Un nouveau front se lève contre la loi Travail : le patronat. Il ne manquait plus qu’eux, au final, pour mettre plus à mal encore cette réforme censée donner plus de souplesse aux règles sociales et amener la France à une relance de l’embauche (et donc économique).
Pierre Gattaz a lancé ce mardi un ultimatum au gouvernement, menaçant de quitter la table des négociations si « rien ne bouge » d’ici trois semaines. Du côté du gouvernement, la réplique est sèche et Manuel Valls dénonce ce type de manœuvre.
Loi Travail : La colère des patrons
Les patrons, au travers de leurs organisations représentatives respectives, commencent à donner de la voix concernant la loi Travail, revisitée en fonction des grognes ici ou là, et des concessions accordées pour calmer les tensions. Donner de la voix, ou plutôt taper du poing sur la table, c’est le choix du MEDEF ce mardi qui, par le biais de Pierre Gattaz, a menacé de quitter la table des négociations, dénonçant un projet devenu « insupportable, intenable » pour les chefs d’entreprise. Et cela se comprend, tous les retours obtenus du terrain sont mauvais.
Le MEDEF, mais pas seulement. En effet, l’Union Nationale des Professions Libérales (UNAPL), l’Union professionnelle Artisanale (UPA) et l’Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire (UDES), qui représentent les TPE/PME viennent de lancer une campagne dénonçant aussi le projet de loi. Ces organisations rappellent que les TPE/PME représentent 98 % des entreprises en France et refusent de se laisser enfermer dans un système qui ne laissera la place qu’aux grandes entreprises. « C’est grave car les entreprises de proximité font vivre les territoires, détiennent un potentiel de création d’emplois de proximité considérable et ont des besoins très différents de ceux des multinationales » peut-on lire sur le site mis en place : tpepmeendanger.fr.
Bref, tout le monde préfère ne pas avoir de texte et rester dans la situation actuelle plutôt qu’un texte édulcoré qui n’a plus l’esprit ni la lettre de son sens premier.
Les principales revendications du patronat
Le patronat avait pourtant été assez discret ces derniers mois. Mais « trop, c’est trop ». « Nous avons atteint aujourd’hui notre point de rupture ». La dernière version du texte de la loi Travail actuellement examiné en commission sonne la levée de boucliers et les grincements de dents se font trop persistants. Du coup, le Medef demande l’abandon de la taxation des CDD dont le président du MEDEF estime que cela va créer du chômage, le retrait du compte personnel d’activité (CPA), le mandatement pour les petites entreprises sans représentant du personnel, qui fait « hurler tous les entrepreneurs ».
« Où est la simplification qu’on nous a promise ? Les députés de la commission ont également ajouté des petites mesures qui, en s’ajoutant au texte initial, pèseront » fustige Pierre Gataz qui déplore qu’au lieu d’une simplification, le texte évolue vers un « monument de complexité », un « délire ».
Au final, ce qui reste en travers de la gorge, c’est probablement la politique politicienne qui anime les débats et les concessions qui sentent les mesures électoralistes sous la pression de la rue. À cela s’ajoute le durcissement des actions syndicales qui mobilisent la rue et ne sont pas propices à un dialogue apaisé. Pour le Medef, il n’est d’ailleurs pas possible de « discuter avec des organisations qui refusent la mondialisation et ont une culture de lutte des classes ».
La menace de quitter les négociations
Oui, c’est une possibilité pour le MEDEF, mais qui aboutirait à laisser le dialogue social sans pouvoir y participer et donc laisser le champ libre aux autres organisations paritaires pour faire valoir leurs revendications. Pas très productif et l’on doute que Pierre Gataz se soit fait élire pour renoncer à entrer dans la bataille.
Cela dit, là où c’est intéressant, c’est que ce n’est pas de n’importe quel dialogue qu’il menace de se retirer. Il s’agit des négociations sur l’UNEDIC, c’est-à-dire le financement de l’assurance chômage. Si l’on extrapole, le MEDEF pourra tout aussi bien demander le retrait pur et simple du projet de loi… Et appeler à descendre dans la rue, comme le collectif des TPE/PME.
Le gouvernement encore au cœur de la tourmente
« Je veux mettre en garde le gouvernement et les parlementaires : l’échec de la loi El Khomri signera plus que l’échec d’un nouveau projet de loi inabouti, nous en tirerons les conséquences qui s’imposeront sur l’ensemble du champ du dialogue social », a déclaré le patron des patrons, estimant que le projet devient « un texte qui ne mène à rien et qui peut être vraiment contreproductif »
Manuel Valls s’est exprimé en réponse ce matin sur France Info « Je regrette cette méthode qui consiste à poser des ultimatums. Prendre en otage la négociation de l’assurance-chômage, c’est-à-dire sur le revenu de ceux qui ont perdu un emploi, c’est, je crois, ne pas être à la hauteur des responsabilités en tant que partenaire social ». Il a, entre outre, précisé que ce texte – qui on le rappelle a mis pas mal de monde dans la rue – est « un texte équilibré, dynamique en faveur des entreprises, en faveur des entrepreneurs comme en faveur des salariés puisqu’il leur apporte de nouveaux droits et de nouvelles protections ». Ouf, on a de la chance : qu’est – ce que ce serait si le texte était déséquilibré ?
« Arrêter le délire », « limite du dialogue social à la Française », autant de qualificatifs qui montrent une nouvelle fois les difficultés que rencontrent le gouvernement Valls sur ce projet, et la posture adoptée par François Hollande de privilégier le dialogue. Un énième coup de couteau dans le dos… Et même si le premier ministre a rétorqué dans la presse ce matin de manière ferme, on sent que la bataille se complique, surtout si l’on considère la posture des syndicats, CGT en tête, qui se radicalise sur une optique contestataire.
Au final, cette loi n’aboutira peut-être à rien, et la montagne aura accouché d’une souris. En attendant, cela nous promet un printemps social haut en couleur.