Le jour de la Fête des Mères, il y a deux ou trois semaines, je ne sais plus, j’avais commencé une note, que je n’ai pas publiée, que je n’ai pas finie. Je la reprends aujourd’hui. Je parlais d’abord de la première nouvelle qui m’avait abattu, la nouvelle sur la propreté. On le sais cela fait partie de l’évolution de la maladie, mais c’est tellement théorique, c’est pour les autres. Pas pour sa mère. Et le jour où on l’apprend, ce n’est plus théorique ni pour les autres. C’est dur, je l’ai vue un de ces jours. J’ai vu son angoisse, des yeux inquiets, une honte cachée mais vécue et ressentie faute d’être comprise. Et notre impuissance en face de sa demande suppliante dans son silence qui ne passe que par le visage démoli. La honte, le malaise.
Un autre choc est arrivé en même temps, ce jour où pour la première fois ma mère ne m’a pas reconnu. C’était sur le quai de la Gare de Lyon, retour d’Avignon, le bruit, la foule, la gêne. Je sais aujourd’hui que ma mère me reconnaît à la voix, pas en me regardant. Alors quand je l’aborde, je lui parle, je la touche, pression des mains et je continue à parler, et là au bout d’un moment, je sais qu’elle sait et qu’elle m’a reconnu. Son regard s’allume, c’est le signal. C’est dur à encaisser la première fois. Et puis après, c’est comme tout avec Alzheimer, c’est une nouvelle pierre à ajouter au long scénario de destruction, mais aussi cette suite de petits trucs qui permettent de continuer le rapport avec les malades, qu’ils puissent encore être eux-mêmes avec nous.
Le matin, ma mère est plus difficile, parfois agressive me dit mon père. J’essaie d’imaginer ce que peut-être le matin lorsque tout repère à disparu, ouvrir les yeux, où suis-je et peut-être qui suis-je ? C’est ce que j’imagine, et c’est comme cela que j’explique que les matins de ma mère sont difficiles, qu’elle est parfois agressive, ou tout à fait ailleurs, loin. Ce matin, c’est à la fin, lorsque j’allais partir qu’elle s’est enfin réveillée, est restée un instant avec nous. Je lui parle de mes chats, l’excuse pour ne pas dire brutalement, je m’en vais.
Je vais voir mes chats -
Tu as en combien ? l’éternelle question depuis qu’Alzheimer s’est emparé d’elle.
Trois - Trois ? Alors je te suis pour les voir, comme si les chats étaient dans l’autre pièce. L’idée de la distance, du retour, de la géographie, plus rien. Mais finalement, j’aime bien qu’elle ait envie de me suivre pour aller voir les chats dans l’autre pièce, parce qu’elle l’a dit en souriant. Encore une petite fête des mères…
Voilà ce que j’avais écris et pas publié. Ce matin, c’est la Fête des Pères. Ce matin, ce n’était pas un bon matin. Ma mère regarde la télévision. C’est une chose qu’elle aime bien faire. Parfois même elle frappe un peu l’écran, parle à ceux qui sont à l’intérieur. Mais aujourd’hui, elle regarde inerte la télévision, elle a une tasse dans une main, et un bout de croissant dans l’autre. Le thé est froid, son regard est vide.
Bois un peu de thé, il va être froid. Notre logique, froid, c’est quoi ? Ma mère reste silencieuse, alors je m’assieds à côté d’elle, avec une tasse de café, mon père aussi prend une tasse de café. Je bois, nous buvons, elle aussi. Faire avec elle plutôt que lui dire de faire. Soudain elle sort de son mutisme, me regarde et me voit. Elle ne m’a pas vu/reconnu depuis que je suis là. Alors on peut parler un peu et elle arrive à esquisser un sourire.
J’ai mal au coude, j’ai dû faire un faux mouvement, dans le jardin, pour m’occuper des rosiers. J’essaie de faire passer des images. Un peu d’intérêt, comme une lumière,
ah bon, tu t’es fait mal, les rosiers, oui, le jardin bien sûr… On est ensemble un moment. Puis, elle retombe, se ferme, se décompose. Regard trouble de souffrance.
Tu as mal ? là ? ton dos, non ? Tu es fatiguée ? Rien, son regard ne me reconnaît plus, elle s’effondre sur elle, en elle. Je lui tiens le bras, une pression, le vide. Et la matinée se passera en alternance des ces périodes fermées et ouvertes. Je vais régler le problème de l’imprimante de l’ordinateur de mon père. Ma mère s’est endormie sur son fauteuil, je la réveille. Je dois partir. C’est toujours quand je dois partir qu’elle semble se réveiller, elle parle, un peu.
Ah, tu pars ? Difficile, je l’embrasse. Ma mère ne m’appelle plus jamais par mon nom. Mais pour elle, sait-elle encore le sien ?
Les photos de ma mère ont été prises lors de la fête que ma soeur Bénédicte avait organisée pour les 80 ans de mon père au début de mois de mai, une journée magnifique.
Jean-Paul Chapon
ps: promis, demain je reviens sur le Grand-Paris
LES COMMENTAIRES (3)
posté le 07 octobre à 09:45
bonjours j ai lu et c est se queje resent mamamn à aussi cette maladie et il m est difficile d 'aller la voir enfin je c est que je l aime très fort. bonne journ&e
posté le 07 octobre à 09:44
bonjours j ai lu et c est se queje resent mamamn à aussi cette maladie et il m est difficile d 'aller la voir enfin je c est que je l aime très fort. bonne journ&e
posté le 07 octobre à 09:44
bonjours j ai lu et c est se queje resent mamamn à aussi cette maladie et il m est difficile d 'aller la voir enfin je c est que je l aime très fort. bonne journ&e