Auteurs, vous voici devenus des fournisseurs de contenu que l'Internet va "monétiser" sans vous, malgré vous. Vous n'existiez déjà plus beaucoup ? Eh bien là carrément vous disparaissez. Merci qui ?
A lire :
Analyse - Sortie des limbes pour le Google Book Project
Par Maitre Antoine Chéron, avocat spécialisé en propriété intellectuelle et NTIC, fondateur du cabinet ACBM (http://www.acbm-avocats.com)
La Cour Suprême des Etats-Unis a rendu un arrêt, ce lundi 18 avril 2016, autorisant Google à mettre en œuvre son projet colossal de librairie numérique.
Fonctionnement et objectifs de la Google Library
Il s’agit pour la firme américaine de numériser des livres, tombés dans le domaine public ou non, mis à disposition par des partenariats avec des bibliothèques, aux Etats-Unis et en Europe.
A l’issu du procédé de numérisation, plusieurs possibilités s’offrent alors à l’utilisateur :
- Si l’ouvrage est tombé dans le domaine public ou si l’auteur l’autorise, il est possible de consulter l’ouvrage dans sa totalité.
- Au contraire, s’il s’agit d’un ouvrage encore couvert par les droits d’auteur, et avec l’accord de l’auteur, un accès à un nombre de pages limitées de l’ouvrage est possible.
- A défaut d’accord de l’auteur, un aperçu dit « snippet » est possible, c’est-à-dire une sélection de courts extraits du livre, ou simplement un aperçu des informations générales relatives à l’ouvrage.
L’objectif officiel de Google est de simplifier l’accès des utilisateurs aux livres, notamment ceux qui seraient inaccessibles autrement que par un procédé numérique (tels que les livres épuisés et non réédités), tout en respectant les droits des auteurs et des éditeurs.
A ce jour, Google recense 20 millions d’ouvrages déjà numérisés, qui pourront enfin être mis à disposition de l’internaute légalement, grâce à cette décision de la Cour suprême des Etats-Unis.
Enjeux juridiques pour les droits des auteurs
Cette décision de la Cour Suprême en faveur de Google marque la fin d’un litige juridique engagé entre la firme américaine et le syndicat des auteurs américains (Authors Guild), depuis une dizaine d’années.
En effet, depuis 2005, l’Authors Guild, qui représente le plus important syndicat d’auteurs des Etats-Unis, avait engagé des poursuites contre Google pour contrefaçon de droit d’auteur, par reproduction (numérisation des ouvrages), en raison du défaut de consentement des auteurs.
La Cour d’Appel de New York s’était prononcée en faveur de Google en octobre 2015, confirmant ainsi le jugement de première instance rendu en 2013, au motif que l’utilisation des œuvres faites par Google est couverte par l’exception légale américaine de Fair Use.
Le juge de première instance avait ainsi mis en exergue l’intérêt du public, justifiant l’absence de consentement des auteurs pour l’utilisation des ouvrages. La Cour d’Appel a, quant à elle, rappelé les critères de l’exception américaine de « Fair Use » notamment la nécessité d’un usage transformatif de l’œuvre, ne laissant apparaitre qu’un court extrait dudit ouvrage et ne pouvant fournir aucun substitut véritable aux œuvres originales.
La décision de la Cour Suprême du lundi 18 avril vient mettre un terme à la bataille juridique ainsi initiée et déboute le syndicat des auteurs américains de ses demandes.
Si cette décision en réjouit certain, notamment les bibliothèques partenaires de l’initiative du projet Google Book, une grande partie des auteurs déplorent une telle solution, qui les empêchera de tirer profit de l’utilisation numérique de leurs œuvres.
En conséquence, seuls les auteurs les plus reconnus ou subventionnés pourront se permettre de poursuivre une carrière dans le domaine littéraire, alors qu’il s’agit déjà d’une profession peu stable et mal rémunérée. On risque, à cet égard, d’observer dans le futur une redistribution des profits du secteur de la création vers le secteur des nouvelles technologies.
Encore une preuve que le numérique touche indéniablement les secteurs de la création et de la distribution, que ce soit dans le domaine littéraire, musical ou audiovisuel.
