Il y a ceux qui refusent des prix prestigieux, tout en profitant (et leur éditeur avec), même si malgré eux, de la publicité qu’ils leur apportent : Sartre et le Nobel, Gracq et le Goncourt.
Position plus honnête, – en tout cas moins publicitaire -, il y a l’auteur qui prévient qu’en cas de prix, ils n’apparaîtra pas en public, et qui envoie son éditeur recevoir le Nobel à sa place. Il s’agit d’un cas d’espèce, celui de Samuel Beckett avec Jérôme Lindon.
Il existe un autre cas tout aussi rare : l’auteur qui, systématiquement, dit NON. Non aux photos, Non aux interviews, Non aux prix, Non aux prépublications, Non aux rééditions, non aux traductions. NON, même, à la Pléiade. Et ce Non ne s’adresse pas qu’à son éditeur, mais aux dispensateurs de prix étrangers, aux directeurs de revue, aux organisateurs de colloques. Ce cas unique, c’est celui d’Henri Michaux, dont un amusant choix de lettres – qu’il aurait bien évidemment récusé, ainsi que s’en amuse le responsable de l’édition – récemment paru s’intitule, en toute justesse, Donc c’est non.
C’est un livre assez unique, un sain cordial contre toutes les compromissions des milieux littéraires, à la fois très amusant, et d’une impressionnante honnêteté. Car la position de l’auteur d’Ecuador ne relève pas de la pose, ni du caprice de star. Il s’agit d’un point de vue moral : « Depuis toujours j’ai refusé les prix littéraires et cette conduite est maintenant établie, sur laquelle il convient de ne pas revenir. Dois-je me justifier par des arguments ? Je dirais en simplifiant qu’un certain type d’écrit n’est pas fait pour recevoir une récompense et qu’un certain type d’homme ne doit pas paraître sous le flash. » Dont acte.
Ce petit volume n’apportera pas grand-chose à la gloire littéraire d’Henri Michaux, mais permet de mieux comprendre ce que son oeuvre a d’unique : elle n’est pas fabriquée pour un quelconque public.
Christophe Mercier
Henri MICHAUX Donc, c’est non (Gallimard, 195 pages, 19,5 euros).