La voici la voilà, la 4e et dernière interview bilan de 2015, après Kurokawa, Ki-oon et Kana ! La dernière mais pas des moindres puisqu’il ne s’agit pas d’un éditeur mais de presque trois. L’ensemble a su briller en 2015 par ses résultats en progression et il propose une actualité 2016 assez riche : je vous parle du trio composé de Taifu, Ototo et Ofelbe !
Cet assemblage éditorial est plus que jamais à part au sein du paysage français, car il a su évoluer en ayant comme cap d’aller là où les fans se trouve, qu’ils aiment le yaoï, le yuri, le hentai, le light novel, etc. Une démarche qui contraste avec la conquête nécessaire du grand public néophyte et dont se charge d’autres maisons d’éditions.
Pour analyser cette démarche, de ses différentes possibilités à ses résultats, c’est Guillaume Kapp, l’attaché de presse du trio, qui a répondu à mes questions, en en février dernier (quelques mises à jour venant actualiser le tout, forcément). Je vous laisse donc en sa compagnie, bonne lecture !
L’actualité et ses bonnes novels !
Paoru.fr : Bonjour Guillaume Kapp,
On commence avec l’actualité… Tu ressors de deux salons, le FIBD d’Angoulême puis Paris Manga. Paris Manga nous avons l’habitude de vous y voir, mais Angoulême je n’ai pas l’impression…
Cela s’explique par une certaine jeunesse du label Ototo à l’époque. Il existait déjà mais c’était le tout début : le manga de Spice & Wolf a pu être mis en avant mais, derrière celui là, nous n’avions que des licences assez anciennes, comme +Anima ou d’autres qui fonctionnait difficilement comme Samidare et Adekan. Enfin nous étions aussi présents à travers Taifu et nos titres yaoi, ce qui ne correspond pas forcément au public du FIBD.
En 2016 nous avons décidé d’y aller parce que notre catalogue est beaucoup plus important avec des titres shônen qui conviennent mieux au jeune public présent sur le salon. Nous voulions également communiquer sur la nouvelle collection Light Novel d’Ofelbe et aussi sur Sword Art Online ou Spice & Wolf. Même si Angoulême est un festival BD et que certains pensaient que le light novel serait hors-sujet, il ne faut pas oublier que c’est un format d’origine pour de nombreux mangas. On dit souvent que le manga est la base de nombreuses choses dans la pop-culture japonaise, des animes aux produits dérivés, mais il n’y a pas que ça et le light novel prend de plus en plus ce rôle (de format d’origine) dans certaines licences : beaucoup plus de mangas et beaucoup d’animes en sont issus.
Donc voilà, nous voulions expliquer ça aux gens et leur faire découvrir ce format.
Enfin cette édition, grâce à la place donnée à Katsuhiro OTOMO, était aussi une bonne opportunité avec toute l’actualité autour de cet auteur, d’Akira et du quartier Asie mis en place. C’était l’occasion où jamais de retenter et, tant qu’à le faire correctement, nous avons pris la décision d’être présent à travers un gros stand, pour imposer notre présence dans cette espace Asie.
Au-delà ce qui s’est passé sur les prix Fauve – où tout a déjà été dit de toute façon – ça a bien fonctionné pour nous. Les ventes ont été au rendez-vous, nous avons pu réaliser une bonne mise en avant de nos licences, comme Sword Art Online mais aussi Accel World, de manière notable. Cette seconde série tournait convenablement mais nous avons pu constater que la diffusion de l’anime sur Game One lui avait fait beaucoup de bien. Nous avons aussi réussi à bien mettre en avant les titres Ofelbe : nous avons pu vendre Spice & Wolf, Sword Art Online et Log Horizon. De plus, même si les gens n’achetaient pas toujours, ils étaient assez curieux et posaient des questions, ce qui est une bonne chose.
Enfin ce salon nous a permis de faire un autre test : nous n’y avons pas ramené Taifu ou plutôt nous n’avons emporté qu’un titre : In This Words. Nous nous sommes dit que le titre pouvait plaire à ce public et nous avons vu juste car il s’est très bien vendu… Pas au jeune public, mais à des adultes de 35-40 ans en moyenne, des femmes comme des hommes. Je l’ai beaucoup défendu comme non réservé au seul public yaoiste – c’est avant tout un thriller – et les gens ont été réceptifs à ce message.
