La France est en guerre intérieure dans Les Evénements. La FINUF – Force d’Interposition des Nations Unies
en France – est impuissante à maîtriser un conflit où les belligérants nouent
des alliances éphémères. Le narrateur, qui quitte Paris en direction du sud,
traverse des zones marquées par les combats. Ici des débris, là des cadavres.
Dans le passé, il a connu Brennecke, devenu colonel et chef d’un mouvement en
lutte. Mais tout est loin, même les événements du présent qui, à ses yeux comme
aux nôtres, restent assez opaques. Ce qui n’empêche pas d’en suivre le
mouvement avec une passion suscitée par la fine ironie de Jean Rolin.
On a l’impression que
vous allez où vous pousse le vent… Quel vent vous a-t-il poussé vers cette
France en guerre civile ?
Oui, habituellement,
je vais un peu où le vent me pousse, mais dans le cas des Evénements il s’agit d’un projet fort ancien – déjà
esquissé dans un texte (Cherbourg-Est/Cherbourg-Ouest) publié à la fin du siècle dernier – et qui résultait de l’impression,
ou de l’une des impressions, retirée de la guerre dans l’ex-Yougoslavie. A
savoir que la guerre pouvait aussi survenir, et presque sans crier gare, dans
un pays proche du nôtre non seulement géographiquement mais surtout
humainement, culturellement, etc. En somme, en Yougoslavie, comme aujourd’hui
en Ukraine, la guerre perdait le caractère exotique auquel nous nous étions
habitués pour se rapprocher de la maison (par où elle était déjà passée,
d’ailleurs, à maintes reprises auparavant).
Beaucoup de vos
livres se situent entre la fiction et le récit. Cette fois, l’imaginaire semble
avoir pris complètement le pouvoir…
Certes, il s’agit
cette fois d’une fiction, mais d’une fiction documentaire, en quelque sorte, et
d’un récit inspiré par un réel décalé, ou transposé, tel que l’ont éprouvé
récemment, j’y reviens, des pays très semblables au nôtre. Il est probable (et
évidemment souhaitable…) que jamais de tels événements ne se produiront en France,
mais il me semble (car on ne sait jamais très bien pourquoi on écrit telle
chose plutôt que telle autre) que j’aie également voulu signifier qu’il n’en
faudrait pas tant – parce que sont déjà réunies certaines des conditions
propices à leur surgissement – pour qu’ils se produisent malgré tout.
Quel sens donnez-vous
au titre, Les Evénements ?
Le titre reprend la
terminologie officielle s’agissant d’une guerre non-déclarée et non-assumée –
« les événements d’Algérie » –, ou d’un phénomène socio-politique si
étrange et si imprévisible qu’on ne sait comment le désigner : « les
événements de Mai 68 ». Mais je pensais plutôt au précédent de la guerre
d’Algérie…
Vous fournissez de
nombreux détails géographiques. Dans quel but ?
Les détails
géographiques et toponymiques me semblent nécessaires pour que le lecteur se
représente les lieux que j’évoque – et d’autant plus qu’ils existent réellement
–, et aussi pour ménager un effet supplémentaire d’étrangeté (de familière
étrangeté). Car si c’est une chose d’imaginer une guerre civile en France, ç’en
est encore une autre, plus choquante, et plus burlesque aussi, d’imaginer
qu’elle implique des lieux aussi précis, et aussi insignifiants, ou du moins
aussi éloignés de toute idée de violence guerrière, que le trottoir de gauche
du cours Sablon ou le confluent du Langouyrou et de l’Allier.
Par ailleurs je suis
toujours très soucieux de détails, et d’exactitude dans la description des
lieux ou des objets, par goût des nomenclatures, sans doute, mais aussi, me
semble-t-il, par égard pour le lecteur, voire pour les lieux ou les objets
décrits.