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Judith Butler
"Peace is a resistance to the terrible satisfactions of war."En ces temps tourmentés, la (re)lecture de cette interview de la philosophe américaine Judith Butler résonne de manière particulière. Publiée sur The Believer en 2003, elle fait suite à l'entrée en guerre des Etats-Unis en Irak. Butler y fait référence au deuil et à la valeur de la vie. Elle s'intéresse à la manière dont les populations victimes de la guerre sont représentées dans les médias de masse. Elle se questionne : quelles sont les possibilités de résistance dans la paix et le refus de la vengeance? C'est une sorte d'éloge de la vulnérabilité, de l'acceptation. Etant donné que son propos très dense est difficile à paraphraser, je cite : "Peace is the active resistance to the temptation of war. Peace is something that has to be vigilantly maintained ; it is a vigilance, and it involves temptation, and it does not mean we as human beings are not aggressive (...) I think it is precisely because we're constituted with agression (...) that peace becomes a necessity. It's a commitment to living with a certain kind of vulnerability to others and susceptibility to being wounded that actually gives our individual lives meaning." ("La paix est une forme active de résistance à la tentation de la guerre. La paix est quelque chose qui doit être maintenue avec vigilance : il faut y porter attention, et cela implique une forme de tentation car cela ne signifie pas que les humains ne sont pas aggressifs (...) Je pense que c'est précisément parce que nous sommes constitués par l'agressivité (...) que la paix devient une nécessité. C'est un engagement. Vivre avec une forme de vulnérabilité par rapport aux autres et accepter la possibilité d'être blessé donne du sens aux existences individuelles.") Connue surtout pour ses travaux au sujet de la performativité du genre (pour vous familiariser avec sa pensée, ce documentaire Arte est une bonne porte d'entrée), Butler se consacre depuis quelques années à la question de la violence et de la résistance pacifique. - AV.
Bruxelles, ma belle
Si nous avons tardé à poster ce nouveau Salon de thé, c'est en partie parce que j'avais beaucoup de mal à savoir comment parler des événements du 22 mars à Bruxelles. J'ai d'abord songé à faire un article spécial, comme j'avais pu le faire suite aux attentats du 13 novembre et au passage en alerte niveau 4 en Belgique. Et puis je n'arrivais pas à trouver les mots, donc je me suis dit que j'en ferai seulement un paragraphe ici. Il me semblait quand même important d'en parler. Outre les victimes, j'ai été très touchée par le fait même que Bruxelles était visée. Cette ville si fantastique, que j'ai fait mienne et qui, surtout, ma fait sienne. Cette ville où j'ai atterri par hasard, mais où j'ai sciemment décidé de rester. Comme une évidence, tellement j'aime Bruxelles. Ses maisons de briques, ses buildings moches, le chaos de sa circulation, ses chantiers permanents, ses troquets où la Jupiler coule à flots, ses noms de rues en hommage à des membres de la famille royale, ses quartiers si différents, sa beauté cachée qui se révèle quand, enfin, la pluie cesse. Bruxelles. Et puis Bruxelles, c'est surtout ses habitants, et dieu que j'aime ses habitants. Mes amis proches, l'épicier turc de mon quartier qui me fait une réduction sur les oranges, les copains de concerts, toujours une bière à la main, ma voisine Odette qui des fois me fait des gaufres, mon voisin Patrick au si fort accent, l'inconnue qui m'a serrée dans les bras quand j'ai fondu en larmes au milieu de la chaussée d'Ixelles, le petit mec qui décide de faire la course à vélo avec moi en remontant l'avenue de la Couronne... C'est surtout ça Bruxelles. Des gens simples et beaux, différents, au contact facile. Je pense que c'est cette atmosphère si conviviale, qui fait qu'on se sent facilement chez soi ici, qui a motivé My a rester à Bruxelles après ses études d'art, il y a une dizaine d'années, quittant ainsi sa Suède natale. My que je n'ai jamais vraiment rencontrée, mais dont j'ai entendu tellement de bien de la part d'amis en communs. My, la douce, aux illustrations toutes mignonnes. My qui comme tous les matins a prix le métro à Maelbeek. Mais ce matin était différent... Vous pouvez voir une partie de son travail ici. Je vous laisse avec un dessin de My, cet article que j'avais écrit il y a un an, comme une sorte de guide de Bruxelles, et avec une chanson qui fait pleurer et une autre qui fait sourire. C'était vraiment pas facile ces dernières semaines. - M
Sus au point de vue unique (en BD)
Dernièrement, l'auteure et dessinatrice Diglee a publié un très bon article au sujet des standards absurdes de certains éditeurs vis à vis du corps féminin : Le problème du modèle unique dans le monde de l'image. Sous prétexte qu'une femme blonde avec des gros seins ça ferait mieux vendre (que l'héroïne du bouquin dont on veut faire la promotion ne corresponde en rien à ce stéréotype, peu importe), l'illustratrice a fini par lâcher son contrat face à la mauvaise foi des commanditaires.
