Frédéric, ancien photographe devenu SDF, partage à Nice son coin de couverture avec Tobby, un chien errant trouvé sous une arcade. L'homme se remémore les années fastes, il n'y a pas si longtemps, quand il travaillait avec les mannequins les plus en vue et était considéré comme l'un des meilleurs photographes de sa génération. Sa relation avec Laura, en particulier, l'a marqué : rencontrée lors d'un safari africain, la jeune modèle partagera sa vie, mais la belle histoire peut-elle durer ?
La photo déchirée (qui n'a aucun rapport avec le film homonyme de José Vieira) est un deuxième roman réussi, un brin sentimental, qui met l'accent sur la psychologie du personnage principal. Construit autour d'une structure classique et forte - la déchéance d'un homme à qui tout réussissait, grisé par l'argent et le pouvoir - le récit, sous forme de va-et-vient entre passé et présent, sonne juste et maintien le suspense jusqu'aux dernières pages. Les descriptions de la vie d'un sans-logis sont bien écrites, même si on peut parfois regretter chez l'auteur une certaine tendance à l'idéalisation (la plage rien que pour soi... la vue des étoiles...). On notera également le manque de réalisme de certains dialogues, assez peu oraux, trop littéraires quand on apprécierait quelque chose de plus brut.
Mais chaque soir, il fallait luter contre la concurrence, au risque d'une mauvaise bagarre avec des clochards ivres au coup de point facile. Les " SDF " ne constituent pas une classe homogène de la population; parmi eux, il y a des gens de toutes origines ethniques ou sociales, gentils ou méchants, civilisés ou rustres, gais ou sinistres, intelligents ou stupides, propres ou répugnants, sobres ou ivrognes. Leur seul point commun est le dénuement total qui les maintient dans la rue, sans ressources, livrés à la générosité de la population. Pour certains, la rue s'est imposée après le chômage, pour d'autres, l'alcool ou la drogue les y a conduits, ou alors un immense chagrin d'amour. Mais aussi, pour une minorité, un choix de vie.
Roman du sentiment et magnification de la sensualité, La photo déchirée est une déclaration d'amour faite aux femmes, capables du meilleur comme du pire. On se laisse volontiers prendre par le rythme lent du souvenir et de la nostalgie, tels qu'ils nous sont proposés par Jérôme Brizard; les dernières pages toutefois, où tout s'accélère, révèlent quelques rebondissements.
L'auteur: Économiste de formation, entré tardivement en littérature, Jérôme Brizard est un fervent lecteur des romantiques célèbres tels que Stendhal et Flaubert. Les grandes sagas amoureuses qui le passionnent. Il voue également une profonde admiration pour certains grands esprits de notre temps, notamment André Gide. La photo déchirée est son deuxième roman.