Mauvaise étoile, thriller de R.J. Ellory

Par Mpbernet

Certaines personnes ont, dès leur venue au monde, la malchance chevillée au corps.

C’est le cas des deux demi-frères Elliott Danziger et Clarence Luckman, confrontés dès leur plus tendre enfance au meurtre de leur mère par le père de Clarence, lui-même abattu quelques heures plus tard dans une boutique d’alcool qu’il tentait de dévaliser.

Trimballés d’orphelinats en maisons de correction plus sordides les uns que les autres, Digger – dont l’esprit est plutôt lent – protège son jeune frère Clay – plus subtil -  des avanies des autres pensionnaires et des gardiens. Jusqu’au jour funeste où une tempête conduit une équipe chargée de convoyer un dangereux condamné à mort à faire escale dans l’établissement où ils sont enfermés. Ils ont 19 et 17 ans, et les mêmes yeux bleus …

Earl Sheridan (tiens, un  patronyme déjà utilisé par l’auteur dans son précédent roman, Les Anonymes !) est un tueur psychopathe et n’a plus rien à perdre. Il tue un gardien, prend en otage les deux garçons dans une cavale épique parsemée de cadavres. Il étend rapidement son emprise sur Digger et lui révèle son profond instinct meurtrier.

C’est parti pour une cavale à trois le long de l’Interstate 10, puis la séparation en deux groupes de ces êtres à la dérive, avec du côté de Digger, un long chapelet de malheurs et de victimes dont le seul tort est de s’être trouvées au mauvais endroit au mauvais moment.

Nous sommes en 1964, au Texas, un an après l’assassinat de John Kennedy, à une époque où le téléphone portable et l’internet n’existent même pas dans les têtes de leurs futurs créateurs, où l’information court après les événements, dans une Amérique rurale où s’égrènent au bord de routes aussi vides que poussiéreuses quelques épiceries-restaurants et de rares stations-services qui voient passer de temps à autres des pickups déglingués et de grosses cylindrées poussives à flancs blancs.

A la différence de Patrick Bateman, le héros d’American Psycho de Brett Easton Ellis (1991), Elliott Danziger n’a rien pour plaire : ni la beauté, ni l’argent, ni les costumes de luxe. C’est un maudit intégral qui obéit à des pulsions destructrices devenant 

de plus en plus fréquentes. Clarence, lui, est un être doué de raison. Il rencontre Bailey et fuit avec elle, à pieds, le plus loin possible de ce frère devenu fou à lier. Toutes les polices sont à leurs trousses car on le confond avec son frère.

Seul l’inspecteur Cassidy, plus malin – comme l’héroïne de Fargo des frères Coen, Marge – et d’une ténacité à toute épreuve, trouvera la solution.

Le roman est haletant, les personnages foisonnants et terriblement vrais, le débat entre l’inné et l’acquis partout affleurant, la construction de l’intrigue remarquable. Le destin atroce de ces deux frères entraînés dans deux situations radicalement différentes, les descriptions de l’orphelinat, de l’établissement pénitencier pour mineurs tellement réalistes (l’auteur en connaît un rayon …), la psychologie des protagonistes finement analysée, les réactions des forces de police, y compris les hommes du FBI … font un bouquin qu’on ne peut lâcher avant d’en avoir lu la fin.

Pour moi, c’est une seconde expérience de Ellory – à ne pas confondre avec Ellroy – qui me donne envie de lire d’autres romans de cet auteur britannique. Mais pas tout de suite : il faut un certain temps de récupération après tant de sang versé !

Mauvaise étoile, thriller de R.J. Ellory - Bad Signs – traduit de l’anglais par Fabrice Pointeau – éditions Sonatine, 538 p., 22€. Existe aussi en Livre de Poche.