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Mardi 5 avril 2016, le Sénat a adopté, par 299 voix contre 29, le projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale.
Parmi les dispositions prévues par le Titre III du projet de loi, intitulé "Dispositions diverses", figure l’article 32 M.
Celui-ci ajoute à l’article 57 de la loi du 24 novembre 2009 un alinéa permettant aux directeurs d’établissement pénitentiaire d’ordonner des fouilles "indépendamment de la personnalité des personnes détenues" dès lors qu’il existe "des raisons sérieuses de soupçonner l'introduction au sein de l'établissement pénitentiaire d'objets ou de substances interdits ou constituant une menace pour la sécurité des personnes ou des biens."
Grâce à la procédure accélérée engagée par le Gouvernement, le texte pourrait ne faire l'objet que d'une seule lecture à l’Assemblée nationale, où il a été déposé le 6 avril 2016. Il sera ensuite soumis à l'examen de la commission mixte paritaire.
Dans l’affaire Frérot c. France du 12 juin 2007, la Cour européenne des droits de l’Homme condamnait la France pour violation de l’interdiction des traitements inhumains ou dégradants, prévue par l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme. Elle estimait en effet que le caractère variable des modalités de fouilles au corps ainsi que le large pouvoir d’appréciation des directeurs de prison pouvaient pousser les détenus à avoir le sentiment d’être victimes de mesures arbitraires.
C’est suite à cette condamnation qu’a été adoptée la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009, dont l’article 57 interdit la systématisation des fouilles. Celui-ci précise en effet que la décision de recourir à une telle pratique ne peut être justifiée qu’en cas de présomption d’infraction, ou lorsque le comportement du détenu présente un risque pour la sécurité et l’ordre dans la prison. L’article ajoute que l'usage des fouilles doit être strictement adapté à ces nécessités ainsi qu’à la personnalité des détenus.
En modifiant cette disposition dans le sens d'un élargissement des possibilités de recours aux fouilles, l’article 32 M du projet de loi opère donc un net recul des droits des personnes détenues.
Malgré la modification de la législation, le personnel des prisons a continué à pratiquer des fouilles intégrales systématiques. En 2011, l’Observatoire International des Prisons a alors engagé une campagne contentieuse aboutissant à de nombreuses condamnations des services pénitentiaires.
Le ministère de la Justice a même été contraint, en novembre 2013, de leur adresser une circulaire leur demandant d’appliquer strictement la loi. De leur côté, les syndicats de personnels ont demandé l’abrogation de l’article 57, selon eux inadapté à la réalité de la vie carcérale.
Tous les organes de protection des droits de l’Homme s’accordent sur le fait que les fouilles à nu sont gravement attentatoires à la dignité humaine. Ce projet de loi légalisant à nouveau la pratique des fouilles intégrales systématiques expose donc la France à de nouvelles condamnations de la Cour européenne des droits de l’Homme. L'adoption de ce texte est d’autant plus incompréhensible que le Syndicat national des directeurs de prison a affirmé lui-même que l’article 57 ne constituait pas un obstacle au maintien de la sécurité pénitentiaire.