Difficile quand on est dans le monde du Luxe et du Digital d’ignorer qui est Paul-Emmanuel Reiffers, CEO du groupe Mazarine, propriétaire du magazine Numéro, et depuis peu du mythique « Studio des Acacias » haut lieu de la photographie française, où il nous a accueillis pour nous raconter au travers de l’exposition Guy Bourdin « The Portraits », sa passion et son engagement pour les disciplines artistiques: attention, « Mogul en construction! »
Paul Emmanuel Reiffers : Je ne sais pas si c’est une passion qui s’explique. Nous avons tous des passions et faisons des métiers de création pour lesquels nous avons besoin d’avancer, de nous nourrir et de nous aérer l’esprit. J’adore le sport mais cela ne me suffit pas. Intellectuellement, j’ai besoin de faire autre chose et l’art reste la création ultime. C’est une esthétique, une émotion qui n’est pas faite pour créer un business.
D : Pourquoi avoir acheté le studio des Acacias ?
PER : Ce fut une opportunité et non une question stratégique. Cela faisait 5 ans que nous passions devant car notre agence est installée à côté. Ce lieu m’intriguait car il y avait cette petite porte entre-ouverte donnant sur un atelier abandonné. Puis nous avons eu besoin de plus de place pour nous agrandir et je me suis dit « Peut-être que cette maison en vente pourrait correspondre…». J’ai finalement rencontré Francis Giacobetti, grand photographe des années 80, qui, avec un peu de temps, a accepté de me la vendre.
D : Quel est le concept de ce lieu ?
PER : C’est un atelier créé « ex-nihilo » pour les équipes de la Mode en Images (notre structure évènementielle). Au début, ce lieu artistique leur était destiné puisque nous souhaitions rapprocher leurs bureaux des nôtres. L’artiste Mark Handforth a inauguré ce nouvel espace de 500 m2 avec une exposition de 15 jours. Et je dois dire que ce fut un tel succès que nous avons décidé d’entièrement redessiner le studio pour en faire un lieu consacré aux expositions : nous avons donc déménagé nos bureaux, réhabilité le studio photos pour les célébrités, puis aménagé un lieu pour les artistes et leurs expositions…Notre parti-pris a été d’opter pour des expositions avec des artistes contemporains et non des photographes, car nous ne souhaitions pas tomber dans la logique des studios photos.
D : Pourquoi avoir voulu faire une exposition sur Guy Bourdin ?
D :Helmut Newton ou Guy Bourdin ont dépassé la simple figure de photographes et sont aujourd’hui considérés comme des artistes. Comment expliquez-vous ce basculement ?
PER : C’est l’angle adopté. Chez nous, c’est le portrait, donc forcément, ce n’est pas la même sélection de photos ou de vidéos qu’a Londres. D’où l’intérêt de travailler avec Shelly Verthime (notre commissaire d’exposition) qui a alimenté le thème du portrait, en sélectionnant de nombreuses œuvres que personne n’avait encore eu le privilège de voir. Le rôle du curateur est vital dans ce type d’exposition car c’est sa sélection qui va permettre de découvrir des choses nouvelles.
D : Quelle histoire avez-vous voulu raconter à travers cette mise en scène ? (La thématique, la curation, le choix des photos, la façon dont la Mode en Images a mis en scène ces photos) Y a t-il une histoire, un fil narratif ?
PER : Il y a d’abord le choix du curateur qui va faire une sélection assez large pour être immergé dans l’univers Guy Bourdin, puis la réflexion stratégique sur l’aménagement de l’exposition. Le premier étage est consacré au surréalisme (nous voyons toutes les photos et les peintures que Guy Bourdin a pu faire). Au dernier étage, nous retrouvons une série inspirée des photos de Jourdan et au milieu, nous découvrons toutes ses oeuvres de jeunesse. Tout est cloisonné par étage et la scénographie effectuée par la Mode en Images est adaptée à l’espace.
PER : Je dirais qu’il y a un côté surréaliste, à la fois vrai et irréel dans le style Guy Bourdin. Mais aussi une tension palpable dans certaines photos, une dramatisation de certaines scènes.
D : Vous êtes patron d’un groupe de communication, pouvez-vous nous expliquer la passion des maisons de luxe pour le style Guy Bourdin ?
PER : Il y a tout d’abord l’esthétique, mais aussi la construction d’une histoire à travers une photo, avec un talent pour savoir faire passer une émotion. Les marques de luxe ne doivent plus faire passer un message, mais des émotions au travers d’un formidable travail sur la photographie.
D : Dans cette exposition Portraits, le Guy Bourdin fétichiste, transformiste, sulfureux, scandaleux (que peu connaissent) n’apparaît pas ; il est occulté. Pourquoi ?
PER : Il fallait faire un choix. Nous ne pouvions pas tout faire. Notre espace et notre thème étaient clairement définis.
D : Les photos de Guy Bourdin laissent transparaître une image de liberté voire une forme de libertinage, qui semble de plus en plus rare de nos jours. Notre société actuelle serait-elle plus liberticide ?
D: Pourquoi Guy Bourdin est-il si peu connu et reconnu en France ?
D : J’ai cru comprendre que le rythme des expositions dans cet espace serait très limité.
PER : Nous faisons deux expositions gratuites par an, ouvertes au grand public pendant 4 mois. Encore une fois, nous ne sommes pas une galerie. Nous ne sommes pas là pour accrocher des tableaux, les galeries ne font aussi bien que nous, si ce n’est mieux. Nous devons avoir une vraie scénographie. Nous avons 180 tableaux et vous ne trouverez cela nulle part ailleurs. Cela ne se monte pas en 10 jours, c’est beaucoup de temps et d’investissement si nous voulons obtenir un travail de qualité.
« Guy Bourdin: The Portraits » jusqu’au samedi 30 avril 2016, à découvrir très vite au Studio des Acacias (30 rue des Acacias 75017 PARIS.)