Seydou Keïta, Grand Palais, 31 mars -11 juillet 2016
« J’avais 14 ans, c'étaient mes premières photos et c’était le moment le plus important de ma vie. Depuis lors, c'est un métier que j'ai essayé de faire le mieux possible. J'ai tellement aimé la photographie. »
Seydou Keïta
Sans titre, 1959 (Autoportrait)
Tirage argentique moderne réalisé en 1994 sous
la supervision de Seydou Keïta et signé par lui.
60 x 50 cm
Genève, Contemporary African Art Collection
© Seydou Keïta / SKPEAC / photo courtesy
CAAC – The Pigozzi Collection, Genève
Seydou Keïta est né à Bamako vers 1921 et ouvre son studio de photographe portraitiste en 1948. Son oncle, qui lui a offert avant-guerre un appareil Kodak Brownie, a déclenché sa vocation. Autodidacte, il bénéficie des conseils de son voisin Mountaga Dembélé, photographe et instituteur malien de l’entre-deux-guerres, et de la fréquentation du magasin-studio photo de Pierre Garnier.
Seydou Keïta
Sans titre, 1949-1951
Tirage argentique moderne réalisé en 1998 sous
la supervision de Seydou Keïta et signé par lui.
180 x 120 cm
Genève, Contemporary African Art Collection
© Seydou Keïta / SKPEAC / photo courtesy CAAC
– The Pigozzi Collection, Genève
Situé sur la parcelle familiale, son studio se compose de sa pièce de vie d’une vingtaine de mètres carrés et de la cour, attenante, où il réalise le plus grand nombre de ses photographies à la lumière naturelle. Proche de la gare de Bamako et de nombreux lieux d’attraction de la ville, il sait bénéficier du flux de voyageurs de l’Afrique de l’Ouest et séduit très vite la jeunesse urbaine qui devient sa principale clientèle.
Seydou Keïta
Sans titre, 1959
Tirage argentique moderne
120 x 99 cm
Genève, Contemporary African Art Collection
© Seydou Keïta / SKPEAC / photo courtesy CAAC – The
Pigozzi Collection, Genève
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Seydou Keïta
Sans titre, 17 juin 1953
Tirage argentique d’époque
17.5 x 12 cm
collection particulière
© Seydou Keïta / SKPEAC / photo François Doury
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Cette célèbre photographie de Keïta, appelée « l’homme à la fleur », est souvent passée à tort pour un autoportrait. Keïta, qui le plus souvent ne connaissait pas l’identité de ses clients, se souvenait néanmoins de ce jeune homme handicapé, appelé M. Sissoko. Le veston blanc, la cravate, les lunettes (sans verres) le stylo ainsi que la fleur, faisaient partie des accessoires mis à disposition dans le studio du photographe.
L’élégance occidentale affichée ici est représentative de la classe des jeunes fonctionnaires citadins qui travaillaient pour l’administration coloniale, savaient lire et écrire, et que l’on appelait à l’époque des « évolués ».
Keïta devient rapidement célèbre grâce à son sens de la mise en scène, de la pose, et de la qualité de ses tirages. Il réalise l’essentiel de ses portraits en une seule prise, à la chambre 13 x 18, qu’il développe par contact au même format. Son succès tient également aux nombreux accessoires mis à disposition de ses clients dans son studio : costumes européens, chapeaux, cravates, montres, bijoux, stylos, Vespa, etc. Ils contribuent à la projection d’une identité visuelle et sociale, réelle ou idéalisée, émanant d’une société qui aspire à la modernité.
Seydou Keïta
Sans titre, 1949-51
Tirage argentique moderne réalisé en 1995
sous la supervision de Seydou Keïta et signé
par lui.
