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Philippe Bringel (Blackfoot) : "L'Heroic Fantasy n'est pas si loin que ça du western"

Par Bande Dessinée Info

Philippe Bringel est un artiste autodidacte qui s’est lancé dans le Neuvième Art en 2007 avec la série Jed-Kan. Dessinateur, mais aussi peintre et sculpteur, sa polyvalence lui apporte un style particulier et riche. Il a choisi de nous parler de son nouveau projet intitulé Blackfoot, actuellement en souscription sur Ulule.

Philippe Bringel (Blackfoot)
Blackfoot (Belya Dogan et Philippe Bringel) - Extrait

Pourquoi avoir choisi le western, alors qu’auparavant vous avez travaillé sur des genres totalement différents ?

Philipe Bringel : Je n’ai pas à proprement parler choisi un genre plutôt qu’un autre. Chaque projet à une autre histoire. La première bande dessinée sur laquelle j’ai travaillé [1] est née d’un projet commun avec d’autres personnes.

Le livre jeunesse Adam et le grand Secret m’est venu tout naturellement, car le texte de Belya Dogan m’a inspiré tout de suite un personnage et des décors, alors qu’elle ne le destinait pas forcément à une publication jeunesse au départ. C’est moi qui l’ai convaincue que ça ferait un beau livre pour les tous petits.

Pour Blackfoot, l’histoire est encore différente. Le personnage a surgi pendant les moments où je dessine, pour le plaisir, de manière mécanique. Il n’y a à proprement parler pas l’idée d’un fil conducteur dans mes créations, seulement le plaisir de laisser parler le dessin. Mais le western, en plus dans le genre fantastique, est une forme qui permet toutes les outrances aussi bien sur les personnages, les dessins et l’histoire. D’ailleurs l’heroic fantasy n’est pas si loin que ça du western.

Philippe Bringel (Blackfoot)
Portrait du personnage Blackfoot (Belya Dogan et Philippe Bringel)

Pourquoi, pensez vous que l’heroic fantasy se rapproche du western alors que ce dernier est ancré dans un contexte historique réel ?

Philipe Bringel : L’aspect historique de certains westerns n’est pas forcément l’un de ses codes les plus rigides. Au cinéma par exemple, New York 1997 et Ghosts of Mars de John Carpenter, MondWest de Michael Crichton, El Mariachi et les Desperado 1 et 2 de Roberto Rodriguez, Trois enterrements de Tommy Lee Jones, 800 Balles de Robert de la Iglesias, No Country for Old Men des frères Cohen, My sweet Pepper land de Hiner Saleem (soufflé par ma scénariste) ou encore Mad Max de George Miller ne se situent pas forcément dans la période historique, ou même dans le réel. Mais ils répondent, par contre, parfaitement à tous les autres critères du western. Ils en respectent les règles, le souffle épique et mettent en scène un héros acculé au cœur d’une problématique qu’il va devoir régler sans pouvoir faire appel aux institutions.

L’heroic fantasy porte dans son nom l’héroïsme qui charpente aussi les westerns. Les deux genres, lyriques chacun à leur manière, permettent une opposition franche et dramatiquement forte entre le héros et son antagoniste. La magie, les winchesters, les dragons ou les hors-la-loi ne sont que des outils au service de thèmes finalement assez semblables : la justice, l’équilibre, la vengeance, la rédemption, la lutte contre l’oppression... En plus, les deux genres mettent les visuels à l’honneur et accordent une grande importance aux décors, aux mouvements, aux poursuites, à la quête et au souffle épique. Et cela quel que soit le cadre, réel ou imaginaire, dans lesquels évoluent les personnages. De plus, dans ces deux genres tous les retournements sont possibles. C’est peut être pour ça que Blackfoot est un western, mais qu’il ouvre aussi vers le fantastique... Vous comprendrez en lisant le livre ;)

En ce qui concerne Blackfoot, en quoi est-il différent des autres westerns ? Le mythe du héros solitaire n’est-il pas déjà sur-exploité ?

Philipe Bringel : Question difficile pour tout auteur. En quoi est-il différent ? Il n’est ni vraiment différent, ni vraiment pareil. On y retrouve les codes classiques (période historique, région sauvage, etc) mais avec un côté fantastique (les machines, les freaks...), dont les lecteurs auront la surprise en lisant le livre. Je n’ai pas à proprement parler essayé d’en faire un western différent. L’objectif était avant tout d’y apporter ma singularité dans les décors, les personnages, les thèmes et de partager mon plaisir avec les lecteurs.

Pour la question du « héros solitaire », il faut reconnaître que le héros, dans tous les genres, est souvent seul, mais pas toujours solitaire. Blackfoot n’est pas à proprement parler un solitaire. Il est isolé par la force des choses. Toute sa quête est justement de réussir à ne plus l’être. Ce n’est pas un « poor lonsome cow-boy », c’est juste un type comme les autres à qui il est arrivé des trucs pas comme les autres. Son amnésie fait de lui une énigme qui inquiète et l’empêche de nouer des liens ordinaires avec le reste du monde.