C’est pour ça que j’ai réalisé un article dessus d’ailleurs, alors que je ne suis pas lecteur de yaoi. Son graphisme comme son scénario ou sa narration en font un bon titre au delà de son thème, et ainsi un ambassadeur du genre…
C’est un très bon ambassadeur, il permet de remettre en valeur la thématique yaoi et fait partie de ces titres que nous voulons publier chez Taifu et qui se veulent beaucoup plus grand public, pour casser les clichés. Après plusieurs années à le défendre nous sommes parfois fatigués de voir ce secteur du manga trop souvent dénigré. Nous savons qu’au départ, les premiers titres yaoi ont suivi les codes du genre, nous avons favorisé cette image en publiant beaucoup de titres de ce style. Mais l’offre était quasi-inexistante et la demande tellement forte qu’il nous a d’abord fallu rattraper le retard. Mais maintenant, depuis deux ou trois ans, nous essayons de faire connaître de nouveaux auteurs, de dépasser les clichés pour mieux faire connaître le yaoi.
In This Words est donc à la fois la locomotive et le porte étendard de cette nouvelle ligne éditoriale. Il est désormais secondé par Deadlock qui s’inscrit dans la même lignée.
Après Taifu, continuons avec Ofelbe qui a pas mal d’actualité, notamment la nouvelle licence Dan Machi. Ce titre est lui aussi un étendard, mais pour une nouvelle collection chez Ofelbe qui porte le nom étonnant de Light Novel. Étonnant car, auparavant, vos titres étaient aussi des LN chez Ofelbe, pourquoi différencier celle là des autres ?
En fait la première intention des éditions Ofelbe avec Spice & Wolf, Sword Art Online et Log Horizon était de faire connaître un nouveau genre, que nous n’avons pas tout de suite appelé light novel mais plutôt roman jeunesse japonais. En effet, lorsque nous parlions aux médias spécialisés, ils connaissaient tous le terme light novel… mais pour les médias généralistes cela ne signifiait rien du tout.
Ainsi la collection classique des éditions Ofelbe a pour but d’éditer des light novels que l’on peut considérer comme des romans jeunesses qui correspondent aux standards du genre que l’on peut trouver en France : ils peuvent plaire aussi bien au public manga ou amateurs de la culture japonaise qu’au grand public comme les lecteurs d’un Harry Potter, Divergente, Hunger Games, Labyrinth… Mise à part le visuel de ces titres, typés manga, ces romans ne sont pas connotés Japon par une façon d’écrire ou par le choix de thématiques.
Par contre d’autres titres très demandés à l’heure actuelle chez nos lecteurs, ne sont clairement pas publiables dans la collection classique Ofelbe avec leur coté ecchi, leur thématique très japonaise, etc.
Le but de cette collection Light Novel est donc de se laisser plus de libertés sur la ligne éditoriale afin de faire connaître toute la diversité de l’offre japonaise. Ce n’est pas parce qu’un titre n’est pas de la fantasy ou qu’il est très marqué « culture pop-japonaise » que ce n’est pas un titre de qualité ou qu’il ne va pas plaire au public roman. Il fallait juste faire une distinction entre les deux.
Dan Machi, par exemple, a un petit coté harem et dans les illustrations il y a un coté coquin, ce qui fait sortir ce titre des standards du roman jeunesse classique. Il y a néanmoins, encore, un petit coté fantasy dans Dan Machi, mais ça ne sera pas le cas pour la licence suivante. Le choix sera vraiment plus large dans les thématiques que nous allons proposer. Nous ne pouvions pas ne pas le signifier, pour tous nos lecteurs et surtout ceux qui ne sont pas des habitués de cette culture japonaise. Et pour faire découvrir toute cette diversité, le nom le plus adapté nous semblait bien LN –Light Novel.
Nous serons donc dans une collection destinée aux connaisseurs, qui ne seront pas gênés par un peu de ecchi ou une identité nippone forte, voir qui la recherche justement ?
