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ONU : neuf candidats pour un fauteuil

Publié le 04 mai 2016 par Sylvainrakotoarison

L'Assemblée Générale de l'ONU a amorcé des "dialogues publics informels" avec les candidats à la fonction de Secrétaire Général de l'ONU. Quatre femmes et cinq hommes se sont portés candidats mais le Conseil de Sécurité pourrait néanmoins recommander une autre personne.
ONU : neuf candidats pour un fauteuil
Postuler à la tête des Nations Unies se fait désormais comme pour postuler à un emploi ordinaire, c'est-à-dire avec une candidature présentant son CV et ses motivations ainsi qu'un entretien de recrutement.
La procédure mise en place par le Danois Mogens Lykketoft, Président de l'Assemblée Générale de l'ONU depuis le 15 septembre 2015, paraîtrait normale et habituelle dans un pays à la tradition démocratique, et pourtant, elle est exceptionnelle, elle est nouvelle, et elle préfigure peut-être une nouvelle étape dans l'histoire des Nations Unies.
En effet, pour la première fois dans la création de l'ONU, la désignation du prochain Secrétaire Général dont le mandat commencera le 1 er janvier 2017, à l'expiration de celui de Ban Ki-Moon, se fera avec une plus grande transparence. Jusqu'à maintenant, c'était le Conseil de Sécurité (15 membres) qui désignait de manière très arbitraire et discrétionnaire le candidat qui était ensuite ratifié par l'Assemblée Générale. Cette désignation était le résultat d'un processus très opaque, de négociations obscures, de combinaisons secrètes.
Cette année, la méthode va être ouverte et publique. D'abord dans la déclaration de candidatures, ensuite dans la défense de celles-ci devant les représentants des nations, et enfin, peut-être, dans la désignation finale. Un vote sera peut-être même explicitement organisé.
C'est dans cet esprit que l'Assemblée Générale de l'ONU a pu écouter les neuf candidats déclarés au cours de trois journées d'auditions du 12 au 14 avril 2016. Pour chaque candidat, traité de façon identique, l'audition a duré deux heures et s'est déroulé de la même manière : une présentation orale du candidat et de ses propositions pour faire face aux défis actuels, ensuite, les réponses aux questions des États membres et de la "société civile".
Au total, les neuf candidats ont répondu à environ 800 questions devant une assemblée représentée par presque tous les pays membres de l'ONU : " Mon impression est que, durant ma courte expérience à l'ONU, au cours des derniers mois, nous n'avons jamais eu des discussions aussi franches et substantielles sur l'avenir des Nations Unies que celles que nous avons eues lors de ces dialogues informels. (...) Nous avons parlé des vertus et des défauts de l'ONU ; et les candidats ont présenté un grand nombre de points de vue intéressants sur la façon d'améliorer encore plus notre façon de faire les choses. " (Mogens Lykketoft le 14 avril 2016).
ONU : neuf candidats pour un fauteuil
Neuf candidats (dont quatre femmes) se sont pour l'instant fait connaître pour succéder à Ban Ki-Moon. J'ai présenté dans un précédent article les six premières candidatures et je présenterai ci-dessous les trois candidatures complémentaires dont une déclarée le première jour des auditions. La procédure qualifiée de révolutionnaire, d'historique et d'inédite étant informelle, rien n'empêchera la déclaration d'autres candidatures ultérieurement, et leur audition aura alors lieu, le cas échéant, au cours de nouvelles séances de dialogues informels.
Le programme des auditions fut le suivant.
Mardi 12 avril 2016 : Igor Luksic, Irina Bokova et Antonio Guterres.
Mercredi 13 avril 2016 : Danilo Turk, Vesna Pusic et Natalia Gherman.
Jeudi 14 avril 2016 : Vuk Jeremic, Helen Clark et Srgjan Kerim.
