Drame horrifique aux teintes fantastiques de Ko Young-nam, Suddenly in Dark Night / Gipeun bam gabjagi (1981) s’inscrit également comme un thriller psychologique.
Un biologiste vivant avec femme et enfant engage une jeune femme comme servante. Cette dernière est une orpheline, fille d’une prêtresse chamane qui se sépare rarement d’une énigmatique poupée. Si la maîtresse des lieux voit d’un bon œil cette arrivée, elle change, petit à petit d’avis en suspectant la jeune femme de vouloir séduire son mari…
Suddenly in Dark Night interpelle tout autant qu’il glace. A partir de là, on peut dire du film du stakhanoviste et prolifique Ko Young-nam qu’il réussit le pari d’immerger le spectateur. L’auteur sud-coréen parvient à narrer un récit qui vogue entre deux eaux. Il dépeint ce qui semble être la folie d’une femme plongeant dans une paranoïa aiguë. Une mise en abyme à fleur de peau. Ou bien est-ce, peut-être vrai ? Se pourrait-il que ces évènements soient réels ? Tout est possible tant le cinéaste maintient le suspense jusqu’à la dernière bobine, où là encore l’interrogation pourrait être de mise. Ainsi, il insiste aussi bien sur la relation amicale de la mère de famille, où l’on débat des âges et des tromperies que du voyeurisme de la servante. Que dire également des éclats horrifiques qui tournent autour de cette poupée ? Situations étranges donc, érotisme et sensualité (le corps de la servante fantasmé/désiré) qui s’invitent tout du long, Suddenly in Dark Night brouille les pistes pour notre plus grand plaisir. Une maestria se dégage de ces séquences qui, d’une certaine façon s’amusent de nous. Plus encore lorsque Ko Young-nam accroit la tension, notamment à travers un montage ciselé. Et que dire encore des interprétations ? Ici, pas de jeu caricatural et formaté. Il en émane une justesse qui participe au sérieux de l’entreprise. On soulignera surtout l’interprétation de l’actrice Kim Young-ae. Cette dernière qui tient le rôle de la mère de famille fait entrer son personnage dans une nouvelle dimension. Elle a cette capacité à rendre son personnage ambiguë et de le faire évoluer, avec assiduité au cours du récit. S’il fallait trouver un bémol à cette production se serait l’emploi du personnage de la petite fille qui va et vient sans emprise sur le récit. De temps en temps, nous avons le sentiment qu’elle n’existe, oublié par un scénariste trop ancré sur ses personnages de la mère et de la jeune domestique.
Suddenly in Dark Night est un film prenant, conservant en lui un brin de mystère, véritable leitmotiv de cette histoire aux multiples écritures. Ko Young-nam arrive à nous divertir en jouant sur les mécanismes de la peur. Il distille à merveille cette angoisse qui nous colle jusqu’à cette fameuse issue…
I.D.