Exactement, et ça va un peu à contre-courant de ce que font d’autres éditeurs, que ce soit Casterman, Ki-oon ou plus récemment Komikku en proposant des collections qui « s’éloignent » du public manga, s’orientant vers le grand public ou un public de non-connaisseur. Avec LN –Light Novel nous essayons au contraire de nous recentrer sur ce public d’amateur, en leur proposant un format intermédiaire entre les mangas et les romans, de part son contenu mais aussi son prix. Le coût moyen d’un manga est d’environ 7.50 euros, celui d’un roman c’est entre 15 et 17 euros et la collection classique d’Ofelbe est à 19.90 : il y avait donc un gros différentiel entre un manga et un roman. Avec la collection LN on passe à 12.99 euros, un prix plus proche de ce public là, qui sera plus attractif.
Il s’agira d’un tome simple avec un nombre de pages équivalents à celui d’un manga, ce qui peut aussi faire moins peur à un public pour qui l’épaisseur d’un livre peut-être rédhibitoire. On sait qu’une partie du public manga ne lit que ça, parce qu’il ne trouve pas ce qu’il recherche dans les romans ou parce que le format roman peut leur faire « peur » par la taille. Nous avions déjà réfléchi à tout ça pour la collection classique et nous y avons encore fait plus attention pour cette nouvelle collection.
NDLR : Depuis l’interview on connait désormais deux autres titres de la collection LN, le très populaire Durarara !! mais aussi The Irregular ar Magic High School !
Durarara LN
Communiqué : La collection LN – Light Novel accueillera dès le 8 septembre son deuxième titre avec « Durarara !! », une œuvre écrite par Ryohgo Narita et illustrée par Suzuhito Yasuda, un artiste dont le travail pourra être apprécié par les lecteurs dès le 9 juin avec la sortie du tome 1 de « DanMachi – La Légende des Familias » dans la même collection. La collection classique de l’éditeur fêtera, dès le 27 octobre, l’arrivée d’une quatrième saga avec « The Irregular at Magic High School », un titre que nous devons au duo Tsutomu Sato pour le scénario, et Kana Ishida pour les illustrations.
The Irregular LN
Plus d’infos sur Durarara ici et pour The Irregular at Magic High School c’est là.
Ofelbe est aussi dans l’actualité pour la sélection de son catalogue à deux prix littéraires : le Prix Chimère et le Grand Prix de l’Imaginaire… Le light novel ne serait donc PAS qu’une sous-littérature, alors ? (Rires)
Mais exactement, c’est de la vraie littérature ! C’est vrai qu’on entend parfois ce reproche, sous prétexte que les visuels sont typés mangas. Ce serait dommage de ne se limiter qu’aux illustrations car elles ne représentent qu’une dizaine ou quinzaine de pages tout au plus. Nous espérions que 2016 nous fournissent des retours par rapport à certains prix sur lesquels nous avions candidatés mais nous ne voulions pas faire des pronostics et nous porter la poisse ! (Rires)
Alors on va dire que ce ne sont que des sélections mais être présent sur deux prix reconnus c’est déjà une bonne nouvelle… Ce ne sont plus uniquement les ventes qui prouvent qu’ils méritent qu’on s’y intéresse.
C’est une forme de reconnaissance pour le format light novel finalement, ça règle la question de savoir si ça mérite le nom de roman. Et c’est oui. Après il y a des titres en concurrence et savoir si vous avez le meilleur roman de l’année c’est encore une autre question…
Voilà. En plus, ce qui est intéressant, c’est que ce sont deux prix opposés… Le Prix Chimère donne clairement la part belle aux lecteurs, car c’est eux qui choisissent les lectures préférées donc nous aurons ainsi leur retour. Sur le Grand Prix de l’Imaginaire nous aurons les avis des professionnels, donc ça nous permet d’avoir cette reconnaissance et cette légitimité sur ces deux tableaux.
Maintenant comme tu le dis avoir le prix est une autre paire de manche, il y a des sacrés titres en compétition, comme Phobos chez Robert Laffont au Prix Chimère qui est un gros titre de 2015.
Enfin il ne manque plus qu’une sélection pour Spice & Wolf, en 2016 ou 2017 sur un autre tome, et ça nous permettrait d’avoir un 3/3. Nous continuons d’y croire et nous nous disons que le mois d’avril sera peut-être riche en bonnes nouvelles !
On croise les doigts aussi !
NDLR : Si SAO n’a pas réussi a obtenir de prix pour sa première sélection, Log Horizon a passé le cap des sélections et il est désormais dans le top 5 final du Grand Prix de l’Imaginaire ! Une bonne nouvelle ne venant jamais seule, Spice & Wolf a été sélectionné pour le PRIX IMAGINALES 2016, catégorie roman étranger traduit.
