Aujourd’hui, la plupart des gens sont contre. Contre quoi ? Contre tout ! Et surtout contre tout ce qui risquerait de changer un tant soit peu nos habitudes, sans même se poser la question du bien-fondé ni de nos habitudes, ni des changements que certains y souhaitent apporter. Simplement, on est contre !
L’actualité belge nous en donne deux exemples, même si l’image ci-dessus se réfère plus à une actualité française. Mais c’est du pareil au même.
À Bruxelles, il y a la problématique du piétonnier. Source – apparemment – de tous les maux. C’est à peine si on ne lui fait pas endosser la responsabilité des attentats du 22 mars ! Je ne suis pas – ou plus – bruxellois et ma perception ou compréhension des choses est sans doute parcellaire. Mais, depuis que ce piétonnier a été instauré, j’ai du mal à comprendre que ceux qui étaient pour sont désormais contre, ou quelque chose comme ça. En tout cas, certains ne sont pas contents et sont donc contre. Ils voulaient bien d’un piétonnier, mais pas comme ça. En fait, l’idée d’un piétonnier leur plaisait quelque part, mais une fois mis devant le fait accompli, ils sont contre. Je suis convaincu que l’instauration et le développement de ce piétonnier auraient pu être plus concertés, dans un réel dialogue avec les commerçants et les usagers. Mais je suis convaincu aussi qu’à un certain moment, il fallait y aller. Sinon, on attendrait encore… pour longtemps !
Ce soir, ma crainte est que les travaux issus des différents groupes de travail du « Pacte pour un enseignement d’excellence » subissent un coup d’arrêt eu égard aux réactions suscitées aujourd’hui par la divulgation des suggestions du groupe central. Depuis plus d’un an, des groupes de travail – réunissant tous les acteurs du système éducatif francophone belge – ont planché sur un diagnostic des difficultés (relativement évidentes) de l’école et sur les solutions à y apporter. Il y a là un travail de fond, réalisé en concertation permanente. Bien sûr, tout n’est pas parfait dans ce processus. Bien sûr, les analyses finales ne reprennent pas in extenso les convictions de chaque acteur. Bien sûr, cela reste à affiner et surtout budgéter. Mais au moins, pour la première fois depuis très longtemps, tous les acteurs ont été impliqués dans une réflexion de fond, avec la mission de réellement réformer, même si ça bouscule !
Les réactions d’aujourd’hui – suscitées, il faut bien le dire, par les médias – peuvent se résumer par un monumental « on est contre » ! On est contre l’allongement de la journée d’école, même si celui-ci ne signifie pas qu’on allonge la période des cours, bien au contraire. On est contre l’organisation des cours par bloc de « sept semaines de travail suivies de deux semaines de congé », parce qu’on n’a jamais procédé comme ça et qu’il ne faut quand même pas donner plus de congés aux jeunes (qui, eux, sont pour cette mesure, mais contre l’allongement des journées…). Surtout, on est contre la quasi-interdiction du redoublement avant 15 ans, alors même que toutes les études menées en ce domaine montrent la validité et la nécessité d’une telle mesure. Mais, vous pensez ma chère, ne plus redoubler, c’est inévitablement baisser le niveau, ouvrir la porte au laxisme, inviter les jeunes au je-m’en-foutisme (et donc à la radicalisation). D’ailleurs, moi-même, j’ai redoublé ma « poésie » et j’en ai tiré le plus grand profit ! Ouais, c’est vrai, mais je suis aussi convaincu qu’on aurait pu mieux m’aider dans mon parcours scolaire. J’en suis encore plus convaincu face au parcours de mon fils. Un désastre ! Et si c’est mon fils qui fut et est encore victime de ce désastre, la responsabilité en est clairement du côté de ces enseignants qui pensent encore et toujours qu’un bon professeur est celui qui fait redoubler ! Personnellement – que ce soit comme ancien élève, ancien enseignant, parent ou psychopédagogue – j’ai plutôt tendance à penser qu’un bon professeur est celui qui fait réussir ses élèves ! Ça me semble même de l’ordre de l’évidence. Mais voilà, les gens sont contre !
À ce rythme-là, rien ne peut se faire. Même avec la meilleure volonté du monde. Parce que – par définition – aujourd’hui, on ne peut pas réformer. Comme si le monde tel qu’il est était le meilleur des mondes ! Changer, c’est effectivement bousculer les habitudes et donc déstabiliser, sans jamais pouvoir être entièrement sûr qu’on est dans la bonne voie. Choisir, c’est mourir un peu. C’est vrai. Mais ne rien changer, ne rien choisir, c’est mourir à tous les coups. C’est perdre son âme, perdre ses rêves, perdre son souffle. Vivre, c’est changer. Avancer, c’est refuser de regarder en arrière. Espérer, c’est croire… sans être contre, par définition !