Toujours aussi bedonnant et bien campé dans ses tennis blanches, l’inspecteur Singh, le fin limier de la police de Singapour, est envoyé à Phnom Penh en tant qu’observateur de l’ASEAN auprès du tribunal des crimes de guerre – les Chambres extraordinaires au sein des Tribunaux Cambodgiens, en partie financées par les Nations Unies - chargé de juger un ancien dirigeant criminel de masse Khmer Rouge.
Alors qu’un témoin capital est assassiné dans l’enceinte du tribunal, il faut très vite trouver le coupable sous peine d’annulation du procès, ce qui constituerait un grave problème politique pour le Cambodge. Singh est désigné pour coopérer à l’enquête auprès du colonel Menhay. Une très efficace jeune cambodgienne, Chhean, sera son interprète.
Et dès le départ apparaissent plusieurs coupables possibles, qui avouent le meurtre à qui mieux mieux. Plus particulièrement un couple formé d’un grand américain et de son épouse d’origine cambodgienne, ravissante. Elle, puis lui, s’accusent du meurtre. Elle a en effet reconnu, dans le témoin assassiné, celui qui a abattu son père jadis. Mais son mari certifie que c’est lui qui l’a poignardé … Qui protège qui et pourquoi ?
L’affaire se corse car dans le même temps, un serial killer autoproclamé justicier rôde dans la campagne et descend, les uns après les autres, d’anciens tortionnaires Khmers rouges. Il en est à sa onzième victime.
La résolution des deux énigmes n’intervient naturellement et de façon spectaculaire qu’au cours des dernières pages. Mais dans l’intervalle, on aura évoqué la désastreuse histoire du peuple Khmer entre son indépendance en 1954 et le départ des troupes nord vietnamiennes en 1989. Une population sacrifiée, prise entre les feux des vietnamiens du nord qui les avaient choisis comme base arrière, les américains qui les bombardent sans pitié, les Khmers rouges qui entrent dans Phnom Penh le 17 avril 1975 et évacuent intégralement les villes, affament toute la population et massacrent toute personne suspectée d’être un intellectuel (surtout s’il porte des lunettes).
L’inspecteur Singh appréciera le rude mais honnête colonel de la police, sera bien secondé par Chhean qui recherche dans les archives le cruel destin de sa famille perdue, aura tout de même l’occasion d’admirer les ruines fantastiques des temples d’Angkor Wat, ruisselant de la couleur sang de la lumière du soleil couchant, ne croira pas à la culpabilité de la belle Sovann Armstrong et manquera de se faire exploser sur l’une des innombrables mines anti-personnelles laissées sur les champs de batailles.
Encore une enquête bouclée grâce à sa réflexion subtile, ce qui irrite toujours autant son supérieur hiérarchique singapourien, le superintendant Chen.
L’inspecteur Singh enquête à Phnom Penh – polar de Shamini Flint, traduit de l’anglais par Dominique Brotot, édité chez Marabout – 331 p., 12,90€.