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Brunch avec Ariel Bermani, au Pôle Sud, à Lausanne

Publié le 01 mai 2016 par Francisrichard @francisrichard
Pierre Fankhauser, Ariel Bermani, Dolores Phillipps-Lopez

Pierre Fankhauser, Ariel Bermani, Dolores Phillipps-Lopez

11 heures, matin gris, à la limite pluvieux, direction Pôle Sud, avec - pour ne pas peler de froid - arrêt en Argentine, où c'est encore l'automne, comme ici... Dans ce Centre socio-culturel de l'Union syndicale vaudoise, à tous les étages, ce 1er mai vibre d'accents chantants, hispaniques, qui réchauffent l'âme...

A l'invitation du Centre de Traduction Littéraire de Lausanne, de l'Association littéraire Tulalu!?  et de l'Association Crear.ar, y est organisé un brunch (des spécialités culinaires argentines ont été préparées par cette dernière association), à l'occasion de la sortie en version française de Veneno, le roman d'Ariel Bermani.

La rencontre est animée par Dolores Phillipps-Lopez, Maître d'enseignement et de recherche en Littérature hispano-américaine à l'Unil et ses invités sont Ariel Bermani, l'écrivain argentin, né en 1967, venu tout spécialement de Buenos-Aires, et Pierre Fankhauser, l'écrivain suisse, né en 1975, qui a passé sept ans en Argentine et a traduit Veneno.

Les deux écrivains, aujourd'hui réunis à Lausanne, ont plusieurs points communs: l'Argentine, Buenos-Aires, l'espagnol, Veneno, l'écriture et les ateliers d'écriture, que Pierre a animés naguère avec Ariel en Argentine et qu'il anime maintenant en Suisse... Il est donc tout naturel qu'ils se soient rejoints ce matin au Pôle Sud...

Ariel Bermani est romancier et poète, mais c'est le romancier qui est reçu ce jour. Son roman Veneno, paru en 2006, a reçu cette année-là le prix Emecé. Dix ans après, le recul lui permet de le considérer avec liberté. Après coup, il se rend compte qu'il l'a écrit volontairement de manière très sobre, avec un minimum d'adjectifs et de subordonnées.

Les mêmes, dans le même ordre...

Les mêmes, dans le même ordre...

Le livre est écrit au présent, ce qui lui donne du rythme. Le peu qui est dit suggère beaucoup. Car le dépouillement du style induit de la profondeur. Du reste, cette simplicité de ton n'est qu'apparente. En effet, chaque personnage, décrit à la troisième personne, s'exprime dans un langage qui lui est propre, qui plus est avec les mots de l'époque où il les prononce.

Veneno se passe sur une longue période de vingt-cinq ans. Et on ne parle pas de la même manière en 1978, sous la dictature, ou en 2003, en sortie de crise. Parler est le mot qui convient, parce que le livre se caractérise par son oralité, par ces petits fragments oraux qui en disent long, par ces miettes qui, comme une chapelure rassemblée, lui donnent du corps.

Ce qui est curieux, c'est que les cinq journées de la vie racontée de Veneno, le héros picaresque de ce roman, semblent ne pas être des solutions de continuité, bien qu'elles se déroulent pour le lecteur dans le désordre, avec des allers et retours dans le temps. Ce parti pris de récit chaotique n'enlève rien à sa fluidité, bien au contraire. Du grand art.

Pierre Fankhauser a appris l'espagnol avec des CD de la méthode Assimil. Quand il est arrivé au Mexique, amoureux d'une native, on a trouvé qu'il avait un drôle d'accent. Ses amours défuntes, il a sillonné l'Amérique du Sud avant de s'établir un bon moment en Argentine où il a appris les singularités de l'espagnol de là-bas.

Pour traduire Veneno, Pierre a commencé par rédiger en trois semaines une version littérale, puis a rencontré régulièrement Ariel pour résoudre avec lui certaines difficultés, c'est-à-dire pour ne pas le trahir. Et, comme celui-ci en espagnol, il s'est ingénié à restituer en français les caractéristiques du français oral des périodes traversées.

Comme tout bon traducteur, il n'a pas traduit selon la lettre mais selon l'esprit, avec toujours cette volonté d'aller au plus court, comme le fait Ariel, qui va à l'essentiel et laisse le lecteur imaginer le reste. Et il l'a fait avec le souci de la cohérence, en évitant l'écueil des particularismes régionaux, aidé en cela par la correctrice française, Emmanuelle Narjoux.

Ariel lit d'abord en espagnol les deux premiers chapitres de Veneno, qui sont courts cela va de soi. Puis c'est au tour de Pierre de les lire en français, dans la traduction qu'il en a faite. Veneno, venin ou poison en français, y apparaît, comme dans la suite du roman, comme un être qui est à la fois insupportable et inspirateur de pitié:

Veneno est bien Picaro, mais, au contraire du stéréotype, il ne se justifie et ne se repent jamais...

Francis Richard


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