Si je me fais rare, c’est que la vie n’est pas tendre avec moi, entre les obligations professionnelles et les affres du vieillissement. Heureusement, je reçois de la bienveillance et de l’amour en surnombre de mes amis (cf le #33ChansonsThon), de ma famille, du Mari, mais aussi de personnes de la part desquelles ça m’étonne. Résultat : je suis vieille, mais bien dans ma peau.
Malgré tout, même si les mots me manquent, mes oreilles sont toujours alertes. C’est ce que je vais tenter de prouver avec ma petite revue de pépites qui rythmes mon printemps.
Le morceau qui me réchauffe : Jack Savoretti, Back To Me (2015)
Des quatre albums qui m’ont été donné à décortiquer l’automne dernier par Ladies Room, c’est le seul que j’écoute encore avec joie, et pas seulement parce qu’il m’a été donné d’interviewer l’artiste. C’est juste le genre de voix qui prend mes entrailles et en fait un liquide brûlant. Back To Me est d’une structure simpliste à l’extrême, mais rendue rudement efficace par – comment dire ça sans allusion graveleuse ou malvenue ? – une espèce de crumble au miel en guise de prestation vocale.
Le gâteau d’anniversaire : William Sheller, Les filles de l’aurore (1984)
Le Mari, voyant mon émotion durant les Victoires de la Musique et ma supplique répétée pour me procurer Sheller en solitaire, a décidé de m’offrir pour mon anniversaire l’intégrale de William Sheller. So cool, mais cela va me prendre un temps fou en exégèse.
La prise de conscience : Pink Floyd, Wish You Were Here (1974)
Ca va faire deux ans que mon paternel est parti rejoindre la cartographie de mes ancêtres au ciel. Force est de constater que j’ai beau avoir 33 ans et ne plus avoir forcément « besoin » de mes parents pour vivre, l’absence se fait pesamment ressentir à certains moments que je considère comme clés dans ma vie. J’ai donc choisi cette chanson où David Gilmour exprime le manque que lui procure l’absence de son ami Syd Barrett, trop défoncé pour poursuivre une carrière musicale. Je trouve la chanson très inspirante et pas trop larmoyante, mais respirant l’amitié sincère (Gilmour a tout fait pour que Barrett puisse se lancer en solo et récupérer ses royalties de compositeur au sein du groupe jusqu’à sa mort).
La pépite oldies à l’international : Gerry Rafferty, Baker Street (1978)
Car Careless Whisper avait un précédent en termes de saxophone évocateur des plus épiques bandes originales de films érotiques américains… Blague à part, à l’instar de Struggle for Pleasure de Wim Mertens ou de Music de John Miles, j’ai mis des années à comprendre qui se cachait derrière ce titre que j’entends à la radio depuis mon enfance. En menant ma petite enquête sur le bonhomme, outre que le pauvre soit mort des suites de son alcoolisme en 2011, j’ai trouvé qu’il était aussi le leader du groupe écossais Stealers Wheels, connu à l’international avec le titre Stuck In The Middle With You (1972).
La pépite oldies en France : Michel Berger, Les princes des villes (1983)
Deux éléments m’ont fait me devenir obsessionnelle de cette chanson ces derniers mois au point que je la massacre au karaoké :
- Les aller-retours en Bretagne assez récurrents me font scotcher sur Radio Nostalgie (seule radio que je capte à peu près de bout en bout). Durant l’hiver 2015-2016, au profit d’une campagne de pub déguisée pour la comédie musicale Résiste, Nostalgie a donc diffusé en rotation lourde ce titre.
- Jérôme Kério, musicien accompagnant Amir à l’Eurovision 2016 et animateur du Morning du Matin sur Oüi FM, fait également partie d’un tribute band à Michel Berger intitulé… Les Princes des villes. La boucle est bouclée.
La pépite actuelle à l’international : PJ Harvey, The Wheel (2016)
Ma jeunesse dans les années 1990 m’a fait découvrir le Lilith Fair Festival, fondé par Sarah McLachlan, où la scène féminine était mise en exergue. Dans cette veine se situait PJ Harvey, bien qu’elle n’y ait jamais joué. Je me suis toujours dit qu’un jour, il faudrait que j’explore son répertoire. L’occasion m’en est donnée alors qu’elle va fêter l’an prochain ses 25 ans de carrière, mieux vaut tard que jamais. En effet, je suis tombée en pâmoison dès la première écoute de ce titre. Et j’ai été fascinée par l’explication des conditions d’enregistrement de l’album par Dom Khiris : en gros, ça a été enregistré à l’arrache dans un musée londonien. C’est d’autant plus badass.
