Le 21 avril dernier, sur invitation de la CGEM Union Régionale Marrakech Safi, j’ai eu le plaisir d’assister à une rencontre sous le thème : « L’équité fiscale : Un levier pour une croissance durable » animée par le Directeur General des Impôts, Monsieur Omar FARAJ, qui interpelé par les opérateurs régionaux sur le fonctionnement de ses services en matière d’interprétation de la loi des finances en cours, a déroulé un argumentaire d’une parfaite clarté.
Une prestation de grande qualité au cours de laquelle le Directeur General a éclairci tous les points d’ombre en se projetant dans un avenir numérique qui permettra à moyen terme d’optimiser les recettes fiscales et de permettre aux contribuables de s’acquitter de manière sereine en sachant que leurs déclarations refléteront leur activité. Concernant le contrôle, il a tenu à dire que son département est responsable des recettes de l’état, et qu’à ce titre il en fait une priorité pour justement une équité fiscale, gage de durabilité.
En matière de fiscalité, il faut savoir que la Direction Générale des impôts ne fait qu’exécuter la loi de finance qui a été élaborée par le Gouvernement et votée par les deux chambres du Parlement. Quant on sait également que le parlement n’est ni plus ni moins que l’émanation du peuple, sans faire de raccourcis, on est en mesure de dire que nous sommes responsables et comptables de notre fiscalité et c’est à ce titre que nous devons en assumer toutes les répercussions sur notre économie, qu’elles soient bonnes ou mauvaises. Nous savons ce qu’il nous reste à faire…..
Aujourd’hui, je peux affirmer sans complexe, que les agences de voyages marocaines, subissent une injustice en matière d’équité fiscale et ce depuis le lancement de la vision stratégique 2010. Cette injustice n’a pas été rectifiée dans la vision 2020 et actuellement, avec la mondialisation et le développement de la distribution des voyages via internet, il devient tout simplement impossible aux agence nationales de vivre dignement de leur métier.
Un bref rappel: vision 2010 avait milité pour l’harmonisation fiscale et une baisse sensible des impôts, pour permettre aux acteurs nationaux d’être compétitifs face à la concurrence notamment des destinations autour de la méditerranée.
Or, si les hôteliers et les restaurateurs avaient obtenu une TVA à 10%, les transporteurs à 14%, les agences de voyages sont quand à elles passées à 20% ?
En matière d’IS, si les hôteliers ont obtenu un abattement de 50% sur toutes leurs recettes en devises, les agences de voyages qui étaient les pourvoyeurs, n’en n’ont pas bénéficié. Le comble étant que les hôteliers demandaient aux agences de voyages des attestations certifiant que le règlement de leurs factures hôtelières est le fruit de leur rapatriement en devises afin de leur permettre d’obtenir l’abattement de 50% auquel les agences de voyages n’ont pas droit. Où est l’équité ? Quid de la durabilité.
Aujourd’hui, les agences de voyages nationales voient leur périmètre d’activité se réduire à peau de chagrin. Leurs principaux clients, les Tour Operateurs sont en train de disparaître les uns après les autres, laissant la place aux agences virtuelles qui font de la désintermédiation leur cheval de bataille.
Ces agences domiciliées dans des paradis fiscaux, ne possèdent pas d’hôtels, n’emploient personne au Maroc et ne payent aucune taxe ou impôt sur notre territoire. Ils engrangent des bénéfices colossaux, percevant d’énormes commissions sans vergogne auprès d’établissements d’hébergement qui en sont devenus addict.
Ces agences opèrent sur l’ensemble du territoire national détruisant sur leur passage des opérateurs pionniers de la destination et mettant au chômage des guides, des transporteurs, des restaurateurs et des artisans. Où est l’équité ? Quid de la durabilité ?
Pour les résistants, parce qu’il y en a, ils se rabattent sur des niches, non pas fiscales mais qui échappent encore aux agences virtuelles. Il s’agit du tourisme rural, celui qui permet aux amoureux de la nature de visiter l’arrière pays, de vivre des expériences réelles, de côtoyer des populations attachées à leur terre et qui fait que le touriste se sent impliqué dans un processus vertueux .
Pour ceux là, qui permettent à des familles de vivre dignement, d’éviter l’exode et de partager leurs revenus avec des muletiers, des villageois, des paysans et qui veulent s’acquitter de manière citoyenne de leurs impôts, on exige des factures probantes pour le gite et le couvert chez l’habitant ?
Tout le monde sait que le monde rural n’est pas bancarisé et a fortiori dans l’impossibilité de donner des factures pour services rendus. Il cultive ces légumes et fruits, élève des moutons, des chèvres et des poulets; presse son huile, puise son eau et crée des emplois pour sa famille, ses amis et ses voisins. Le tourisme pour lui est juste la cerise, le gâteau il s’emploie à l’offrir au touristes.
Aussi, pour ceux et celles qui opèrent dans le tourisme de nature, qui organisent des randonnées pédestres, qui respectent l’environnement, qui font vivre des familles dans des zones enclavées, qui donnent une image responsable de notre tourisme, on peut penser à une régime fiscal reflétant une véritable équité et garant d’une réelle durabilité.
Enfin, pour toutes les autres agences de voyages, qu’elles soient dans le loisir, dans le MICE, dans le développement du tourisme interne ou dans l’organisation de voyages à l’étranger, qui sous le régime actuel sont dans l’incapacité d’être compétitif face aux géants du net, il faut vraiment réfléchir à une fiscalité adaptée pour éviter leur précarisation et inciter celles qui opèrent dans l’informel de basculer vers le formel et élargir ainsi l’assiette fiscale.