La lecture de L'hydre mondiale, l'oligopole bancaire apporte un éclairage nouveau sur l'actualité.
« Depuis le milieu des années 1990, les crises systémiques se sont enchaînées; leur cause est à chaque fois la spéculation à base de produits dérivés créés par les grandes banques systémiques. Il n'y a aucune raison de penser que cet enchaînement délétère puisse être contenu par la régulation actuelle. C'est bien parce que les États ont abandonné leur souveraineté monétaire - en libéralisant les taux de change et les taux d'intérêt - que les produits dérivés ont été nécessaires, et qu'en même temps s'est substitué aux États un oligopole bancaire, véritable hydre omnipotente et dévastatrice. »
Dans la première partie, l'auteur explique le pourquoi et le comment de l'existence d'un oligopole bancaire qui domine aujourd'hui le capitalisme et les Etats. Cet oligopole est constitué de 28 banques dites systémiques qui tirent l'essentiel de leurs profits sur les marchés spéculatifs, en particulier celui des produits dits dérivés.
Ces banques systémiques qui ont été ainsi désignées par le G 20 sont too big to fail, autrement dit leur taille est une menace pour toute l'économie qui serait entraînée dans la chute de l'une d'elle : trop grosses pour faire faillite, d'où renflouement par l'Etat...
Ainsi, illustre-t-il, chiffres à l'appui, le poids de ces mastodontes. En l'occurrence, il fait remarquer que le total de la dette publique mondiale correspond au montant cumulé du bilan de ces 28 banques. De là à affirmer qu'il y un effet de vases communicants, François Morin ne s'y risque pas. De même montre-t-il que le ratio dette publique et PIB par pays est ridiculement négatif par rapport à celui du ratio des produits dérivés de ces banques et du PIB du pays où est implanté leur siège social.
« Faut-il chercher plus loin les causes de la crise politique qui traverse les démocraties occidentales ? Compte tenu de ce qui précède, la crise de la dette publique qui frappe tous les pays développés sans exception ne tient pas à une soi-disant gabegie des finances publiques depuis trente ou quarante ans. Non, le surendettement actuel des Etats, surtout depuis la crise financière de 2007-2008, est dû à la réparation des dégâts toujours plus considérables causés par cette finance globalisée et l'oligopole bancaire qui en est le cœur. »
Les acteurs politiques et les institutions internationales n'ont pas démantelé ces banques systémiques, parmi lesquelles, La Société Générale, PNB Paribas ou le Crédit Agricole. Pire, elles contrôlent toujours des organismes internationaux qui sont censés réguler le secteur bancaire ! Depuis la crise des subprimes, rien n'a fondamentalement changé dans le secteur bancaire. Ainsi, ces géants fixent encore le Libor ou l'euribor et d'autres taux dans l'opacité la plus totale.
« Si on est convaincu du caractère global de la crise des dettes souveraines (...), il est impossible de croire que des politiques économiques nationales, comme les politiques d'austérité, en viendraient seules à bout comme par miracle.»
Dans la seconde partie, François Morin décrit les ententes frauduleuses, la manipulation du libor, de l'euribor et des autres taux en petits comités, le shadow banking qui ne cesse de se développer, la création considérable de produits dérivés opaques, le phénomène des bulles financières, la spéculation sur les dettes publiques, l'accès privilégié au crédit auprès des banques centrales, la perte de la création monétaire des banques centrales, la quasi impunité de ces banques...
Malgré la crise des subprimes, la puissance de cet oligopole dépasse aujourd'hui celle des Etats dont les gouvernements sont volontairement passifs et complices, par idéologie ou corruption. En cas de nouvelle crise majeure, les conséquences économiques et sociales seraient bien plus importantes qu'à l'époque, tant les budgets des Etats sont devenus exsangues...
« Comment sortir de cette situation et de la situation des crises à laquelle elle conduit? Il faut, nous semble-t-il, aller au fond des choses et poser la question suivante. Qui défend le mieux l'intérêt général dans le monde globalisé qui est le nôtre : des banques privées, systémiques, regroupées dans un oligopole où les tentations d'entente sont permanentes et ont été déjà avérées, ou bien des Etats qui pourraient - en s'accordant entre eux - retrouver leur souveraineté monétaire, en sachant évidemment que des dérives de leur part seraient toujours possibles , quoique contenues par des pouvoirs démocratiques qui auraient retrouvé leur force ? »
Pour l'auteur, les Etats doivent reprendre en mains ce secteur. Et, vu l'état des démocraties occidentales et des "élites" tant politiques qu'économiques, les seuls acteurs décisifs sont les peuples... Vous l'aurez compris, cet ouvrage concis et pédagogique relative les déclarations optimistes de la BCE sur les fumeux crash tests des banques et celle de la galaxie socialiste sur la maîtrise des déficits budgétaires.