La pépite actuelle en France : Radio Elvis, Les moissons (2015)
Après La traversée, l’été dernier, je retrouve avec plaisir ce groupe que j’ai découvert en concert au Oüi FM Festival en juin 2015. Si le son est minimaliste – je dirais même calibré à certains standards de production à la française dans les années 2010 –, je suis davantage séduite par les textes et par le chant. Ce genre de texte et de chant qu’avaient des artistes dans les années 1980 (Alain Bashung, Daniel Darc) qui sont devenus des mastodontes dans les années 2000. C’est pour cette raison que je mise sur une élévation de Radio Elvis au rang de classique dans les environs de 2035.
La déclaration d’amour : The Stones Roses, Waterfall (1989)
Depuis presque trois ans que je suis avec le Mari, j’ai appris à gérer toutes ses marottes musicales. L’une d’elles est un groupe, je vous le donne en mille, de Manchester, dont il m’a rabattu les oreilles pendant deux ans avant de me faire écouter leur premier album. Je ne saurais que reconnaître la qualité de cet enregistrement dont est tiré ce titre. Et je suis tellement connectée spirituellement à mon cher et tendre qu’il suffit que j’écoute les premières notes de cette chanson dans le bus pour le voir apparaître comme par magie dans la rue.
La perte ultime : Prince, Purple Rain (1984)
La seule chose que j’ai à dire est que 2016 pue vraiment de la gueule. Sincèrement.
La playlist à Patoche
Mais qui est Patoche ? Patrick Rouiller, Suisse de 28 ans et tâcheron des télé-crochets suisses, allemands et français, est mon chouchou absolu de cette moribonde Nouvelle Star 2016 qui ressemble de plus en plus à The Voice, ce qui n’est pas pour me plaire. Joey Starr n’y change rien, la formule Nouvelle Star est en voie de péremption.
Malgré tout, Patrick gagne tout mon amour en reprenant de manière très élégante tout ce qu’il touche. Il a surtout réalisé mon fantasme absolu : prouver que Partir un jour des 2B3 était en vérité une chanson de jazz. Je vous laisse juges, mais moi, je suis devenue folle le jour où j’ai entendu ça pour la première fois :
Bref, même si je sais qu’il n’a pas le poids pour gagner face à Mia « la sorcière », l’ami Patoche m’a permis de découvrir et de redécouvrir de vraies petites pépites. Voici les trois chansons qui symbolisent mes prestations préférées.
Michel Legrand, Les moulins de mon cœur (1969)
Cette claque qu’a été la prestation des castings m’aura au moins permis de redécouvrir la version originale de ce morceau-marronnier de télécrochet qui a le mérite de me filer de vrais frissons. En effet, la plupart des reprises postérieures n’ont évidemment pas la classe que lui a adjointe Michel Legrand, et cette chanson a fini par me gonfler, tellement j’en ai connu de versions massacrées. Patrick a eu le mérite d’être d’une sobriété absolue, ce qui a rendu ses lettres de noblesse à la chanson.
The Beatles, Golden Slumbers/Carry That Weight/The End (1969)
Cette chanson est tirée de mon album préféré des Fab Four, à savoir Abbey Road. Le Mari vient de m’indiquer que l’illustration que je vous ai durement piochée sur Dailymotion est un raw mix (donc pas le mix définitif), mais c’est la seule version présentable et réellement chantée par les Beatles dans leur ensemble. Patrick l’a interprétée durant l’ « épreuve du feu », à savoir l’ultime écrémage avant les émissions en direct sur D8. Je n’ai pas vu à la télé, mais j’ai quand même réussi à trouver plus d’intensité dans l’interprétation de Patrick que dans l’interprétation originale.
Dick Annegarn, Bruxelles (1974)
Déjà, chanter du Dick Annegarn dans un télécrochet français relève du génie absolu en termes de choix de programmation, même si les tragiques événements du mois dernier ont influencé la production de Nouvelle Star dans ce choix. Là aussi, je vous laisse prendre la mesure du mec :
Et à chaque fois que je regarde cette prestation, je n’ai qu’une réaction :
En attendant d’autres aventures musicales, je vous souhaite que ce printemps 2016 voit fleurir vos amours, vos projets et vos oreilles.