Pendant de nombreuses années, la région de Munich et la Bavière engrangeaient des investissements massifs et voyaient des startups se créer par dizaines. Depuis 2013 c’est Berlin qui fait la course en tête.
D’après une étude publiée par EY en janvier dernier, la capitale berlinoise est loin devant ses rivales historiques. En effet, les investissements dans les startups berlinoises atteignent désormais 2,1 milliards d’euros en 2015, soit 70% du capital risque investi sur le territoire allemand, ce qui laisse la Bavière ou la région de Hambourg loin derrière avec 300 millions chacune.
Alors comment expliquer qu’en seulement 10 ans, la capitale allemande soit passée de capitale des « clubbeurs » européens à ce très attractif bac à sable pour startupeurs ?
Un terrain propice à l'innovation
Comme souvent dans l’émergence d’un écosystème, une conjugaison de plusieurs facteurs crée un terrain propice à l’innovation. Premièrement, la démographie. Berlin est une ville jeune où la natalité - plutôt basse en Allemagne - reste forte. Deuxièmement, les universités berlinoises, comme la Freie Universität Berlin ou la Humboldt-Universität zu Berlin, forment des jeunes diplômés reconnus et attirent des étudiants de toute l’Europe car leurs cours sont dispensés en anglais depuis des années. Environ 200 000 étudiants font leurs études à Berlin tous les ans.
Troisièmement, la capitale allemande, même depuis la réunification, n’a jamais été la capitale économique du pays. Les loyers y sont donc très accessibles (parmi les moins chers des capitales européennes) et les grandes entreprises n’y recrutent pas les jeunes diplômés brillants à tour de bras. La culture entrepreneuriale peut se développer donc sans peine puisqu’il n’y a pas de verrouillage de l’innovation par cet establishment des affaires ou de l’industrie que l’on trouve plus loin à l’ouest.
Enfin, dès 2011, les pouvoirs publics au travers de Berlin Partner für Wirtschaft und Technologie font le choix de promouvoir en priorité le secteur de la high tech et des startups auprès des investisseurs privés. Et cela fonctionne puisque 500 startups se créent tous les ans à Berlin. Avec ses 2.1 milliards d’investissements, la capitale allemande passe d’ailleurs en 2015 à la première place européenne devant Londres et ses investissements s’élevant à 1,7 milliards.
Startups et grands groupes s'épanouissent
L’écosystème berlinois repose aussi sur la réussite de quelques très beaux projets. C’est le cas notamment du startup studio Rocket Internet lancé en 2007 et qui se veut la première plateforme internet en dehors de la Chine et des USA et dont seuls une poignée d’initiés connait le nom. Sans doute parce que Rocket Internet ce sont à la base 3 frères qui dès 2007 décident de copier des business models de pure players du web pour se les approprier. Leur premier succès s’appelle Zalando qui réalise désormais 3 milliards de chiffre d’affaire mais depuis d’autres ont suivi comme Delivery Hero, Foodora ou eDarling.
Une locomotive a ainsi donné envie à d’autres de se lancer. On note par exemple les réussites de startups telles que Number26, qui permet le retrait de liquide chez le commerçant ; GoButler, une startup d’intelligence artificielle ayant levé 8 millions d’euros ou encore EyeEm un site de partage de photos pour professionnels qui a également bouclé un tour de table de 18 millions l’année dernière. Les grandes entreprises de Tech mondiales ne s’y sont pas trompé non plus : Lufthansa a choisi de sponsoriser un Lab à Berlin, les Américains Cisco, IBM ou Microsoft ont eux décidé d’y ouvrir leurs propres structures de co-innovation, et le CES européen, l’IFA, qui se déroule à Berlin au mois de septembre enregistre désormais plus de 250 000 visiteurs
Encore des obstacles sur la route
Alors Silicon Valley allemande, ou Silicon Allee comme disent les Allemands en référence au quartier de Schönhauser Allee où les startups semblent se regrouper, Berlin pourra-t-elle supplanter réellement Londres comme cœur de l’innovation européenne ? C’est possible mais il reste un obstacle à dépasser qui est celui du financement des startups early stage et des business angels qui peuvent investir des tickets en dessous de 5 millions avant que les grands fonds internationaux ne prennent le relai. Pour l’instant, cette brique nécessaire au développement d’un écosystème startup fait encore défaut à la Silicon Allee berlinoise.