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Parti voir les bêtes, d'Anne-Sophie Subilia

Publié le 03 mai 2016 par Francisrichard @francisrichard
Parti voir les bêtes, d'Anne-Sophie Subilia

Il y a trois ans, quand tu as vu la pancarte "à louer" placardée sur un cabanon, tu n'as senti aucune hésitation. Des glands de chêne et un vieux fauteuil en osier traînaient sur le semblant de terrasse. Il y avait de l'unanimité: cette ancienne remise était pour toi, suffirait.

Le cabanon dont il s'agit se trouve dans un lieu-dit, la Gloye, au petit nom imprononçable pour les gens de passage. C'est en fait le village d'enfance, à demi perché sur une butte, de celui, à qui s'adresse la narratrice de Parti voir les bêtes, le roman d'Anne-Sophie Subilia.

A temps partiel, il travaille à la périphérie dans un des bureaux de la ville. Il quitterait bien ce poste et se contenterait d'encore moins, si son neveu, Cyril, le fils de sa soeur Alice, n'avait pas besoin de lui et si lui n'avait pas besoin de pourvoir à des aspects de [la] vie de [son neveu].

La Gloye, c'est donc sa contrée. Il a dû la quitter quand son père a vendu la ferme familiale alors qu'il était tout gamin. Il n'avait pas pleuré, il n'avait pas crié, mais cela l'avait mis en horrible état: une boule a durci dans [sa] gorge avec les années

Installé dans son cabanon, plutôt que de s'occuper de ruches, comme il en avait l'intention, il restaure, en autodidacte, des meubles dans l'atelier du vieux Tristan, qui se lamente d'être le dernier paysan du coin et qui lui permet de se servir de tous ses outils.

Claire, sa coiffeuse, lui fait sa pub. Aussi n'est-il pas besoin de dessin à Freddy, le retraité du petit train local disparu, pour entrevoir qu'entre elle et lui il y a peut-être une piste... Mais quels projets peut-il avoir avec elle, puisqu'il se sait stérile?

Pendant ce temps-là sa contrée évolue. Il aurait bien aimé que non. Un grand groupe industriel a décidé d'y investir. Il y aura des dizaines de locaux et des parkings. Des villas mitoyennes verront le jour pour loger une partie de ceux qui y travailleront. Cela le met dans une colère impuissante.

Il a sans doute peur des moments transitoires - apparitions, disparitions - qui modifient l'état des choses. Il voudrait en fait que tout reste en l'état: Rien ne doit sans aller. Tu vas vieillir, mais ces lieux ne doivent pas changer avant ta mort, sinon tu es perdu.  

Il est retourné à la terre de son enfance, toujours meurtri d'avoir dû la quitter. Il est parti voir les bêtes. Mais, si les bêtes ne décident pas de vivre encore un peu ou de monter dans un camion fatal, lui a le choix: il peut tout briser comme un enfant rageur ou se conduire en homme...

Francis Richard

Parti voir les bêtes, Anne-Sophie Subilia, 142 pages, Zoé

Un livre précédent:

Jours d'agrumes, L'Aire (2013)


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