Existe-t-il réellement un « système politico-médiatique » ? Grâce à Claire fait grr sur twitter, je viens de lire un article de Garrigou dans le diplo intitulé « les nouvelles frontières du crétinisme » et le Monsieur se posait la question, justement. Et vous savez quoi ? je crois bien que ce continuum espace temps parallèle au nôtre existe bel et bien. On en a la preuve tous les jours. Un seul exemple : celui du traitement médiatique des mobilisations sociales et de la place de la violence dans celles-ci, que je suis avec une particulière attention. Alors que de partout émergent des témoignages de violences policières toutes plus choquantes les unes que les autres en termes d’atteintes aux droits humains, lorsqu’on regarde une émission d’information – au hasard, Pujadas sur France2 mais j’aurais pu en prendre une autre – nulle trace. Pire, on impose aux téléspectateurs un certain récit à base d’images mythiques : le bon policier qui fait consciencieusement son travail en protégeant l’honnête citoyen et les biens communs que de méchants casseurs (ah, cette figure de l’imaginaire collectif, comme il y aurait à en dire !) qui décrédibilisent la lutte plus propre des manifestants pacifiques. On décuple et on amplifie le message d’un syndicat de police extrêmement droitier qui pousse le ridicule jusqu’à nier ce phénomène que toute personne correctement informée peut constater, sauf à pratiquer le déni de réalité, comme c’est le cas des sympathisants de droite et de son extrême, du gouvernement, et du petit pré carré des derniers gogos qui soutiennent encore un président si unanimement décrié. On va jusqu’à donner la parole au principal accusé, sans se sentir nullement le devoir déontologique d’inviter également un représentant des victimes. Monsieur Delage peut ainsi en toute quiétude passer pour le porte-parole des martyrs de la république, sans être contrarié d’aucune manière, et personne ne saura jamais quelles sont ses options politiques extrêmement marquées, ni ce qu’endurent nos jeunes ou nos moins jeunes dans les manifestations auxquelles ces gens là ne participent pas. Ce qui ne les empêchent apparemment pas d’en parler abondamment en désignant des coupables. Étrange alliance, c’est le cas de le dire, entre les pans de notre société les plus acquis aux thèses ultra-sécuritaires de ce pays, ces médias qui inventent un récit fabriqué de toutes pièces qui ne correspond en aucun cas à la réalité (ou alors ce n’en est qu’une facette parmi 100 autres…), et un gouvernement aux abois qui ne sait plus comment maîtriser y compris son propre électorat qui voit bien, lui, que le roi est nu. Il m’apparait très clairement que ces gens là n’ont pas franchement conscience qu’à l’heure d’internet, tout se sait, et que donc cette manière orientée de traiter l’information n’est plus très crédible, et même totalement dépassée. Journalisme couché. Et malhonnête. Le parallèle est saisissant en effet quant on a devant soi, sur deux écrans côte à côte, la vision d ‘un même événement – une manifestation quelconque – traité par la télé officielle et en direct par les gens eux mêmes qui vivent la situation dans leur chair. Réelle déconnexion ou véritable manipulation. Quand ce n’est pas tout bonnement un manque de professionnalisme évident. Autre exemple : la manifestation qui a eu lieu hier à Paris contre l’expulsion de 360 migrants installés dans le Lycée Jean Jaurès depuis le 21 avril. J’ai pu voir en direct grâce à certaines personnes sur place via twitter et Périscope la nouvelle se répandre comme une traînée de poudre que les forces de l’ordre allaient intervenir pour déloger les migrants. La vitesse avec laquelle des personnes émues par cette nouvelle et se sont précipitées pour s’interposer à été impressionnante. Passer d’un petit groupe du départ à une telle foule en si peu de temps dit bien des choses sur notre société, et ses rouages. Or, après avoir vu cela, et son dénouement, alors que les manifestants ont été extraordinairement pacifiques, voilà qui n’a pas empêché de pseudos journalistes amateurs (dont on connait l’habituelle déontologie) d’une chaîne d’infos en continu (ç’aurait pu être une autre) de faire dans le sensationnalisme de bas étage en évoquant des violences provenant des manifestants, ce qui est faux. Vous n’imaginez pas quel délice fut le mien de voir ces acteurs là de la société du spectacle informationnel de notre pays confrontés à leur propre incompétence. C’est ici. Ils sont vraiment pathétiques. Je crains que de telles confrontations sur la qualité et l’exactitude de notre information quotidienne ne soient appelées à se répéter, à l’heure où le journalisme indépendant et la recherche en direct par les internautes des faits et des témoignages qui les intéressent est en train de prendre une place de plus en plus grande. Et ce phénomène là, beaucoup ne le réalisent pas encore. je pense que cela va changer à l’avenir bien des choses, non seulement sur la manière de faire de l’information, mais aussi sur la manière de faire de la politique. Libre aux vieux cons réacs de tous bords de continuer comme ils le font à cracher sur Internet comme si ce n’était qu’un déversoir à ordures et rancœurs personnelles, mais ce formidable instrument ne peut plus être réduit à cela. Le mot d’ordre démocratique n’a jamais été autant d’actualité : devenons nos propres médias.