A les entendre, les producteurs de biocarburants tirés des micro-algues -- ces organismes unicellulaires qu’on retrouve dans n'importe quel étang --semblent pouvoir sauver le monde tant leurs promesses sont grandioses. Jusqu'ici aucun résultat industriel, mais les annonces de techniques révolutionnaires et les méga-financements se multiplient.
La plus ambitieuse est la start-up américaine, Algenol Biofuels, qui a affirmé la semaine dernière avoir mis au point une technologie inédite et peu coûteuse pour produire directement de l’éthanol -- des dizaines de millions d'hectolitres ! -- à partir d’algues bleues sélectionnées. Et ces dernières semaines ont aussi vu fleurir une dizaine d'autres annonces alléchantes.Les algues sont cultivées dans des bioréacteurs (des pochettes plastiques étanches) additionnés d’eau de mer et de CO2 et exposés au soleil. Les algues fermentent et produisent de l’éthanol, explique Algenol qui dit avoir conclu un accord de franchise de 850 millions de dollars avec une nouvelle société mexicaine, BioFields, qui prévoit de vendre de l’éthanol au gouvernement mexicain.
Algenol, qui explique avoir derrière elle 10 ans de recherche, est en train d’installer un centre de production d’éthanol d’algues sur la côte mexicaine dans le désert du Sonora, près de la frontière américaine, qui doit démarrer en 2009.
La société, forte de 70 millions de dollars fournis par ses fondateurs, dit pouvoir produire 6.000 gallons par acre (558 hl par hectare) par an contre 34 hl /ha pour le maïs et 82 hl/ha pour la canne à sucre, et même porter son rendement à 10.000 gallons par acre (930 hl par ha) fin 2008. Elle prévoit de produire 38 millions d’hl d’ici fin 2012, avec 2,5 millions de bioréacteurs, pour un coût de moins de 3 dollars par gallons (50 centime d’euros /litre), et se vante de produire « le biocarburant le moins cher du monde ». Des ambitions qui dépassent de très loins tous ses concurrents.
Il est vrai que les micro-algues sont extrêmement riches en huile et extraordinairement efficaces à transformer l’énergie solaire tout en absorbant du CO2 – leur productivité en huile est, sur une même surface de culture, de 30 à 100 fois celle du soja. Et cette huile peut être transformée en biodiésel, le tout grâce à des étangs ou centres de production qui peuvent être placés en plein désert, sans voler de terrain aux cultures vivrières.
Beaucoup de start-up et d’universités dans le monde travaillent sur les algues, le plus souvent pour produire du biodiésel (qui peut être utilisé directement dans les moteurs diésel) et parfois de l’éthanol (un dérivé d’alcool qui s’ajoute à l’essence pour la rendre moins polluante), aucune n’a mis en place de production à l’échelle industrielle, et la plupart extrapolent des résultats obtenus en laboratoires.
Jusqu’ici toutes ont buté sur les coûts de production des algues, que ce soit en étang ouvert en serre ou dans des bioréacteurs, et aucune production industrielle n’existe encore.
Pourtant ces dernières semaines aux Etats-Unis, les annonces prometteuses s’accumulent, ainsi que les méga-financements venus d’investisseurs convaincus.
A part Algénol, l’une des seules à affirmer être déjà engagée dans un processus à l’échelle industrielle est la société californienne Solazyme, créée en 2003, qui fabrique du biodiésel à partir d’algues et a annoncé un partenariat avec Chevron, le deuxième groupe pétrolier américain. Son biocarburant vient de passer les tests d’homologation aux Etats-Unis.
La start-up Sapphire Energy vient de lever fin mai 50 millions de dollars auprès d’investisseurs (Arch Venture Partners, The Wellcom Trust, Venrock) et annoncé qu’elle avait réussi à produire un équivalent du pétrole “sweet light”, le plus exploitable, directement à partir d’algues, ce qui lui a permis de fabriquer une essence à indice d’octane 91.
Aurora BioFuels, crée par un groupe d’étudiants de l’université californienne de Berkeley en 2006, et qui produit de l’huile tirée d’algues qui peut être transformée en bio-diésel, vient de lever 20 millions de dollars (Oak Ventures, Noventi, Gabriel Partners Ventures) pour produire du biodiesel d’algues.
A citer encore Petro Algae, basée en Floride, née fin 2006, une autre productrice de biodiesel, et Cellana, crée fin 2007 par le groupe pétrolier Shell, en partenariat avec le producteur hawaïen HR Biopétroleum, qui cultive des algues dans des étangs d’eau de mer à Hawaïi. Cellana doit tester des productions industrielles de biodiesel.
Plusieurs universités essaient aussi d’utiliser les algues pour produire de l’hydrogène – come le font l’université de Berkeley en Californie avec le National Renewable Energy Laboratory.
Un autre producteur de biodiesel tiré d’algues, GreenFuel, espère passer à une production industrielle très prochainement, peut-être sur un site en Europe, et vient de lever 13,9 millions de dollars