Sale temps pour les vieux de la vieille. Les transfuges du Splendid ne sont plus que l’ombre d’eux-mêmes. Jean-Marie Poiré, à qui l’on doit Le Père Noël est une ordure, Papy fait de la résistance ou encore Les visiteurs, entre autres classiques inaltérables de l’humour français, revient mettre du beurre dans les épinards en essorant jusqu’à la moelle, une licence qui n’en demandait pas tant et qu’il avait déjà outrageusement mis à terre avec Les visiteurs en Amérique. Les visiteurs – La révolution, troisième volet est le symptôme attristant d’une paresse scénaristique qui étend de plus en plus son emprise.
Godefroy de Montmirail (Jean Reno que l’on a vu dans Benoît Brisefer : Les taxis rouges et dont a parler dans l’article rétro sur Léon) et son fidèle serviteur Jacquouille (Christian Clavier que l’on a chroniqué dans Qu’est ce qu’on a fait au Bon Dieu ?) sont détenus par les révolutionnaires. Sous la terreur, leur vie est en danger. Avec l’aide du gentilhomme Lorenzo Baldini (Ary Abittan que l’on a vu également dans Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ?), malgré le choc des civilisations, ils s’échappent. Ils doivent alors composer avec leur descendant Gonzague de Montmirail (Franck Dubosc que l’on a vu dans Fiston, Barbecue et Bis), ses frères et sœur Robert de Montmirail (Alex Lutz que l’on a vu dans Paris-Willouby, Le talent de mes amis et entendu dans En route !) et Adélaïde de Montmirail (Karin Viard que l’on a vu dans La famille Bélier), aux prises avec les événements, le premier étant député, les seconds voulant fuir vers l’Autriche. Mais le danger le plus éminent vient certainement de l’accusateur public Jacquouillet (Christian Clavier) et de sa femme, Charlotte Robespierre (Sylvie Testud aperçue dans 96 heures, 24 jours, la vérité sur l’affaire Ilan Halimi, Le talent de mes amis et Arrête ton cinéma !), sœur de l’incorruptible Maximilien Robespierre (Nicolas Vaude).
- Godefroy de Montmirail (Jean Reno) et Charlotte Robespierre (Sylvie Testud)
Les visiteurs – La révolution n’en sera certainement pas une, de révolution, ni pour nos maxillaires ni pour le cinéma français, encore moins pour l’esprit comique qui l’habite. C’est plutôt un enterrement. La sépulture, même pas décente, de tout une époque. Il n’y a ici, aucune originalité, aucune aspérité, à laquelle nous accrocher pour subir le calvaire sans s’évanouir de dépit devant la catastrophe. La tentation de se laisser glisser mollement, comme l’ambition de Poiré, pour prendre la petite porte, même de boire la potion au venin de serpent pour en finir nous à effleurer l’esprit. Les rodomontades de la petite troupe aristocratique, dont on doute qu’ils faillent le prendre avec humour, tant le tableau des sans-culottes est celui d’une horde informe et infâme, sans autre dessein que de faire couler le sein, est tout bonnement aussi insupportable que caricatural. Il n’y a dans l’écriture aucune volonté de faire du neuf, l’équipe de scénariste Clavier/Poiré s’en tenant à reprendre les mêmes blagues éculées. Mieux, les deux compères les vident de leur substance pour ne conserver que l’aspect scatophile et particulièrement vulgaire de celles-ci. On aurait cru que les ricains leur auraient aux moins appris le bon usage du fan service qui, utilisé avec si peu de parcimonie, d’hommage se transforme en affront, en crachat au front du public. Avec ce joli foutoir de scénario convenu, avec les révolutionnaires comme méchant sanguinaires, et les aristocratiques comme personnages arrogant et dépassée mais décrit comme de bonne âme, les acteurs, parmi lesquels certains nous sont d’habitude sympathique, tentent de se dépêtrer et surnage à grande peine.
- Adélaïde de Montmirail (Karin Viard) et Gonzague de Montmirail (Franc Dubosc)
Il n’y aura pas eu, dans la salle, un seul minuscule gloussement, encore moins d’éclats de rire, parfois quelques soupirs gênés. On notera que, pour ne pas faire dans la caricature à moitié, il n’y a ici, aucun bourgeois mis en scène, alors même que la Révolution Française fut l’événement fondateur de la future puissance de cette classe moyenne naissante. Tous les révolutionnaires sont sales et idiots. Ou bien, à l’image de Marat, totalement fou. On est loin de la diversité de pensés qui émaillèrent les débat à la Convention. Qu’attendre d’autre d’une œuvre qui ramène la moindre once de réflexion au rang de chimère, dont même l’intelligence de la raillerie ou de l’ironie est absente ? Reste que, chose incroyable qui prouve néanmoins que les scénaristes sont passés à côté de l’essentiel, le personnage de Robespierre est la moins caricaturale de ce brouhaha sans queue ni tête. Bizarrement, hormis une scène navrante, sommet de l’humour potache du film, où il pète après avoir mangé du boudin antillais, Maximilien Robespierre est montré assez fidèlement, droit dans ses bottes et incorruptible comme on le surnommait, soucieux comme sa sœur, de défendre réellement la cause du peuple, loin des intrigues politiciennes. C’est bien le moindre mal que l’équipe de Les visiteurs – La révolution pouvait se donner pour éviter de se vautrer totalement dans la fange avec les pourceaux. Il faut dire que pour le reste, on dirait entendre un disciple de Furet.
- Jacquouille (Christian Clavier), Prune (Marie-Anne Chazel) et Philibert (Pascal N’Zonzi que l’on a chroniqué dans Le crocodile du Botswanga et Qu’est ce qu’on a fait au Bon Dieu ?)
On aura mis du temps à aller voir Les visiteurs – La révolution, déjà meurtris, entre autres sacrilèges par Les bronzés 3 – Amis pour la vie, soucieux de ne pas être déçu à nouveau par nos idoles de jeunesses. On n’avait pas eu tort d’y venir à reculons. Il ne manquerait plus que Les Nuls sortent La cité de la peur 2 pour finir de nous achever. On aurait beau crier au génie que l’on aurait foncièrement peur de se présenter à une séance. Par pitié, créer, innover, faites nous mourir de rire mais pas de honte ! Il faut absolument en finir avec cette habitude de prendre les spectateurs pour des vaches à lait. Heureusement que certains, comme Les inconnus avec Les trois frères – Le retour ont su ressuscité leurs anciens succès avec sincérité et brio. On peut faire de bonnes confitures dans des vieux pots, encore faut-il ne pas remplacer le sucre par de l’aspartame. Les visiteurs – La révolution n’est qu’un succédané des deux premiers épisodes qu’il convient d’éviter comme ces édulcorants cancérigènes…
Boeringer Rémy
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