Combat. La bataille pour la sauvegarde –autant dire la survie– de l’Humanité se double d’un autre combat non moins fondamental qui, ne le cachons pas, a tout à voir avec l’avenir du journal fondé par Jean Jaurès: celui de la concentration des médias, qui, dans l’histoire de notre vieille République, n’a jamais été aussi prégnante et répugnante. Tout cela tient en quelques mots: convergence croissante entre médias et télécoms, avec à la clef une réduction drastique du nombre d’acteurs; constitution d’empires médiatiques comprenant à la fois journaux d’information politique et générale, magazines, sites Internet, radios et même chaînes de télévision. Rarement dans toute leur histoire les journalistes ne se sont à ce point interrogés sur eux-mêmes, sur le sens de leur travail, sur leur fonction. Et pour cause. Dans ce paysage en recomposition accélérée, l’indépendance, leur indépendance, n’est plus un enjeu ni même un objectif. L’affaire pourrait en effet se résumer à une simple équation: celle de la rentabilité économique dans un secteur caractérisé par des rendements d’échelle croissants, à condition de favoriser la concentration –au détriment, vous l’avez compris, du pluralisme. Les plus «petits» (au sens financier) sont sommés de rentrer dans le rang ou de disparaître. Comme le dit notre professeur au Collège de France: «Face à la constitution de géants médiatiques, qui, comme par hasard, veulent détenir tous les monopoles de l’information, c’est l’État qui doit se faire garant de l’indépendance. Il faut le répéter: c’est une question de démocratie, pas seulement de papier journaux.»
[BLOC-NOTES publié dans l’Humanité du 6 mai 2016.]