Hentai : réflexions et interdits
Pour finir sur l’actualité : c’est le retour de la collection sans interdit. Dans notre dernière interview, fin 2014, tu avais évoqué un ralentissement des sorties pour une montée en gamme. Comment s’inscrit le retour de cette collection ? Est-ce la même qu’avant ?
Oui ce sera la même collection qu’avant, c’est toujours non censuré. Nous faisons notre retour avec Linda, un auteur déjà connu chez les lecteurs de cette collection puisque c’est l’un de nos premiers avec Partenaires Particulières sorti en juillet 2013.
Quelques soucis sur le hentai demeurent cependant : c’est un genre à prendre avec des pincettes et nous rencontrons parfois des difficultés dans la sélection des titres : nous n’avons pas accès à tous les catalogues des éditeurs de ce secteur et notamment les principaux…
Qu’est-ce qui bloque ? Est-ce un refus de sortir du Japon ?
Il y en a un qui travaille avec les Etats-Unis mais qui ne veut pas encore travailler avec le marché européen (l’éditeur Wani, NDLR), et le second ne donne pas vraiment d’explication. Peut-être est-ce un désir de ne pas sortir de ses frontières. Cela ne nous empêchera pas de refaire des demandes en 2017 ou dans quelques mois. Un « non » sur une licence n’est pas une réponse définitive pour tout un catalogue, donc nous faisons avec. En attendant le collection reprend, avec deux titres de Linda donc, Wives Color en mars et Lovers Color en avril. Nous n’aurons peut-être pas un rythme de sortie régulier, et les nouvelles œuvres arriveront peut-être tous les deux ou trois mois. Nous avons encore quelques titres sous le bras mais nous n’avons pas envie de faire n’importe quoi… Nous prenons le temps de réfléchir.Notre politique sélective pour le yaoi est encore plus vraie pour le hentai car parmi toutes les œuvres publiées au Japon il y a beaucoup de choses qui ne peuvent pas être publiées en France, un problème que l’on rencontre beaucoup moins sur le yaoi. Tout ce qui est loli ou shota c’est compliqué voir impossible à sortir en France que ce soit du point de vue de notre éthique – ça ne nous intéresse pas de sortir ce genre de titre – ou avec toutes les nouvelles lois sur les œuvres à caractère pédopornographique issues de l’imaginaire.
Mais le souci est que le hentai est un genre avec beaucoup de recueils. Il suffit que sur 200 ou 300 pages il y ait deux ou trois pages avec une petite fille ou un petit garçon et cela devient tout de suite rédhibitoire. Soit on censure soit on ne publie pas. Malheureusement censurer un ouvrage c’est mal vu par l’éditeur japonais et nous sommes dans une collection qui se veut non censuré et sans interdit, donc…
C’est se tirer une balle dans le pied que de travailler sur des titres comme ça, qu’elle que soit l’approche choisie…
Voilà, et nous avons déjà suffisamment de travail et d’autres titres à proposer car Taifu Comics n’est pas une maison d’édition qui essaie de faire du racolage grâce à cette collection.
2015 : le bilan des fan base
Passons maintenant au bilan manga 2015. On commence par Ototo ; quel est votre bilan ?
Sur 2015 nous avons sans doute l’un des plus faibles nombre de nouveautés du marché français : quatre tomes 1 donc quatre nouvelles séries, dont trois de la licence SAO : Fairy Dance en février, Progressive en juin, Phantom Bullet en octobre et entre temps Accel World en mai. Ces lancements se sont à chaque fois très bien passés, 2015 a donc été une très bonne année de ce point de vue.
Pour te donner quelques chiffres, qui incorpore les ventes en salons :
Fairy Dance, sorti en février : nous avons vendus quasiment 15 000 exemplaires du tome 1 et si on cumule les ventes des trois tomes nous sommes plus proches des 30 000 que des 20 000.
Pour Progressive sorti en juin nous sommes aux alentours des 18 000 exemplaires vendus pour le tome 1.
Pour Phantom Bullet, sorti fin octobre, nous approchons des 10 000 exemplaires pour le premier tome.