7. Helen Clark (66 ans) de Nouvelle-Zélande
Engagée contre la guerre du Vietnam, Helen Clark a adhéré au Parti travailliste en 1974 et échoua dans une élection locale en 1975 à Auckland. Elle se fit élire députée à l'âge de 31 ans, le 28 novembre 1981 et a été sans cesse réélue jusqu'à sa démission le 17 avril 2009 en raison de ses responsabilités à l'ONU. Elle fut nommée Ministre de 1984 à 1990 dont Ministre de la Santé dans le gouvernement de David Lange le 30 janvier 1989 avec le titre de Vice-Premier Ministre à partir du 8 août 1989 jusqu'au 2 novembre 1990 dans les gouvernements de Geoffrey Palmer et Mike Moore. Détrônant ce dernier à la tête du Parti travailliste, elle fut la chef de l'opposition du 1 er décembre 1993 au 5 décembre 1999.
Ayant gagné les élections législatives trois fois, le 27 novembre 1999 (38,7% des voix et 49 sièges sur 120) face à la Premier Ministre sortant Jenny Shipley, le 27 juillet 2002 (41,3% des voix et 52 sièges sur 120) et le 17 septembre 2005 (41,1% des voix et 50 sièges sur 121). Helen Clark est devenue Premier Ministre de Nouvelle-Zélande du 5 décembre 1999 au 19 novembre 2008. Elle échoua aux élections du 8 novembre 2008 en ne recueillant que 34,0% des voix, soit 43 sièges sur 122, face à John Key et son Parti national (44,9% des voix et 58 sièges). Depuis le 17 avril 2009, elle est administratrice du Programme de développement des Nations Unies, comprenant un budget de 5 milliards de dollars et la gestion de 6 500 employés (la 3 e position la plus importante au sein de l'ONU). Le magazine "Forbes" l'a classée 20 e femme la plus puissante du monde en 2006 (et 23 e en 2014). Le 4 avril 2016, elle a annoncé sa candidature.
8. Antonio Guterres (67 ans) du Portugal
Après des études d'électronique, Antonio Guterres s'est engagé au Parti socialiste en 1973 et se fit élire député le 25 avril 1976 à l'âge de 27 ans. Après avoir présidé deux commissions parlementaires, il fut élu président du groupe parlementaire socialiste (dans l'opposition) en 1988. Après une nouvelle défaite du Parti socialiste le 6 octobre 1991, il s'empara de la direction du parti (Jorge Sampaio qui fut ensuite Président de la République du 9 mars 1996 au 9 mars 2006) en se faisant élire secrétaire général le 23 février 1992. Après une opposition au gouvernement social-démocrate d'Anibal Cavaco Silva, les socialistes ont gagné les élections législatives du 1 er octobre 1995 avec 43,8% des voix et 112 sièges sur 230. Antonio Guterres fut désigné Premier Ministre du Portugal du 5 octobre 1995 au 6 avril 2002. Il remporta une nouvelle victoire aux élections législatives du 10 octobre 1999 avec 44,1% des voix et 115 sièges sur 230.
ONU : neuf candidats pour un fauteuil
La défaite des socialistes aux élections municipales du 16 décembre 2001 a conduit Antonio Guterres à annoncer son retrait du gouvernement le soir même du scrutin et aussi à démissionner de la direction de son parti le 20 janvier 2002 (annoncé le 18 décembre 2001). Il ne fut pas candidat aux élections législatives anticipées du 17 mars 2002 qui fut une défaite pour les socialistes (37,8% des voix et 96 sièges sur 230) et une victoire pour les sociaux-démocrates (40,2% des voix et 105 sièges) de José Manuel Barroso nommé Premier Ministre du 6 avril 2002 au 17 juillet 2004. Il fut pressenti quelques temps pour être le candidat socialiste à l'élection présidentielle du 14 janvier 2006 puis à l'élection présidentielle du 24 janvier 2016. Fort de sa seconde victoire électorale, Antonio Guterres succéda à Pierre Mauroy le 10 novembre 1999 à la présidence de l'Internationale socialiste jusqu'au 15 juin 2005 qu'il laissa à Giorgos Papandréou. En effet, le 15 juin 2005, il fut nommé par Kofi Annan Haut-commissaire des Nations Unies pour les Réfugiés, reconduit par Ban Ki-Moon en 2010 jusqu'au 31 décembre 2015. Sa candidature au Secrétariat Général de l'ONU fut annoncée le 29 février 2016 et a reçu le soutien, outre du gouvernement portugais, du gouvernement français (le 18 avril 2016).