Antoine CHERON, avocat associé, est docteur en droit de la propriété intellectuelle, avocat au barreau de PARIS et au barreau de BRUXELLES et chargé d’enseignement en Master de droit à l’Université de Assas (Paris II).
Analyse - Sortie des limbes pour le Google Book Project
La Cour Suprême des Etats-Unis a rendu un arrêt, ce lundi 18 avril 2016, autorisant Google à mettre en œuvre son projet colossal de librairie numérique.
Fonctionnement et objectifs de la Google Library
Il s’agit pour la firme américaine de numériser des livres, tombés dans le domaine public ou non, mis à disposition par des partenariats avec des bibliothèques, aux Etats-Unis et en Europe.
A l’issu du procédé de numérisation, plusieurs possibilités s’offrent alors à l’utilisateur :
- Si l’ouvrage est tombé dans le domaine public ou si l’auteur l’autorise, il est possible de consulter l’ouvrage dans sa totalité.
- Au contraire, s’il s’agit d’un ouvrage encore couvert par les droits d’auteur, et avec l’accord de l’auteur, un accès à un nombre de pages limitées de l’ouvrage est possible.
- A défaut d’accord de l’auteur, un aperçu dit « snippet » est possible, c’est-à-dire une sélection de courts extraits du livre, ou simplement un aperçu des informations générales relatives à l’ouvrage.
L’objectif officiel de Google est de simplifier l’accès des utilisateurs aux livres, notamment ceux qui seraient inaccessibles autrement que par un procédé numérique (tels que les livres épuisés et non réédités), tout en respectant les droits des auteurs et des éditeurs.
A ce jour, Google recense 20 millions d’ouvrages déjà numérisés, qui pourront enfin être mis à disposition de l’internaute légalement, grâce à cette décision de la Cour suprême des Etats-Unis.
Enjeux juridiques pour les droits des auteurs
Cette décision de la Cour Suprême en faveur de Google marque la fin d’un litige juridique engagé entre la firme américaine et le syndicat des auteurs américains (Authors Guild), depuis une dizaine d’années.
En effet, depuis 2005, l’Authors Guild, qui représente le plus important syndicat d’auteurs des Etats-Unis, avait engagé des poursuites contre Google pour contrefaçon de droit d’auteur, par reproduction (numérisation des ouvrages), en raison du défaut de consentement des auteurs.
La Cour d’Appel de New York s’était prononcée en faveur de Google en octobre 2015, confirmant ainsi le jugement de première instance rendu en 2013, au motif que l’utilisation des œuvres faites par Google est couverte par l’exception légale américaine de Fair Use.
Le juge de première instance avait ainsi mis en exergue l’intérêt du public, justifiant l’absence de consentement des auteurs pour l’utilisation des ouvrages. La Cour d’Appel a, quant à elle, rappelé les critères de l’exception américaine de « Fair Use » notamment la nécessité d’un usage transformatif de l’œuvre, ne laissant apparaitre qu’un court extrait dudit ouvrage et ne pouvant fournir aucun substitut véritable aux œuvres originales.
La décision de la Cour Suprême du lundi 18 avril vient mettre un terme à la bataille juridique ainsi initiée et déboute le syndicat des auteurs américains de ses demandes.
Si cette décision en réjouit certain, notamment les bibliothèques partenaires de l’initiative du projet Google Book, une grande partie des auteurs déplorent une telle solution, qui les empêchera de tirer profit de l’utilisation numérique de leurs œuvres.
En conséquence, seuls les auteurs les plus reconnus ou subventionnés pourront se permettre de poursuivre une carrière dans le domaine littéraire, alors qu’il s’agit déjà d’une profession peu stable et mal rémunérée. On risque, à cet égard, d’observer dans le futur une redistribution des profits du secteur de la création vers le secteur des nouvelles technologies.
Encore une preuve que le numérique touche indéniablement les secteurs de la création et de la distribution, que ce soit dans le domaine littéraire, musical ou audiovisuel.
Antoine CHERON, avocat associé, est docteur en droit de la propriété intellectuelle, avocat au barreau de PARIS et au barreau de BRUXELLES et chargé d’enseignement en Master de droit à l’Université de Assas (Paris II).