SOCIÉTÉ > Enfant adopté à donner contre bons (ou mauvais) soins

Publié le 26 avril 2016 par Fab @fabrice_gil
Vous souhaitez vous débarrasser d’un livre, d’un tableau ou de votre voiture ? Vous convoitez un objet bien précis ? Rien de plus facile. Grâce à de nombreux sites d’enchères en ligne, il est désormais possible de contacter de potentiels acheteurs et vendeurs du monde entier en quelques clics. Si Internet a été créé pour le meilleur, certains s’en servent aussi… pour le pire.

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©maxppp / EPA


Aux États-Unis, plusieurs familles d'accueil ont trouvé une solution radicale pour "se séparer" des enfants adoptés dont elles ne veulent plus. L’horreur porte un nom : "child exchange".La pratique, aussi appelée "private re-homing" (changement de foyer privé), consiste à "donner" les enfants à de nouveaux parents en postant de petites annonces sur Internet. Une brève description du bambin est accompagnée des raisons qui poussent la famille à vouloir son départ. "Il lui faut un autre environnement car il est visiblement malheureux avec nous", "Nous n’avons pas le temps de nous investir dans tout le suivi psychologique nécessaire", "à l’époque, je voulais simplement aider des enfants moins chanceux, mais je n’avais aucune idée de ce dans quoi je me lançais", peut-on lire sur les plateformes dédiées. En moyenne, un nouvel enfant est présenté chaque semaine on line. Si la moyenne d’âge se situe entre 6 et 14 ans, le cas d’un enfant de 10 mois a déjà été recensé. Pire, dans 70% des cas, les enfants sont nés dans un pays étranger.De l’autre côté de la toile, les familles désireuses de recueillir les enfants présentés prennent contact avec les annonceurs. Il suffit de quelques clics, quelques jours, pour que le destin d’un enfant soit scellé, sans s’affranchir du moindre intermédiaire officiel, sans ne rien connaître des protagonistes que ce qu’ils ont voulu "vendre". Dans son nouvel environnement, l’enfant est laissé là, à l’affût de tous les abus possibles.
Une journaliste d'investigation ouvre la boîte de PandoreIl y a trois ans, la journaliste d'investigation Megan Twohey (Reuters) a révélé ce trafic dans un reportage interactif, publié entre le 9 et le 11 septembre 2013. On y découvre l'existence d'un réseau de groupes Yahoo! et Facebook dédiés au "child exchange", reprenant exactement le modèle du marché d'animaux de compagnie. La vie se monnaie parfois à plusieurs dizaines de milliers de dollars.Le cas de Quita, Libérienne âgée de 16 ans est probant. Ses parents adoptifs avaient décidé de se séparer d’elle, comme ça… Parce que ça ne "collait plus". Grâce à une annonce, ils avaient pu trouver un couple à priori parfait pour l’accueillir. Moins d’un mois plus tard, Quita vivait dans un nouveau foyer. Curieux, le document attestant des qualités parentales des nouveaux parents avait été falsifié. Papa et Maman étaient sujet à de graves troubles psychiatriques, des tendances violentes, soupçonnés même d’abus sexuels sur mineurs. Comme le placement de l’adolescente avait eu lieu dans le cadre d’un marché noir, rien des éléments précités ne pouvait être suspecté. Un exemple tragique parmi tant d’autres : ce ne sont pas moins de six familles qui se sont tour à tour laissées abuser par les mêmes "acquéreurs", apparemment sans histoires.
Durant sa première nuit, Quita fut invitée à rejoindre son père et sa mère d’adoption dans le lit conjugal. Quelques jours plus tard, Quita est ses parents adoptifs avaient disparus. C’est en appelant la nouvelle école, que la jeune fille était censée fréquenter, que l’ancienne "maman" s’est inquiétée de son absence. Les forces de police alertées, ont retrouvé, heureusement la jeune fille et ses parents bourreaux. Et l’histoire s’est arrêté là. Mais d’autres scénarios plus insensés les uns que les autres auraient pu se réaliser. Les histoires sombres d’enfants adoptés, puis replacés illégalement, ne manquent pas à l’appel. Une jeune Chinoise recueillie par une famille trouvée sur le net a ainsi été forcée de creuser sa propre tombe. 
"Traiter une personne comme un objet que l’on peut soumettre à la vente ou à l’échange revient à nier sa nature humaine et violer des normes fondamentales de droit international, résume Megan Twohey.Ces enfants sont particulièrement vulnérables à cause de leur jeune âge, du fait qu’ils ne connaissent souvent pas la langue de leur pays d’accueil et qu’ils sont dès le départ placés dans un environnement qui leur est totalement inconnu". FG