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Il faut que je vous raconte mon expédition en terre romande à l’occasion du Salon du livre et de la presse de Genève. Un séjour d’une extrême richesse que j’ai eu le plaisir de partager avec ma charmante épouse. Naturellement, je ne vous dirai pas tout. Mais j’espère évoquer quelques points drôles, des moments forts de cette immersion physique dans le monde du livre africain.
Je devais tenir plusieurs tables rondes au Salon Africain du livre qui est un espace à part entière, dans le grand salon du livre et de la presse de Genève, sous un symbolique baobab géant pour abriter de belles palabres. je fus modérateur sur certaines tables rondes, intervenant sur d’autres. Dans le cadre de l’animation, quel plaisir fut d’échanger avec Felwine Sarr et Khadi Hane sur le Sénégal littéraire, un pays qui a toujours été à l’avant-garde du monde littéraire francophone, un lieu où les femmes ont toujours pris la parole avec liberté et audace, un espace de paroles qui voit se déployer de nouvelles expériences, l’exploration de thématiques nouvelles comme c’est le cas avec Khadi Hane quand elle aborde la question chinoise au Sénégal ou encore quand elle entreprend d’introduire des personnages homosexuels dans son dernier roman.
Gangoueus, Felwine Sarr et Khadi Hane
L’occasion est belle pour comprendre la démarche de cette auteure si singulière dans l’abord de sujets tabou comme l’adultère féminin, la mono-parentalité… Felwine Sarr quant à lui s’est exprimé, entre autres sur la chaîne du livre et les projets auxquels il a apporté son concours avec les éditions Jimsaan ou la librairie Athéna. Il donne le pouls d’une certaine vivacité autour du livre papier mais observant aussi avec un certain intérêt les actions autour du livre numérique. C’est aussi le regard qu'il apporté sur la nouvelle génération de jeunes auteurs dans ce pays qui laissent des perspectives très intéressantes pour l’avenir. C'était l'occasion de lui faire remarquer à propos d'Afrotopia, le brillant essai qu'il a produit et récemment publié aux éditions Philippe Rey, que si la littérature prenait une place singulière dans le dispositif de prise de parole par les Africains et dans leur capacité à nommer de l'intérieur les lieux, les hommes, les maux, je le pensais un peu trop optimiste. Comme le fait remarquer Sami Tchak, que valent les plus belles fictions africaines qui n'ont aucun impact du fait des absences d'une vraie surface de réception des œuvres écrites et d'une critique littéraire significative souvent ignorée (densité de réception).Une petite frustration à mon niveau : Ne pas avoir réussi à introduire la question des langues locales dans le débat. En particulier sur le sujet du projet Ceytu mené par Boubacar B. Diop.
Gangoueus - Mahmoud Soumaré - Dramane Boaré
Le lendemain, toujours au salon africain du livre de Genève, j’ai eu le bonheur d’échanger avec le romancier ivoirien Mahmoud Soumaré et son éditeur Dramane Boaré (Les classiques ivoiriens). Avant de travailler sur Les marcheurs de Bougreville (tome 1 et 2), j’ai tenu avoir une présentation de l’organisation de cette maison d’édition par son directeur, ainsi que son modèle économique et la place que prend la littérature en général et un livre comme celui de Soumaré. Force est de constater qu’une grosse partie de la stratégie de cet éditeur repose sur les manuels scolaires, les livres de jeunesse ou encore les best-sellers qu’incarnent Isaïe Biton Coulibaly ou Anzata Ouattara. La poursuite de cet échange fut extrêmement chaleureuse du fait de l’ouverture d’esprit et la générosité de ce mathématicien devenu écrivain sur le tard. On y découvre la capacité des Classiques ivoiriens à adapter sa stratégie face à un auteur au propos et au manuscrit engageants. On a donc parlé de ce roman et de son auteur excentrique qui diffuse de la bonne fiction et du conte philosophique à ses étudiants. J’avoue que j’ai pris mon pied pendant ce moment, comme ce fut également le cas à la lecture du tome 1 des Marcheurs de Bougreville…
Le tribut des femmes est une table ronde beaucoup moins funny à animer. Après coup, en écrivant ce compte rendu, je me demande pourquoi j’ai choisi cette table ronde. Au salon de Paris, j’avais déjà fait l’expérience d’une animation mouvementée sur le thème de l’émancipation de la femme… D'abord, j’aimerais dire que la rencontre valait son pesant d'or pour écouter une dame. Mambou Aimée Gnali. Une dame que j’ai trouvée drôle avec une prise de parole franche. Femme politique, femme de lettres congolaise, il était intéressant de l’écouter revenir sur son roman L’or des femmes qui