Pour Accel World – j’ai envie de dire le « petit » Accel World, qui est censé ne pas payer de mine par rapport à SAO – nous atteignons les 6 000 exemplaires vendus sur le tome 1, des ventes dopées par la diffusion de l’anime sur Game One comme je te le disais précédemment. C’est une licence qui a du potentiel et qui le montre.
Les titres lancés les années précédentes ont eux aussi bien fonctionné : le premier SAO, Aincrad, a été décrié pour ses dessins mais il continue à bien tourner, Spice & Wolf et Magdala aussi même si, ce dernier étant fini, les ventes ralentissent… Fate Zero continue à faire lui aussi son petit bonhomme de chemin et nous remarquons d’ailleurs une légère augmentation des ventes sur ce titre comme sur Spice & Wolf.
Quelques chiffres là aussi pour ces titres cités ?
Voici les ventes au global :
SAO Aincrad tome 1 : on a dépassé les 23000 exemplaires vendus
Spice & Wolf tome 1 : on approche des 8000 exemplaires vendus.
Pour Magdala, Alchemist Path tome 1 : un peu plus de 5000 exemplaires vendus.
Enfin sur Fate/Zero tome 1 : un peu plus de 5000 exemplaires vendus.
Le fait de ne pas avoir énormément de sorties nous permet de continuer à travailler le fond de notre catalogue et ses titres un peu plus anciens, tant en terme de temps que de budget. Nous dépensons aussi ça en allant à de nombreux salons, qui sont l’un des axes principaux de notre stratégie de communication.
Lorsque l’on s’était vu fin 2014 tu avais évoqué cet axe Manga – light novel comme une piste pour Ototo mais finalement on voit que c’est devenu bien plus qu’une piste : c’est une ligne éditoriale à part entière chez Ototo. C’est aussi le choix pour 2016 ?
Le 12 mai 2016 nous sortons les deux premiers tomes de Gate, qui est un light novel à la base. Donc, oui, cette piste sera plus que jamais présente. Cette année, nous partons sur une base de cinq lancements, et quatre sont des mangas adaptés de light novel. Ce ne sera peut-être pas toujours le cas – des opportunités autres peuvent toujours se présenter – mais c’est devenu une caractéristique des éditions Ototo.
La Société Euphor qui regroupe Taifu & Ototo ou la société Ofelbe semblent depuis quelques années focalisées sur des niches : niche du yaoi, du hentai, du light novel… Vous travaillez sur des communautés de fans assez ciblées, à la différence d’un éditeur généraliste qui va souvent parler -ou vouloir parler – au plus grand nombre… C’est votre modèle ?
Nous avons compris qu’il est important d’avoir une fanbase afin de faciliter le lancement d’un titre, mais attention, car cela n’est pas une recette qui marche à chaque fois. Cela peut aider quand un éditeur n’a pas encore la force de communication pour faire des grosses campagnes et faire connaitre au grand public un titre inconnu. Bien évidemment, cela passe aussi par la presse, il faut aussi prendre en compte les attentes du public, mais dans un premier temps il est important pour Taifu, Ototo et Ofelbe d’avoir des bases solides. Une fois que c’est fait, nous pouvons partir à l’aventure et tenter des coups ! Pour le moment, c’est le cas pour Taifu et c’est pour cette raison que le catalogue Yaoi va arriver des auteures inconnues en France, des titres plus originaux. Pour Ototo, on va dire que c’est plus facile maintenant qu’on a SAO de tenter des paris sur certains titres. Pour Ofelbe, il est encore un peu tôt, même si on s’y prépare.
Pour Ototo, pour le moment on est sur des licences tirés de Light Novel, mais ce n’est pas forcément un marché de niche, c’est juste qu’on prend exemple sur ce qui se fait au Japon où de plus en plus de mangas adaptés de LN sont publiés. Les fans de LN français représentent une communauté à ne pas sous-estimer, ils peuvent donc être intéressés par ces adaptations mangas. Le tout est de bien choisir et de se concentrer sur des titres qui ont le potentiel de plaire à tous les lecteurs de mangas. C’est pour cette raison qu’il faut aussi prendre en compte les attentes des lecteurs, les évolutions des marchés, ce qui se fait chez les autres éditeurs…
Un autre élément important pour Ototo, c’est les stratégies cross-media qu’on peut mettre en place sur nos licences, car ça permet de toucher un plus large public, d’être plus présents. C’est l’exemple d’Accel World que je citais plus haut, avec une diffusion télé qui concorde avec une augmentation des ventes, ce n’est pas un hasard.
