Toujours en attente d’un projet de loi visant réformer les services de transport de personnes, Uber poursuit sa campagne de sensibilisation auprès des Québécois.
Après avoir vécu une difficile comparution en commission parlementaire en février dernier, devant un ministre des Transports visiblement agacé par les arguments de l’entreprise, Uber a invité ses adeptes à signer une pétition défendant la nécessité de son service sur le marché québécois. Au moment d’écrire ces lignes, la pétition a accumulé 57 527 signatures.
Un nouveau site entièrement dédié à défendre la réalité d’Uber au Québec a vu le jour cette semaine sur la Toile.
La semaine dernière, Uber Québec a essentiellement redémarré sa machine promotionnelle en communiquant avec son bassin d’utilisateurs pour les inviter à écrire directement à leur député. Encore une fois, le but de l’exercice était d’influencer les décideurs dans l’espoir d’obtenir un projet de loi «qui priorise les besoins des citoyens et non pas ceux du monopole du taxi».
Cette semaine, un nouveau site entièrement dédié à défendre la réalité d’Uber au Québec a vu le jour sur la Toile. On y invite les internautes à militer en faveur de l’entreprise, des adeptes que l’on nomme prouber. Comble d’ironie, mon autocorrecteur m’invite à remplacer ce mot par «prohiber».
Les sept réalités d’Uber selon Uber
D’abord, dans ce qui se présente comme un secret de polichinelle, Uber n’est pas un taxi. Aux yeux de l’entreprise, les opérateurs de taxi se distinguent principalement par le fait qu’ils ajoutent des nouveaux véhicules sur la route qui occupent la voie routière à plein temps.
De leur côté, 75% des partenaires-chauffeurs d’Uber exploiteraient leur propre véhicule, un actif personnel, et conduiraient moins de 20 heures par semaine. Aux yeux de l’entreprise, ce fait s’inscrit «dans le principe même de l’économie de partage».
Deuxième aspect, et certainement le plus controversé : Uber respecte toutes ses obligations fiscales. Selon l’entreprise, elle acquitte l’impôt qu’elle doit payer comme toutes les entreprises qui opèrent au Québec.
Cette affirmation est véridique, puisqu’elle repose entièrement sur la définition du verbe «devoir». Les transactions d’Uber de partout à travers le monde sont acheminées vers sa filiale néerlandaise, et selon des experts en fiscalité internationale consultés l’an dernier par La Presse, cette structure est typique et légale. «Disons qu’ils font un bon arbitrage de ce que la législation canadienne leur permet», a précisé Yves Coallier, spécialiste du domaine fiscal au pays. N’empêche que cette forme d’évasion fiscale légale – employée également par des entreprises comme Bombardier et Apple – semble toucher une corde sensible auprès d’une majorité de Québécois.
Dans ce paragraphe, Uber préfère judicieusement souligner que toutes ses transactions sont effectuées de façon électronique, ce qui élimine la possibilité de payer une course non déclarée en liquide.
Le troisième point est également un aspect devant lequel le gouvernement est sceptique : les partenaires-chauffeurs d’Uber paient taxes et impôts. Dans ce qui se résume être une tâche plus complexe pour Revenu Québec, celle-ci doit vérifier que les travailleurs autonomes employés par Uber déclarent leurs revenus adéquatement, incluant la TPS et la TVQ. Uber défend ce fait en soulignant que la grande majorité de ses partenaires-chauffeurs y travaille à temps partiel, et que par conséquent, ils génèrent des revenus inférieurs à 30 000$, soit le seuil à partir duquel ils sont tenus de verser la TPS et la TVQ.
L’entreprise ajoute que la voie électronique par laquelle elle rémunère ses partenaires-chauffeurs rend ces revenus plus facilement retraçables, et qu’un partenariat avec Impôt Expert serait en place pour inciter ses partenaires-chauffeurs à s’acquitter de leurs obligations fiscales.
Enfin, on raconte que les conditions de travail chez Uber sont bonnes, que l’entreprise contribue à l’environnement en permettant d’optimiser l’utilisation de biens déjà existants, qu’Uber réclame une nouvelle législation, et que ses services sont déjà réglementés partout dans le monde.
Un changement dans l’opinion publique?
Alors qu’il n’était pas rare de croiser sur les réseaux sociaux des commentaires positifs concernant les services d’Uber lors des premiers mois suivants son entrée au Québec, ce phénomène s’est graduellement estompé au cours des derniers mois.
D’un côté, des chauffeurs de taxi – sans doute ceux qui ne s’amusent pas à manifester leur mécontentement en paralysant l’aéroport Montréal-Trudeau – semblent davantage courtois envers leur clientèle selon plusieurs témoignages. De l’autre, la règle voulant que rien ne soit parfait s’est appliquée à certains partenaires-chauffeurs d’Uber, et d’inévitables expériences désagréables se sont alors concrétisées avec le temps.
Face à ce conflit, l’opinion publique d’abord favorable à Uber paraît s’être progressivement déplacée au profit de Téo Taxi, une solution qui offre un modèle identique (notamment le paiement à même une application mobile) via une flotte exclusivement composée de véhicules électriques, au bénéfice des Québécois plus sensibles à l’environnement.
Qui plus est, l’entreprise est québécoise, n’exploiterait aucun stratagème financier lui permettant d’évader au fisc, ses chauffeurs sont employés à part entière, et Téo Taxi loue des permis émis par le Bureau du taxi de Montréal pour exploiter ses services. Par conséquent, ses tarifs sont comparables à ceux des taxis traditionnels, alors que les prix d’Uber sont moins élevés, et que le service ajuste ses tarifs selon l’achalandage, permettant de réduire la facture des utilisateurs lors de périodes plus calmes.
Un projet de loi qui divise toujours le gouvernement
Selon La Presse, les semaines qui se sont écoulées depuis les premiers signes de division entre le ministre Jacques Daoust et le premier ministre Philippe Couillard n’ont pas amélioré la situation qui perdure au sein du gouvernement provincial.
Le ministre des Transports s’est engagé à déposer un projet de loi d’ici le 12 mai, date limite avant l’ajournement de l’Assemblée nationale pour la période estivale, alors que celui-ci devait à l’origine être déposé à la fin mars. Daoust tiendrait à tout prix à imposer un seul modèle pour l’industrie du taxi et les services de covoiturage urbain, mais il serait le seul du cabinet Couillard à défendre cette avenue.