Le ton de son billet est super pertinent. Elle parvient à montrer les efforts investis dans la diplomatie, le temps qu'elle a pris à expliquer aux éditeurs la raison pour laquelle elle ne voulait pas modifier son dessin et enfin la façon dont elle a apparemment essayé de faire comprendre avec un calme exemplaire l'absurdité de la demande.
C'est une démarche qui m'a rappelé une action du collectif d'artistes militantes Guerilla Girls. Dès les années 1980, celles-ci ont envoyé des lettres à des collectionneurs qui négligent systématiquement l'art des femmes. En adoptant un ton un brin complice, elles laissent aux interlocuteurs de la marge pour prendre eux-même la décision de modifier une situation d'intolérance flagrante. Au final, il s'agit simplement de faire en sorte que ce ne soit pas constamment la même bonne vieille perspective [insérer privilèges ici] qui soit médiatisée :
Guerilla Girls, Conscience of the art world, 1986
Aujourd'hui, elles ont élargi leur perspective et soulignent particulièrement la sous-représentation des femmes de couleur.
Evidemment, Diglee n'est pas la première à thématiser le problème de la représentation dans les médias. Entre autres, si vous ne connaissez pas déjà, courrez lire la fantastique Mirion Malle. Sur son blog (et dans son livre) "Commando Culotte", elle analyse la représentation dans la pop culture. Le but n'est pas de basher toutes ces séries qu'on aime (Game Of Thrones, par exemple), mais de rendre attentif aux disparités. (Vous pouvez voir une interview de cette merveilleuse personne ici. Passion Jean-Claude Van Damme.)
Puisqu'on y est, je ne résiste pas à partager d'autres blogs de BD au propos féministe que j'aime (mais ce n'est de loin pas exhaustif! Si vous avez des suggestions, dites, j'en veux encore!!). Allez donc lire :
- "Les Culottées", la nouvelle série de Pénélope Bagieu qui dresse le portrait de femmes inspirantes
- Le blog de Janine qui explique de façon très didactique des choses parfois compliquées. Dans la catégorie "sexe positif" :
- Les strips cul de Cy(prine), pour MademoiZelle (oui, encore, mais illes font vraiment du bon boulot) qui dépeignent de façon très humaine les situations parfois cocasses de la vie intime.
- En anglais, Oh Joy Sex Toy est très instructif sur un tas de trucs dont mon esprit jouvenceau n'avait même pas idée.
Et voici deux très bons articles sur le scandale qu'a déclenché la sélection du récent grand prix d'Angoulême, sans aucune femme dans la liste (wtf) :
- Tout est rentré dans l'ordre, les mecs ont le contrôle d'Angoulême de Julie Maroh (Le bleu est une couleur chaude), qui revient sur l'attention qu'a suscité le retrait de l'auteur Riad Sattouf de la liste des nominés ainsi que sur l'engagement du Collectif de créatrices de bande dessinée contre le sexisme.
- Plus récemment, l'article Plafond de verre : mode d'emploi d'Audrey Alwett, illustré par DIMAT, qui rappelle quelques point importants à ceux qui aimeraient se montrer solidaires.
Bonne lecture! - AV.