9. Vuk Jeremic (40 ans) de Serbie
Après des études de physique théorique à Cambridge et d'administration publique à Harvard, Vuk Jeremic collabora à la City de Londres dans plusieurs banques dont la Deutsche Bank. Se rapprochant de certains ministres yougoslaves après la chute de Slobodan Milosevic le 5 octobre 2000, il continua, comme conseiller en politique étrangère entre juillet 2004 et mai 2007, sa collaboration avec Boris Tadic devenu Président de la République de Serbie du 11 juillet 2004 au 4 avril 2012.
Vuk Jeremic fut ensuite nommé Ministre serbe des Affaires étrangères du 15 mai 2007 au 27 juillet 2012, ayant eu notamment à gérer la proclamation d'indépendance du Kosovo le 17 février 2008. Il fut élu le 8 juin 2012 par 99 délégués contre 85 à l'ambassadeur de Lituanie Dalius Tchekuolis, à la Présidence de la 67 e session de l'Assemblée Générale de l'ONU, en fonction du 18 septembre 2012 au 17 septembre 2013 (un autre serbe candidat également au poste de Secrétaire Général, Srgjan Kerim, présida l'Assemblée Générale de l'ONU cinq ans plus tôt). Vuk Jeremic fut également élu député serbe le 6 mai 2012 (et exclu du Parti démocratique le 14 février 2013). Sa candidature au Secrétariat Général de l'ONU fut annoncée par le gouvernement serbe le 12 avril 2016.
10. Autres candidatures...
Beaucoup de noms ont circulé sur d'autres possibles candidats qui ne se sont pas déclarés. On peut citer entre autres Dilma Rousseff, la Présidente de la République du Brésil dont la destitution probable lui apporterait un handicap majeur, Michelle Bachelet, l'actuelle Présidente de la République du Chili, Federica Mogherini, l'actuelle Haute Représentante de la politique étrangère et de sécurité de l'Union Européenne (et ancienne Ministre italienne des Affaires étrangères), Helle Thorning-Schmidt, ancienne Premier Ministre du Danemark, Janos Ader, actuel Président de la République de Hongrie, et même Angela Merkel, Chancelière allemande.
Pronostic ?
Lorsque j'ai rédigé mon premier article sur le sujet, le 3 mars 2016 (où j'avais présenté les six premiers candidats), j'avais envisagé un avantage à Irina Bokova parce qu'elle avait des compétences dans la gestion d'une organisation des Nations unies, qu'elle était une femme (il n'y en a jamais eu et c'est donc un grand retard pour l'institution) et qu'elle était originaire d'un pays d'Europe centrale et orientale (de l'ex-bloc soviétique).
Toutefois avec les trois autres candidatures, il est possible que la Néo-zélandaise Helen Clark soit la plus indiquée pour le poste de Secrétaire Général de l'ONU dans la mesure où elle a été à la tête d'un exécutif national pendant neuf ans, qu'elle a une expérience dans la gestion de programmes internationaux de grande importance et qu'elle provient d'un continent qui n'a jamais été choisi pour la tête de l'ONU.
Dans tous les cas, les enjeux de désignation peuvent encore rester assez flous et la décision risque encore d'être prise de manière opaque. Mais ce risque a été réduit avec cette procédure historique d'auditions publiques.
Dans sa conférence du presse du 14 avril 2016, Mogens Lykketoft l'a ainsi formulé : " Nous avons introduit une nouvelle norme de transparence et d'inclusion dans le processus de nomination qui a également le potentiel d'influer sur le résultat final de la sélection du Secrétaire Général. ".
L'avenir dira si cette procédure aura eu une influence ou pas sur le Conseil de Sécurité, d'autant plus que la haute qualité et la stature des différents protagonistes a d'ores et déjà apporté une belle valorisation de l'ONU.
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (04 mai 2016)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Neuf candidats.
Ban Ki-Moon.
Boutros Boutros-Ghali.
Kurt Waldheim.
La COP21.
ONU : neuf candidats pour un fauteuil
http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20160416-onu-B.html
http://www.agoravox.fr/actualites/international/article/onu-neuf-candidats-pour-un-180579
http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2016/05/04/33758800.html


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