visiteur de passage, par les étroites ruelles menant aux ponts enjambant l'Aven, jusqu'au petit parc dédié à Xavier Grall, poète et journaliste breton. En ce début de printemps, les fleurs s'épanouissaient dans chaque massif, et les magnolias inclinaient avec grâce leurs grappes de pétales rosés au-dessus des eaux miroitantes... une promenade idyllique!

Nous avons conclu notre parcours à la chapelle de Trémalo, curieuse structure ramassée sur elle-même, sous la pente fuyante de son vaste toit. Moyennant une petite donation, le visiteur a le privilège d'éclairer lui-même l'intérieur de l'édifice, qui révèle d'étonnantes poutres sculptées, et surtout le " Christ Jaune ", sculpture anonyme d'une grande force expressive, qu'immortalisa Gauguin à deux reprises. Un petit détour par le calvaire de Nizon (inspiration du " Christ Vert ") conclura notre après-midi.

Le lendemain, frais et dispos (et trépignant d'impatience, pour ma part!), nous voici enfin devant le musée dont nous n'avions aperçu, la veille, que les grilles closes. Nous sommes venus pour l'ouverture, mais nous sommes loin d'être seuls, quelques jours seulement après la réouverture officielle : un car d'enfants et un groupe de seniors nous ont devancés! Prenant notre place dans la queue, nous arrivons devant l'accueil, et là... les choses se gâtent. Pas de bonjour (oui, c'est apparemment envisageable de ne pas saluer les visiteurs à l'accueil d'un musée... j'avoue qu'on ne me l'avait jamais faite, même dans les plus grands établissements culturels!), un soupir agacé quand le Rat Prof exhibe son Pass Education, les yeux au ciel quand nous énonçons nos âges respectifs... et, alors que le couple de seniors devant nous avait eu droit au plan de visite et à l'audioguide, proposés avec un sourire, nous devons nous contenter de... nos billets! Nous sommes trop estomaqués pour réagir sur le coup, et nous nous efforçons de nous persuader qu'un aussi mauvais accueil n'augurera pas du reste de la visite...

Le musée de Pont-Aven est un joli écrin de verre, de métal et de bois, une structure aérée qui ouvre sur un jardin dont nous apprendrons plus tard qu'il a été composé d'après une œuvre de Charles Filiger (" Paysage rocheux, le Pouldu "). Au premier étage, la salle Julia (ancienne salle à manger de l'Hôtel Julia dans lequel est aménagée l'extension du musée) s'enrichit de trois lustres designés par Matali Crasset. La réfection et l'agrandissement (de 2012 à 2016, le musée a ainsi doublé sa superficie) semblent avoir été placés sous le signe de l'efficacité et de la modernité discrète ; les volumes sont agréables, et la luminosité parfaite.

Nous découvrons d'abord l'exposition temporaire consacrée aux Rouart, une famille d'industriels passionnés d'art, et dont trois membres en particulier, Henri (le père), Ernest (le fils) et Augustin (le petit-fils), se sont essayés à la peinture. Honnêtement, nous n'avons pas été fascinés par l'histoire, brièvement esquissée, de la dynastie Rouart. Seules quelques toiles ont retenu notre attention, les " Baigneurs sur la plage " d'Ernest notamment ; pour le reste, beaucoup de maladresses (en particulier chez le patriarche, Henri) et des coloris assez pompiers... l'argent et le carnet d'adresses ne font pas la légitimité!

Nous montons d'un étage, à la découverte des collections permanentes. Le battage médiatique qui a suivi la réouverture (le 26 mars) faisait la part belle à Gauguin ; si je me doutais que nous ne découvririons pas, à Pont-Aven, de tableaux de la période polynésienne ou des chefs d'œuvres comme " La Vision du Sermon ", j'espérais quand même de belles surprises. Malheureusement, la collection est finalement assez réduite : quelques belles gravures (Cuno Amiet, Carl Moser) qui établissent un parallèle avec les estampes japonaises Ukiyo-e, des Maurice Denis et des Émile Bernard (magnifique " Madeleine au Bois d'Amour "), d'autres suiveurs de l'école de Pont-Aven, parmi lesquels Emile Jourdan, quelques Nabis, une salle " Gauguin " dans laquelle on peut admirer quelques gravures sur zinc, un joli pastel de Bretonnes et deux tableaux prêtés par le musée d'Orsay, et puis... c'est tout! Déjà?!

On mentionnera quand même le diaporama de cartes postales anciennes animées (la bonne idée du début de parcours), le pôle didactique autour de la gravure (trop statique, dommage), et la très bonne vidéo explicative qui permet de mieux comprendre la naissance de l'école de Pont-Aven autour de la personnalité de Gauguin, et les emprunts des uns aux autres (Gauguin se serait en fait inspiré du cadrage révolutionnaire des " Bretonnes dans la Prairie Verte ", d'Émile Bernard, pour créer sa " Vision du Sermon "), les différentes influences, notamment celle de l'art asiatique avec les estampes japonaises, et les courants qui naîtront de ces recherches picturales, du synthétisme aux Nabis.

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Nous repartons un peu sur notre faim et surtout extrêmement déçus par l'accueil qui nous a été réservé (ou " pas " réservé, d'ailleurs). Autre exemple d'une attitude anormale de la part de l'équipe : dans l'une des salles, alors que nous nous interrogions sur le rectangle plus clair au centre d'un tableau d'Émile Jourdan (" Pont-Aven, la chapelle de Trémalo "), une médiatrice, debout dans un coin, nous regardait nous questionner sans mot dire. A peine nous étions-nous éloignés qu'elle s'est précipitée sur le couple âgé qui nous suivait, pour leur expliquer le pourquoi du comment de ce fameux rectangle blanc, le tout en chuchotant au cas où nos oreilles indiscrètes auraient pu capter une partie de ses explications. J'ai dû retourner vers elle pour lui demander de bien vouloir nous communiquer les précieuses informations... Inutile de préciser qu'à la boutique (comptoir unique avec l'accueil), et malgré nos achats, nous n'avons pas eu droit au moindre sourire.

Nous garderons donc un souvenir très mitigé de cet établissement dans lequel nous avons eu la nette impression de ne pas être bienvenus ; était-ce dû à notre âge? à nos chaussures de randonnée? Je suis en tout cas certaine d'une chose : aucun visiteur ne devrait avoir à se remettre en question au sortir d'un musée, quel que soit le contexte.


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