Pour finir, j’aimerais revenir sur le critère de la fanbase. Qu’elle concerne un titre ou un éditeur, les choses sont plus faciles tant qu’on communique avec cette communauté et qu’on la respecte. C’est ce qui a été fait avec Taifu Comics, Ototo et Ofelbe, et maintenant ça fait plaisir de voir des habitués qui nous soutiennent et qui nous font confiance sur nos choix de licences. Je ne pense pas qu’on puisse nous reprocher de ne pas être actifs sur les réseaux et présents sur les salons. D’ailleurs, petite anecdote, on me reproche des fois d’être trop connecté ! (Rires)
Si on passe de Ototo à Taifu, la transition peut se faire sur le thème du Yuri : Inu et Neko semble plutôt une déception chez Ototo et voici qu’est arrivé Citrus chez Taifu… qui a l’air de bien fonctionner, lui. Comment s’est passé ce transfert, comment vous avez réfléchi au placement de cette thématique compliquée chez Taifu, en 2015 et 2016 ?
Inu & Neko n’avait pas pour but de déplacer le yuri chez Ototo, c’était plus pour donner une chance supplémentaire au titre, car les mangas Ototo ont une meilleure visibilité en librairie que ceux de Taifu. C’était aussi pour lui éviter de lui coller une étiquette car ce n’est pas un yuri à 100%, c’est une auteure qui joue avec les codes du genre pour proposer un titre assez mixte avec en plus une narration de type yonkoma. Il était à la frontière entre les deux labels donc nous voulions lui donner plus de chance en le mettant chez Ototo. Bon au final ça n’a pas pris mais nous restions de toute façon dans l’optique de proposer du yuri chez Taifu.
Là il y a donc eu la sortie de Citrus en janvier. Comme nous l’avons dit sur les réseaux et au public de fan du genre, c’est un peu la dernière chance de cette collection car Citrus est censé être le titre le plus demandé, le plus apprécié et cela fait d’ailleurs quelques années que nous travaillions pour l’avoir. En effet, quitte à essayer, autant le faire avec le blockbuster du genre : si cela fonctionne tant mieux, ça signifie qu’il y a un public de base. Mais si Citrus ne fonctionne pas il faudra se poser des questions, nous ne pourrons pas continuer à publier à perte. Si cela signifie qu’il y a 1000 ou 2000 lecteurs de Yuri en France, nous les décevrons donc mais, malheureusement, un titre comme ça ne peut pas être rentable avec aussi peu de lecteurs.
Défendre un genre c’est bien, mais si c’est pour qu’il coule les autres, l’intérêt est assez limité…
Exactement. Déjà le travail et les moyens employés sur cette collection ne sont pas utilisés pour d’autres, donc si c’est fait pour une collection qui n’est pas rentable voir même pas amortie, ça n’en vaut pas la peine. Il y a des priorités et des choix à faire.
Pour le moment que les lecteurs se rassurent, Citrus a l’air de bien tourner. Pour information, après un peu plus de deux mois en librairie, nous avons dépassé les 2000 exemplaires vendus sur le tome 1 de Citrus. On va dire qu’on est entre 2200 et 2500. Le lancement se passe donc plutôt bien, une chance pour le genre. Nous en ferons un bilan dans quelques mois et nous verrons ce qu’il en est. En tout cas, nous ferons en sorte que le titre soit une des bonnes, voir très bonnes, surprises de 2016.
Dernière partie : du coté Light Novel et de Ofelbe maintenant, quel bilan pour 2015 ?
L’année 2015 a été là aussi une très bonne année. Le lancement de Spice & Wolf et Sword Art Online, sortis en mars, se sont très bien passés : sur les tomes 1 et 2 de SAO on approche des 30 000 ventes cumulées, ce qui est loin d’être négligeable pour un tout nouvel éditeur. SAO peut certes s’appuyer sur une fan base importante mais chez le public roman le titre était clairement inconnu. Après c’est un phénomène, qui n’est pas forcément représentatif du potentiel du marché du light novel. Nous savons que les premiers tomes de nos light novel ne s’écouleront pas tous à 20 000 exemplaires. Pour Spice & wolf par exemple, nous espérions qu’il fasse entre un quart et un tiers des ventes de Sword Art Online, ce qui est le cas.