Philippe Bringel (Blackfoot)
Philippe Bringel - Photo DR

Dans le Neuvième Art, quelles sont vos inspirations en ce qui concerne le western ? N’est-il pas difficile de choisir ce genre sans crouler sous le poids de série mythique ?

Philipe Bringel : Enfant je lisais énormément de comics et de fumettis. Et certains d’entre eux avaient pour décor l’ouest américain. Puis j’ai découvert Lucky Luke (Morris/Goscinny), Blueberry (Charlier/Giraud), Les tuniques bleues (Cauvin/Salverius) ou le Sergent Kirk de Pratt. Tout ça exaltait mon imagination d’enfant. Quand on dessine, un jour ou l’autre, tout ce qu’on a aimé vraiment refait surface, enfin ce fut le cas pour moi. Blackfoot est sorti de ce magma.

Pour en venir au poids des séries mythiques, il me semble que quel que soit le genre dans lequel on s’exprime, on croule sous les mythes et les références. Il n’y a pas un genre qui échappe à cette règle, ou si peu. J’ai un regard lucide, mais surtout j’essaie de rester humble. Tout ce que je peux créer va forcément résonner au regard de mes illustres prédécesseurs. Mais si on entre dans une logique de sacralisation, l’expression se fige. Et il reste tellement de chose à écrire, à dessiner et à exprimer...

Pourquoi avoir choisi le noir et blanc ?

Philipe Bringel : D’emblée il m’a semblé que le choix de mettre ou pas des couleurs allait être crucial pour ne pas écraser le dessin. Donc j’ai fait plusieurs tests en couleurs classiques (aux résultats trop inégaux), bichromiques (pour laquelle j’ai hésité un temps) et enfin les différentes techniques de noir et blanc, les possibilités étant presque infinies ! Finalement le noir et blanc m’a paru le mieux répondre au dessin. Mais il fallait encore se décider pour la technique elle-même. Après de nombreux tests, j’ai décidé d’opter pour ces effets tachetés afin laisser parler les matières, la lumière et les ombres.

Pourquoi avoir choisi le financement participatif plutôt que le circuit éditorial standard ?

Philipe Bringel : Je trouve très stimulante l’idée que les lecteurs choisissent librement de soutenir ou pas notre projet sur une plateforme de crowdfunding. Ca pose directement le créatif face à ses lecteurs. J’ai compris que je dessine mieux si je laisse parler mes tripes, si ce que je dessine me plait à 100%. C’est donc avant tout la liberté : celle de créer, des sujets que je traite, de leur forme, de leurs supports... L’édition standard n’est pas en cause dans mon choix. C’est juste que le crowdfunding offre cette liberté.

Ce projet compte-t-il plus pour vous, sachant qu’il est validé par les (futurs) lecteurs ? D’ailleurs les souscripteurs font-ils partie de vos lecteurs fidèles ou ce mode éditorial vous permet-il de toucher une cible plus large ?

Philipe Bringel : Je suis d’une nature entière. Chaque projet est pour moi aussi important. Illustration, livre jeunesse ou BD, je les porte tous avec la même énergie. Une illustration unique destinée à une commande privée ou un livre qui sera diffusé plus largement, je ne fais pas de différence. Chaque fois que je signe un dessin j’ai envie de pouvoir être satisfait de mon travail. Le fait que Blackfoot rencontre ses lecteurs avant d’être imprimé ne lui donne pas plus d’importance, il en a juste autant.

Le crowdfunding permet justement d’ouvrir les projets vers l’extérieur, c’est tout son intérêt. Donc pour l’instant c’est un chouette mélange de lecteurs que je connais pour certains et de tout nouveaux contacts en France ou à l’étranger. Je ne pense pas vraiment en terme de « cible ». Je ne suis pas un enfant du marketing. J’aime le financement participatif car ça permet de tisser un échange humain et privilégié entre les créatifs et les lecteurs. Pour le coup, ce ne sont même pas encore vraiment des lecteurs d’ailleurs, n’ayant pas le livre entre leurs mains, ce sont en fait avant tout des pionniers chaque fois qu’ils soutiennent un projet.

Si l’objectif est atteint, cet album pourra-t-il faire l’objet d’une suite ou d’une série dérivée ?

Philipe Bringel : Il reste quelques jours, et comme pour la campagne précédente [2], tout est encore possible : atteindre ou pas l’objectif, voire le dépasser. On est pour l’instant très concentré à communiquer, donc je n’anticipe pas aussi loin. Mais j’ai pris un tel plaisir à créer ce personnage, cet univers et cette intrigue, que j’ai déjà en tête mille autres histoires en germe. Une suite, non. Mais l’idée d’une série d’aventures totalement indépendantes les unes des autres mettant en scène Blackfoot, c’est une idée qui donne vraiment envie !

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