"Apprendre aux filles le courage, pas la perfection"
Quand ça va pas très bien, je regarde une ou deux conférences TED sur le “développement personnel” et généralement, je vais mieux. Il y a tout un tas d’intervenants inspirants qui donnent des pistes pour tirer le mieux de nous-mêmes. 20 minutes de discours sur l’empowerment, et les problèmes qui nous minaient un peu plus tôt semblent secondaires. Cette semaine, j’ai beaucoup aimé cette intervention de Reshma Saujani, avocate, politique et créatrice d’ateliers pour apprendre les filles à coder. “Teach girls bravery, not perfection”, dit-elle. L’Américaine part de l’observation que les filles, depuis leur plus jeune âge, sont éduquées pour être parfaites, alors qu’on demande aux garçons d’être braves, d’oser, de s’aventurer. Nous les filles passons notre temps à s’inquiéter d’être parfaites, à avoir peur de rater. Les filles doivent sourire et être au top, avoir des A. Les garçons, eux, sont habitués à prendre des risques et à être récompensés pour ça. Cette différence pourrait expliquer aussi en partie pourquoi les filles sont sous représentées à certains postes, dans certains milieux, certaines carrières. Reshma Saujani s’appuie sur plusieurs études, notamment le fait que, face à une proposition d’emploi, un homme postulera plus facilement dès qu’il remplira 60% des compétences requises, tandis qu’une femme ne postulera que si elle a 100%. Et ça fait chier de se rendre compte de ça et de voir qu'en fait, nous aussi on fait ça, putain, on se bloque parfois nous-mêmes. L'intervenante donne aussi l’exemple d’une fille qui, lors de la première semaine de formation de codage, finira par appeler la prof en lui disant qu’elle ne sait pas comment faire. La prof remarquera que son écran est blanc. Mais ce n’est pas que l’élève n’aura rien fait pendant la demie-heure écoulée, c’est seulement qu’elle aura effacé tout ce qu’elle avait fait. “Au lieu de montrer le progrès qu’elle avait fait, elle préfère ne rien montrer du tout”. Reshma Saujani appelle aussi à un "sisterhood", pour qu’on ne soit pas la seule à dire qu’on n’y arrive pas, mais que les filles, ensemble, se soutiennent et s'encouragent à persévérer. On ne peut qu'être d'accord. - M
Pour finir en douceur (et accompagner le thé)
Au Québec, le chef de la cuisine télévisuelle s'appelle Ricardo. C'est une vraie star : il a le sourire carnassier, l'humour douteux et une page dédié spécialement aux commentaires passif-agressifs de son site. Niveau référence au sein des ménages, il est un peu l'équivalent de la Betty Bossi suisse, sauf que lui, c'est une vraie personne. Après ma passion pour le pâté chinois, je partage mon interprétation toute simple du Banana Bread, improvisée avec ce que j'avais dans mes placards et vegan avec ça. (L'original est ici). C'est cool de faire de la pâtisserie, ça détend :
1 1/4 tasse de bananes (2 à 3 pièces) mûres écrasées (mixées en l'occurrence, mais à la fourchette ça va aussi d'après Ricky)
1/2 tasse de courgette râpée pour donner de l'humidité au cake (mixées avec les bananes ça donne une texture plus douce) 1 spritsch de jus de citron 1/2 tasse d'huile végétale j'avais juste du colza J'ai aussi ajouté des pépites de chocolat et j'en ai fait une version marbrée avec du cacao. Je pense que ça peut être bon avec des amandes moulues, du sirop d'érable, des noix, de la cannelle et/ou de la cardamome, etc.
Pour faire une version marbrée, mélanger la moitié de la pâte avec du cacao et un peu de lait. Ensuite, verser la pâte chocolat au fonds, recouvrir avec le reste de pâte et marbrer avec une fourchette.
Cuire au four préalablement préchauffé à environ 180° pendant environ 40 min (mais ça dépend des fours, je le fais généralement à l'oeil). Si quand tu piques un couteau dans le gâteau, ta lame ressort toute sèche c'est bon! C'est vraiment très bon! Il se garde quelques jours si t'arrives à résister. Personnellement j'aime bien mettre ça au frigo (j'en ai aussi congelé des tranches / réchauffé au micro-ondes c'est pas trop mal).
Bonne dégustation! - AV.
Ricardo Cuisine