50 x 60 cm
Genève, Contemporary African Art Collection
© Seydou Keïta / SKPEAC / photo courtesy
CAAC – The Pigozzi Collection, Genève
La photographie de Seydou Keïta marque en effet la fin de l’époque coloniale et de ses codes de représentation pour ouvrir l’ère d’une photographie africaine qui affirme son identité. Là où les « indigènes » étaient représentés frontalement, en tant qu’échantillons anthropologiques d’une tribu ou d’une catégorie de population, Keïta privilégie les poses de trois-quarts et la diagonale pour magnifier des personnes et non pas des sujets. Ses clients devenant ainsi les modèles actifs de sa démarche artistique. Keïta, qui a réalisé plusieurs milliers de clichés, a inlassablement cherché à donner d’eux la plus belle image et est aujourd’hui considéré comme l’un des grands portraitistes du XXe siècle.
Cette exposition rétrospective présente pour la première fois un important ensemble de tirages argentiques modernes – réalisés de 1993 à 2011, et signés par Keïta – ainsi que des tirages argentiques d’époque. Le parcours est organisé chronologiquement, de 1949 à 1962, date de la fermeture de son studio, en tenant compte des divers fonds en tissu que Keïta utilisait et grâce auxquels il parvenait à dater ses photographies.
Seydou Keïta
Sans titre, 1958
Tirage argentique moderne réalisé en 1998
sous la supervision de Seydou Keïta et signé
par lui.
127 x 180 cm
Genève, Contemporary African Art Collection
© Seydou Keïta / SKPEAC / photo courtesy
CAAC – The Pigozzi Collection, Genève
« Quelqu’un qui n’a pas fait sa photo avec Seydou Keïta n’a pas fait de photo ! » ; C’est ce qui se disait à Bamako. »
Section «Vintages»
Les tirages d’époque, également appelés «vintages», présentés dans cette salle, sont réunis pour la première fois dans le cadre d’une exposition. Keïta a réalisé la plupart de ses portraits à la chambre 13x18 et tirait lui-même ses photographies dans son studio, par contact, à l’aide d’un châssis-presse, sans recourir à un agrandisseur.
Bien qu’autodidacte, Keïta s’était néanmoins perfectionné à la technique du tirage auprès de son aîné, Mountaga Dembélé, instituteur photographe, engagé dans l’armée coloniale, qui ouvrit un studio à Bamako après son retour au Soudan français
en 1945. Dembélé avait lui-même été initié à Paris par le professeur Houppé, inventeur du célèbre agrandisseur Imperator, et auteur de l’ouvrage,
Les secrets de la photographie dévoilés.
Keïta exposait aux murs de son studio des modèles de portraits de femmes, hommes, enfants, en buste, debout, assis ou allongés, et mettait à disposition divers accessoires, afin d’aider ses clients à choisir une pose. Ses « cartes », comme il les appelait, rencontraient ainsi beaucoup de succès à l’époque. Il lui arrivait exceptionnellement de réaliser des formats plus grands, à la demande de certains clients fortunés, tel ce vintage présenté ici au format 30x40.
Keïta conservait et classait minutieusement ses négatifs, mais n’avait pas gardé de tirages
d’époque dans son studio après sa fermeture. Ils ont été retrouvés pour la plupart, abandonnés ou oubliés par des clients, dans l’atelier de son encadreur, qui colorisait aussi, à la demande, les ongles, bijoux et coiffes sur certains portraits féminins. L’absence de précautions particulières dans la conservation d’un grand nombre de ces photographies, exposées au vent, à la poussière, à la chaleur et à l’humidité, explique l’état de certains portraits.
Exposition organisée par la Réunion des musées
nationaux – Grand Palais avec la participation de la
Contemporary African Art Collection (CAAC) - The
Pigozzi Collection.
les citations sont extraites du livre Seydou Keïta de
André Magnin et Youssouf Tata Cissé, pour les textes, et de
Seydou Keïta pour les photos. Ed. Scalo, Zürich, 1997
Regards Noirs, Seydou Keïta | RMN - Grand Palais Regards Noirs, Seydou Keïta ( vidéo)
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