De plus nous sommes sur un marché qui ne nous connait pas encore donc en se faisant connaître nous espérons voir nos ventes augmenter. Pour cela, il faut continuer à faire un travail de fond sur les différents prescripteurs (libraires, bibliothécaires, documentalistes, journalistes, blogueurs, Booktubers etc.), mais aussi au niveau des lecteurs en continuant à se déplacer sur des salons, et aller sur des événements qui sont davantage destinés aux littératures de l’imaginaire. Par exemple, nous allons aux Imaginales à Epinal, fin mai, un événement incontournable quand on publie de la Fantasy. Nous aimerions également aller à salon de Montreuil, mais là, c’est plus compliqué… Des fois, il suffit d’un déclic pour voir les ventes augmenter…
Enfin Log Horizon est sorti en novembre 2015 donc il faut attendre encore un peu pour statuer mais ça se passe bien. C’est la licence qui avait le moins de notoriété par rapport à Spice ou SAO, même avec un anime plus récent. Le light novel était donc moins attendu mais nous avons dépassé la barre des 2500 exemplaires vendus. Il devrait y avoir un rebond des ventes avec la sortie du tome 2. Après, on espère avoir une bonne surprise avec sa sélection pour le Grand Prix de l’Imaginaire dans la catégorie roman jeunesse étranger. Ce genre de prix peut apporter une mise en avant non-négligeable au titre, au genre et à notre maison d’édition. Si ça continue sur le même rythme on se dirige vers des ventes proches de Spice and Wolf… Ce qui est pas mal vu que le manga ne porte pas vraiment la licence et qu’on attend une saison 3 de l’anime pour qu’il exprime son potentiel, là où SAO ou Spice and Wolf ont davantage d’actualité.
Si Log Horizon fonctionne sans cette actu, c’est sans doute qu’il y a une attente sur le format light novel lui-même, que les gens ont envie d’en lire ?
Oui, je pense que le genre se fait connaître petit à petit. Nous ne pouvons pas sortir n’importe quoi et nous faisons attention mais effectivement les gens achètent du light novel par intérêt pour ce format. Après avoir lancé des séries connues et attendues nous espérons pouvoir profiter de cet intérêt pour sortir des titres un peu moins connus, un peu moins attendus : proposer des vraies découvertes, comme ce qu’on peut faire chez Taifu & Ototo. Si les ventes continuent sur le même rythme, nous pourrons peut-être tenter ça fin 2017 ou 2018.
On suivra ça de près, on souhaite bonne chance à la collection LN donc, et que les portes étendards de Taifu et d’Ototo soutiennent le catalogue et que de nouveaux auteurs puissent éclore !
Pour rencontrer les équipes de Taifu, Ototo et Ofelbe, rendez-vous aux Imaginales du 26 au 29 mai avec une conférence le vendredi 27 mai à 14H00 pour Ofelbe, ou toutes les équipes, sur le pied de guerre comme toujours, pour Japan Expo ! Retrouvez également leur actu via les liens suivant :
Taifu : site, Facebook et Twitter
Ototo : site, Facebook et Twitter
Ofelbe : site, Facebook etTwitter.
Remerciements à Guillaume Kapp pour son temps et sa disponibilité !
Retrouvez toutes nos interviews éditeurs :
Akata (décembre 2015)
Doki-Doki (mai 2012, janvier 2014)
Glénat (mars 2009 – décembre 2012, janvier 2015)
IMHO (avril 2012)
Isan Manga (mars 2013)
Kana (novembre 2012 – janvier 2014, février 2016)
Kazé Manga (avril 2011 – janvier 2012 – décembre 2013)
Ki-oon (avril 2010 – avril 2011 – janvier 2012 – janvier 2013, avril 2014, février 2015, février 2016)
Komikku (mai 2014)
Kurokawa (juin 2012, décembre 2013, novembre 2015)
nobi nobi ! (septembre 2013)
Ototo – Taifu – Ofelbe (octobre 2012, novembre 2014, février 2016)
Pika (avril 2013, décembre 2014)
Sakka ( juillet 2015)
Soleil Manga (mai 2013, mars 2015)
Tonkam (avril 2011)
Retrouvez également les bilans manga annuel du marché français réalisés par le chocobo : 2010, 2011, 2012 , 2013, 2014 et maintenant 2015 !