Facebook et Youtube ont au fond le même cœur de métier : celui de nous faire perdre un maximum de temps sur du contenu sponsorisé. Les deux firmes n’étaient cependant pas en concurrence car les contenus qu’elles proposaient, n’étaient pas de même nature. Cette coexistence pacifique des deux sites les plus visités du web est mise à mal par Facebook qui a décidé de se la jouer à la Jacques Mesrine pour se tailler la part du lion dans le marché des vidéos en ligne.
Facebook, premier média au monde…
Fin 2015 se tenait la F8 (prononcée Fate : le destin), une séance d’auto-fellation pratiquée par un Marc Zuckerberg habillé tel un adolescent comme l’exigent les traditions de la Silicon Valley. C’est durant ce genre de shows que les firmes technos sortent leurs plus beaux powerpoints afin de convaincre le parterre de journalistes et investisseurs invités qu’elles ne sont pas surcotées et que la bulle Internet n’est qu’un lointain souvenir. Opération réussie pour Zuckerberg qui a épaté la galerie en se vantant entre autres d’avoir atteint les 8 milliards de vues quotidiennes sur les vidéos hébergées par Facebook, soit une progression de 700% en un an pour ce format.
.. Grâce au vol et d’autres méthodes peu catholiques
A ceci près que les méthodes employées par Facebook pour réaliser cette percée sont largement controversées. En effet les trois quarts des 1000 vidéos les plus populaires à ce moment-là ont enfaite été purement et simplement volées à des hébergeurs de vidéos traditionnels.
Des voleurs de contenu, appelés freebooters, deviennent plus populaires que leur victimes en ré uploadant leurs vidéos sur le lecteur de Facebook afin qu’elles deviennent virales. Certains d’entre eux parviennent ainsi à obtenir une célébrité imméritée comme Tyreese Gibson qui a obtenu près de 100 millions de vues sur sa page sans produire le moindre contenu lui-même. En effet la même vidéo aura une bien meilleure visibilité si elle est encodée sur le lecteur de Facebook car les algorithmes qui construisent nos fils d’actualité sont conçus pour mettre en avant les vidéos Facebook au détriment des liens vers y Youtube. Pour quantifier ce phénomène le youtubeur Hank Green a comparé l’audience atteinte par la même vidéo suivant qu’elle soit postée comme un lien vers Youtube ou qu’elle soit directement hébergée sur Facebook. La différence est flagrante : quatre fois moins de vues pour le lien Youtube et aucun partage contre une centaine si la vidéo est hébergée sur Facebook.
Couplée à l’instauration de la lecture automatique des vidéos l’année dernière, cette stratégie permet à Facebook d’afficher des statistiques impressionnantes sur ce segment. En nombre de vues, la progression de Facebook a écrasé toute la concurrence en à peine un an.
Facebook s’en contente très bien
Facebook est parfaitement conscient que sa première place n’est due qu’à la triche sur le nombre de vues et au vol de contenu. Si Facebook lutte en apparence contre le freebooting il s’efforce d’être aussi inefficace que possible contre lui. D’abord il n’existe aucun moyen pour les vidéastes de savoir si leur contenu a été volé ainsi la plupart des vols sont sans suite et les victimes ne sont bien souvent pas au courant. Ensuite même si un créateur tombe sur une de ses vidéos volées la procédure pour la faire retirer du réseau social est très longue et fastidieuse si bien que le voleur aura déjà obtenu 99% des vues qu’elle aura en tout le temps qu’elle soit supprimée. Même pris la main dans le sac le voleur n’a rien à craindre de Facebook qui est tout à fait complaisant avec le vol de contenu de plus la firme de Zuckerberg ne rembourse pas le manque à gagner aux créateurs.
Facebook n’a pas d’excuse technique pour expliquer une telle inefficacité. Youtube et d’autres plateformes plus modestes proposant du contenu gratuit comme Soundcloud sont parvenu à mettre au point des robots traquant efficacement les fraudes aux droits d’auteurs. Etant donné les moyens de Facebook, il est impossible d’expliquer une telle latence entre le signalement d’une vidéo et sa suppression autrement que par la complicité qu’entretien le réseau social avec les freebooters.
Une coopération qui pourrait dominer le monde
Les deux plateformes auraient pourtant intérêt à coopérer du fait de leur complémentarité. Youtube s’est constitué un important vivier de vidéastes professionnels qui dépasse largement en qualité le ramassis de dubsmash et autres challenges à deux sous formaté pour Facebook. De son côté Facebook dispose de l’audience la plus massive du monde, tous médias confondus, celle-ci étant par ailleurs bien mieux documentée grâce aux informations que fournissent les utilisateurs sur eux-mêmes en permanence.
Youtube s’est vu mainte fois reprocher le mauvais ciblage de ses publicités et ce n’est pas l’échec de Google+ qui rassurera les annonceurs sur la capacité de la plateforme à récolter plus d’informations sur ses utilisateurs. L’attitude de pickpocket de Facebook quant à elle résonne comme un aveu de son inaptitude à construire un écosystème favorable à la création de contenu de qualité.
Difficile alors de comprendre ce qui empêche Google et Facebook de coopérer. Youtube est à même de nous faire perdre encore plus de temps sur Facebook en y apportant du contenu supplémentaire tandis que le réseau social peut offrir aux vidéastes une audience plus vaste, un support bien plus adapté au buzz tout en améliorant le ciblage des publicités qui les rémunèrent.