Devant l’adoption potentielle d’un projet de loi obligeant les chauffeurs Uber à se prémunir de permis spéciaux trop onéreux, l’entreprise n’écarte pas l’idée de se retirer du marché québécois.
C’est en effet ce qu’a confirmé aujourd’hui Jean-Nicolas Guillemette, directeur général des activités québécoises de l’entreprise, après avoir été interrogé sur le sujet à l’émission Mario Dumont :
«Au lieu de diminuer la réglementation du taxi pour qu’ils puissent diminuer leurs prix, on augmente de manière excessive celle d’Uber pour que l’on augmente nos prix. Qui est perdant là-dedans? Le consommateur.»
«C’est envisagé, mais ce n’est définitivement pas l’objectif», a-t-il répondu. «Le but est de pouvoir continuer d’opérer ici. Et c’est ce qu’on demande depuis le début, que le gouvernement nous réglemente, mais le ministre Daoust semble avoir fait son nid du côté du lobby du taxi, et veut nous amener à respecter une réglementation du taxi. Donc qui ne reconnaît pas le modèle distinct [d'Uber].»
Au cours des derniers mois, le ministre des Transports, Jacques Daoust, s’est penché sur diverses solutions visant à résorber le conflit qui oppose les chauffeurs de taxi à Uber, et la nature illicite du service offert par la multinationale. En mars dernier, La Presse rapportait que l’option privilégiée par Daoust serait d’imposer des redevances équivalentes au poids financier d’un permis de taxi, mais cette avenue aurait été rejetée par le premier ministre.
Une autre option avancée par le ministre serait d’imposer l’achat de permis limités dans le temps, en blocs d’heures, moins onéreux. Alors que celle-ci semble être celle qui sera adoptée par la ministre, cette solution serait impraticable pour le principal intéressé.
«Ça ne peut pas fonctionner avec une banque d’heures», a déclaré Guillemette en entrevue avec La Presse. «C’est évident que notre modèle d’affaires tomberait. Ça ne respecte pas le principe de flexibilité qui est central dans notre plateforme.»
Aux yeux du directeur général de l’entreprise, le gouvernement ne doit prioriser ni le lobby du taxi ni Uber, mais plutôt trouver un juste milieu équitable qui ferait l’affaire des deux partis, à l’instar de la législation encadrant les activités liées au service Airbnb.
«Ce que l’on est en train de faire, c’est qu’au lieu de diminuer la réglementation du taxi pour qu’ils puissent diminuer leurs prix, on augmente de manière excessive celle d’Uber pour que l’on augmente nos prix. Qui est perdant là-dedans? Le consommateur.»
Un bluff? Pas nécessairement…
À première vue, on peut soupçonner Uber de vouloir faire peur au gouvernement avec une menace qu’elle ne mettrait pas à exécution.
Devant une réglementation jugée excessive, Uber s’est retiré de la ville de Calgary en février dernier.
Toutefois, comme le souligne la chaîne CTV, la ville de Calgary a adopté une loi en février dernier imposant aux chauffeurs d’Uber de payer 220$ annuellement pour l’octroi d’un permis spécial. Une mesure jugée excessive par Uber, qui s’est retiré depuis du marché de la métropole albertaine.
Les villes de Toronto, d’Ottawa et d’Edmonton ont quant à elles récemment réglementer Uber en imposant une taxe de 5 à 20 cents par course afin de compenser pour la diminution des frais imposés aux chauffeurs de taxi. Cette approche est d’ailleurs celle qui devrait inspirer le gouvernement québécois selon le directeur général d’Uber au Québec.
Reste à savoir maintenant si le bassin d’utilisateurs potentiel d’Uber au Québec est suffisamment important pour que l’entreprise tolère une augmentation des coûts associés à ses activités et à celles de ses chauffeurs, advenant le cas où le gouvernement choisirait de conserver son approche de banque d’heures.
Un projet de loi imminent
Du côté du gouvernement, le ministre Daoust a réitéré aujourd’hui son intention de déposer un projet de loi dans les prochaines semaines : «Mon plan est toujours de présenter un projet de loi avant la fin de la session parlementaire, et de faire en sorte qu’il soit adopté avant la fin de la session.»
Rappelons que le projet de loi devait être déposé à l’Assemblée nationale à la fin du mois de mars, mais qu’une profonde division entre Jacques Daoust et Philippe Couillard aurait repoussé l’échéance à une date ultérieure.