Être blogueur culturel, c’est aussi avoir quelques privilèges bien sympa comme celui d’écouter plusieurs semaines avant tout le monde le nouveau disque de celui qui est sans doute le plus grand artiste actuel de la chanson française, j’ai nommé Benjamin Biolay, dont le "Palermo Hollywood", sorti le 22 avril dernier était attendu depuis très longtemps déjà par les grands fans dont je fais assurément partie…
Et même si BB avait déjà dévoilé sur les réseaux sociaux trois singles de cet album, grâce à une stratégie de communication particulièrement originale et élaborée ( l’homme, souvent pris à partie par les trolls des réseaux sociaux a beau jurer tous les 4 matins que l’on n’y reprendra plus à aller gazouiller ou liker, il ne tient jamais très longtemps ses promesses), découvrir l’album en entier fut un plaisir bien plus fort tant le disque, à l’ensemble particulièrement cohérent , s’écoute en entier pour s’apprécier pleinement.
Car si pas mal d’observateurs avaient été déçus par le dernier disque d’inédits de Biolay (cette vengeance que j’avais de mon coté âprement défendu ) tout le monde ou presque (mis à part les irréductibles détracteurs de l’artiste, les grincheux qui le caricaturent comme le dandy poseur, arrogant, dépressif qu’il n’est qu’en apparence, sans même prendre la peine de l’écouter) reconnait qu’avec ce Palermo Hollywood, Biolay revient à son meilleur, aux sommets de " La superbe" qui datent déjà d’il ya sept ans ( dieu comme le temps passe vite !!).
Et c'est avec ce formidable album concept, composé de part et d’autre de l’Atlantique, concu et entregistré entre Paris et Buenos Aires (dont le quartier de Parlermo Hollywood a inspiré le nom de l’album), que Biolay nous livre ce coup d'éclat.
Comme le prétend le dossier de presse, « Commencé à Paris, enregistré au nord et au sud, ce dixième album de Benjamin Biolay se promène entre les deux villes et deux hémisphères, pour mieux nous raconter une audio pellicula où se croise Ennio Morricone, ballade française, néo cumbia, lyrisme et grand orchestre… »
Avec ce nouvel album, Biolay nous offre un véritable voyage musical en Amérique latine à la fois urbain, sportif (sa passion du foot est ici étalée du grand jour on entend ici et là les clameurs de stades) festif et pop,voire rock.
Si cet opus apparaît plus lumineux que les autres, les airs latinos qui le composent n’y sont évidemment pas pour rien. La fièvre argentine semble l’avoir fait chavirer, et on sent quasiment à tous les morceaux le plaisir que l’artiste a eu à le créer. Il s’amuse avec des thèmes et des mélodies comme jamais auparavant, lui permettant de sortir de sa zone de confort - si tant est soi qu’il se soit déjà installé dans une zone de confort, l’artiste adorant prendre des risques insensés, c’est aussi en cela qu’il ce classe au dessus de la mêlée.
Biolay n'en est pas à son premier contrepied, et c'est aussi pour cela qu'on l'aime, et ce coup ci contrairement à "Vengeance", on est dès la première écoute pris dans les filets tissés par l'orfèvre et on suit tous les audacieux paris qu’il choisit, qu’il nous amène sur les rives d’un Manu Chao en plus profond (‘La Noche Ya No Existe’, ‘Palermo Soho’). Sur ces titres, sa collaboration avec les chanteuses argentines Sofia Wilhelmi et Alika ajoute une touche sud-américaine supplémentaire particulièrement bienvenue et jouissive.
On a le sentiment en écoutant ce Palermo Hollywood que l’âme de la capitale argentine a pénétré sa musique, presque à son insu. Pour concevoir un disque à la fois ample, sensuel, cinématographique et voyageur où l’on ressent parfaitement les atmosphères moites, les parfums enivrants et le spleen argentin qui animent une grande majorité de ces quatorze nouvelles compositions à la symphonie parfaite et d’une superbe maitrise.
Belle illustration que ce Miss Miss, dont l’apparente joie cache un texte bien plus amer, à l’instar du tango argentin qui nous emporte dans l’allégresse des amours déçus sous le soleil de Buenos Aires.
Autre exemple de ce parfait mélange entre les rythmes argentins et la mélancolie "byiolienne", ce "Palermo Hollywood" qui donne le titre de l’album et qui nous démontre que si au niveau de la mélodie, Biolay a tenté des nouveautés, sur le plan de l’écriture il reste fidèle à ce qu’il sait si bien faire avec une plume racée, élégante, distanciée.
Biolay nous présente une ville sous le feu de sa frénésie nocturne, et nous invite dans sa ballade dans les rues de Palermo Hollywood en pleine nuit, dans le beau décor pleine d'allégresse latine.
Carte postale nocturne, inspirée par l'univers d'Ennio Morricone pour ce titre ensorcelant, qui raconte le quotidien trouble du chanteur dans les ruelles de Palermo Hollywood. « Je pourrais me coucher peut-être / Mais j'ai de l'amour plein la tête / Je pourrais me coucher peut-être / Mais j'ai peur de ne pas renaître ».
Et que dire encore de la merveilleuse « La débandade » formidable et bouleversant écho à "la superbe"- le titre pas l'album- qui aborde les thèmes de prédilections du chanteur -déception amoureuse et , vertiges de la vie: sur un rythme soutenu par un accordéon indolent, le texte prend sa saveur désespérée, et Biolay, de sa voix grave et ténébreuse, conte ces états d'âme avec une nonchalance et une lucidité formidables.
Biolay mélange ainsi des univers musicaux différents comme les plus grands spécialistes du genre, mais garde sa patte reconnaissable à un point impressionnant.
L’Argentine a tant et tant inspiré Biolay à tel point qu’une quinzaine de chansons sont déjà prêtes à être publiées, visiblement c’est la maison de disque qui n’a pas souhaité faire un double album, un procédé qui visiblement, ne fonctionne pas au niveau des ventes…
On n’a donc plus qu’à patienter quelques mois en espérant que la seconde fournée de la virée argentine de BB soit tout autant miraculeuse que la première, prouvant une nouvelle fois que Benjamin Biolay ait réussi à s’implanter avec aisance dans ce pays étranger qui lui va si bien au teint…,
Palermo Queens