Chapeau aux Champeaux !
Encore et toujours Alain Ducasse ! A Paris, en France, en Europe, dans le monde. Certains chefs donnent cette sensation étrange que l’on ne peut plus leur échapper. Robuchon, Ducasse, Gagnaire, Alléno, Ramsay, ils sont partout. Boulimie de nouvelles adresses, obsession d’être là où il y a une opportunité, et finalement se prendre au jeu du développement et de la présence planétaire. Comme les enseignes de la grande distribution ou comme celles des autoroutes auxquelles nous ne pouvons que nous livrer à chaque arrêt. Ils viennent, ils signent une carte, posent pour les photos le jour de l’ouverture, et ils s’en vont. Et nous, on reste.
Champeaux, ce nom étrangement médiéval dans ce lieu d’une modernité débridée. Le jeu des contrastes, toujours la référence à un passé de Paris mort et enterré. Ces Halles qui n’en finissent pas d’agoniser et de renaître de manière protéiforme en faisant appel aux designers et autres architectes du moment qui, eux aussi, conçoivent un « truc », ici une canopée (le nom se veut très écolo urbain) et puis s’en vont. La majorité silencieuse trouvera ça « super » « incroyable » et surtout « génial ». Tout va bien dans le meilleur des mondes.
L’emplacement est idéal, à deux pas de l’église Saint-Eustache blasée depuis des lustres, et devant des escalators qui vomissent des milliers de personnes chaque jour qui ne verront que Champeaux et ses grandes baies vitrées obscurcies par des rideaux grisâtres d’une grande tristesse. Bientôt, oh bonheur, on pourra s’attabler devant les escalators sur l’esplanade couverte avec 80 autres personnes. Un rêve devenu enfin réalité. Plus on est de fous, moins on rit.
Pour le moment, la salle intérieure est plaisante, agréable, lumineuse, immense, bruissant des conversations mais sans être assourdissante. Le gimmick est le tableau d’aéroport qui nous appelle non pour les départs mais pour l’arrivée des soufflés, autre gimmick identitaire du lieu. Soufflés salés, soufflés sucrés, qui changeront au fil des saisons.
Accueil au desk, efficace et rapide, sourire et disponibilité à tous moments, service impeccable et aux petits soins, il semblerait qu’en salle la machine soit bien huilée. Ambiances différentes et plaisantes, entre tables ou comptoir, chaises ou banquettes, au grand jour ou plus discret, seul ou à plusieurs, sangles sous les tabourets et rangements derrière les banquettes, sans oublier le chargement des portables. Bref, une brasserie bien identifiée dans l’époque et dans le moment.
La carte joue du Ducasse dans une approche classique, mais éclairée par quelques détails décalés qui nous font bien comprendre que la ringardise n’est pas de mise. En cuisine, c’est Bruno Bangea qui s’y colle, ex Marius et Jeannette et chef formateur à l’Ecole Ducasse. Un bon ouvrier spécialisé qui sait gérer les volumes et les dizaines de commandes qui déboulent d’un coup en cuisine. Comme en salle, les choix de la carte sont variés et complémentaires, allant du simple sandwich à l’épaule d’agneau en passant par une carte du « tout cru », un semainier avec blanquette, quenelle, etc ., salades fraîcheur et plats rassurants. A ce jour, quelques semaines à peine après l’ouverture, ça tourne globalement bien avec quelques trébuchages sinon ratages.
Le Soufflé homard, bisque légère est savoureux, presque puissant, mais d’une texture étonnamment « éponge ».
La Tranche de boudin noir rissolée, salade de pommes gala est franchement délicieuse, bien construite, et subtilement goûteuse en présentation rustico-chic du meilleur effet.
Dans le semainier, le lundi, la Blanquette de veau à l’ancienne se tient fort bien, copieuse dans sa coquelle fumante, et un bon riz pilaf bien parfumé.
On passe sur le Pavée d’aigle-bar, assez fade car surcuit, quinoa (trop) torréfié donc sec et désagréable en bouche, et un condiment citron/olive, genre tapenade, en forme de petites crottes trop puissantes pour le plat.
En sucré, le Soufflé pistache, caramel beurre salé souffre de la même texture mais demeure agréable et riche.
Carte des vins chapotée par le grand Gérard Margeon, donc intéressante et variée avec ses quelques 70 références et un bon choix de vins au verre (à partir de 6 €).
A table à plusieurs ou seul au comptoir aux tabourets bien espacés, on passe un moment plaisant, sans stress, bien servi avec des assiettes pour la plupart réussies, ce qui est finalement ce que l’on demande depuis toujours à une brasserie digne de ce nom. L’ambiance viendra avec la patine du temps. Pour l’instant, la bonne adresse des Halles.
Sortie Rambuteau
75001 Paris
Tél : 01 53 45 84 50
www.restaurant-champeaux.com
M° : Les Halles
Voiturier devant Saint-Eustache
Ouvert tous les jours
De 8h à minuit
De 8h à 1h les jeudis, vendredis et samedis
Soufflés de 12 € à 22 €
Plats du semainier : 22 €
Carte : 40 € environ