Le lait maternel humain est sans doute le plus complexe de tous les mammifères. Il contient plus de 200 molécules de sucre différentes, bien au-dessus de la moyenne des 30-50 trouvées dans le lait de souris ou de vache. Le rôle de chacun de ces sucres et les processus sous-jacents à leurs changements de composition pendant l’allaitement restent un casse-tête scientifique, même si la finalité de ce modèle complexe est très probablement le développement du système immunitaire et du microbiome intestinal de l’enfant. Toutes ces molécules de sucre dans le lait ne sont pas destinées à nourrir le bébé. Certaines sont généralement le premier repas des bactéries qui vont coloniser les intestins du bébé.
Un précurseur de microbiote : La première fonction du lait maternel est de favoriser la colonisation de l’intestin par des communautés bactériennes spécifiques qui vont digérer ces molécules de sucre, précise l’auteur principal, Thierry Hennet, de l’Institut de physiologie de l’Université de Zurich. Le lait maternel est donc en premier lieu une sorte » d’engrais du microbiote « .
Un facteur d’immunité : La seconde fonction, telle que documentée dans la littérature, est de jeter les bases du système immunitaire du nouveau-né. Après la naissance, le lait est riche en anticorps et en molécules qui ralentissent la croissance de bactéries nocives et coordonnent l’activité des globules blancs. D’ailleurs, après un mois, lorsque l’enfant a commencé à développer son propre système immunitaire, la composition du lait maternel évolue avec des niveaux d’anticorps maternels à la baisse de plus de 90%. De la même manière, la diversité des sucres du lait maternel est en forte diminution, ce suggère un besoin moindre de recrutement de communautés bactériennes. Le lait maternel humain s’enrichit alors en nutriments qui soutiennent la croissance de l’enfant.
Allaiter oui, mais jusqu’à quand ? En dépit des nombreuses fonctions et bénéfices du lait maternel, certains enfants peuvent grandir normalement, en bonne santé sans avoir jamais été allaités ou très peu, ce qui pose évidemment la question de l’allaitement maternel » systématique « . Si l’allaitement maternel est associé à une mortalité infantile, un risque d’infections intestinales et respiratoires considérablement réduits, les auteurs soulignent qu’il existe peu de preuve de ses bénéfices à plus long terme. Sur ce point l’auteur est très prudent : » le lait maternel est le produit de millions d’années d’évolution et possède certainement les nutriments optimaux pour le nouveau-né, mais la question est de savoir sur quelle durée le nouveau-né a vraiment besoin de cet apport ? La décision appartient aux familles, pas aux scientifiques « .
Améliorer encore la compréhension du rôle de l’ensemble des différentes molécules présentes dans le lait maternel, est devenu beaucoup plus facile avec les progrès des technologies de séquençage génétique. Les recherches se poursuivent et les scientifiques ont bon espoir de parvenir à identifier le cocktail d’hormones qui fait la qualité du lait maternel et le rôle exact des communautés bactériennes qu’il permet de recruter, dans l’intestin du nourrisson.
Source: Trends in Biochemical Sciences DOI: 10.1016/j.tibs.2016.02.008 Breastfed at Tiffany’s (Visuel@Thierry Hennet)
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