Pour répondre aux commentaires de mon article d'hier : ben oui, le 15 ou le 16, quelle importance... mais je sais qui est Max et je ne crois pas que ce soit Lui
!
A part ça, je suis en train de lire le dernier bouquin de Marc Lévy, qui est un auteur que j'aime beaucoup, Toutes ces choses qu'on ne s'est pas dites.
L'histoire d'un père absent qui veut renouer avec sa fille. Un moment donné, à la page 360 pour être précise, le père lui parle de la douleur de voir son enfant partir de la maison :
Tu me reproches mes absences; sais-tu comme on a le mal de vivre le
jour où vos enfants s'en vont ? As-tu imaginé le goût de cette rupture ? Je vais te dire ce qui arrive, on est là comme un con sur le pas de sa porte à vous regarder partir, à se convaincre qu'il
faut se réjouir de cet envol nécessaire, aimer l'insouciance qui vous pousse et nous dépossède de notre propre chair. La porte refermée, il faut tout réapprendre; à meubler les pièces vides, à ne
plus guetter le bruit des pas, à oublier ces craquements rassurants de l'escalier lorsque vous rentriez tard, et que
l'on s'endormait enfin tranquille, alors qu'il faut désormais chercher le sommeil, en vain puisque vous ne rentrerez plus. Tu vois, ma Julia, pourtant aucun père, aucune mère n'en tire quelconque
gloire, c'est cela aimer et nous n'avons pas d'autre choix puisque nous vous aimons.
Sans m'en rendre compte, en lisant ces mots, une nostalgie m'est montée, les larmes aux yeux aussi, et j'ai revu une scène qui s'est passée quand j'avais 19 ans, quelques mois après mon
déménagement dans une autre ville pour étudier. C'était après le diner, un samedi où j'étais retournée à la maison. Nous avions terminé la vaisselle, ma mère et moi, et nous nous étions
retrouvées assises sur les armoires sous la fenêtre à discuter.
Pour la première fois, ma mère m'avait alors dit quelques mots à propos de ce que ça lui avait fait quand j'avais décidé de partir de la maison. Partir, pour moi, était alors une libération et un
mouvement de survie pour sortir d'un cadre psychologiquement desctructeur dans lequel j'étais depuis l'âge de cinq ans. Je n'avais quasiment rien demandé à personne. Je m'étais organisée et avais
déménagé. De toute façon, j'avais l'impression que je ne manquerais à personne.
Je m'étais trompée. Cet échange avec ma mère me l'avait confirmé et avait été troublant et touchant... A sa façon, en moins de mots car nous ne savions pas exprimer nos émotions, elle m'a dit la
même chose que le père de Julia avait dit à sa fille dans le livre de Marc Lévy.
En lisant ce passage hier, les larmes me sont montées aux yeux. C'étaient celles que j'aurais dû laisser monter quand je parlais avec ma mère après mon départ de la maison. A l'époque, j'étais
restée froide, quoique troublée, je m'en souviens, mais on avait l'art d'étouffer toute émotion dans notre famille, ce que j'avais fait instinctivement, trop habituée à ne rien exprimer. J'étais
alors repartie sur le balcon et nous n'en avons plus reparlé pendant des années...
Je m'étais alors rendue compte à quel point ma mère tenait à moi, ce que je ne ressentais pas, alors coupée de toute émotion. C'est bien des années plus tard, après bien des thérapies, que j'ai
accueilli le fait d'accepter d'être aimée pour moi et non pour ce que je faisais, que j'ai accueilli l'amour de ma mère et que j'ai pu le lui témoigner. Avant ça, j'avais toujours l'impression
que je devais «faire» pour être aimée et non seulement «être»...
Et puis, un jour, il y a peut-être une dizaine d'années, alors que j'étais retournée en vacances chez ma mère, nous nous sommes mises à discuter de mon cheminement, de mon
enfance. C'est là que j'ai vu combien elle s'en voulait d'avoir épousé cet homme qui nous a rendu la vie infernale à toutes les deux, combien elle avait vu mon enfance détruite par cet homme.
Elle n'avait pas eu la force de le laisser, installée dans une sécurité financière, surtout que deux autres enfants étaient venus s'ajouter avec cet homme tyrannique.
Je n'en voulais pas à ma mère et je lui ai dit. C'était du passé, c'était mon karma et je l'avais vécu. Nous nous sommes alors tombées dans les bras en se disant «Je t'aime» et en se serrant
fort...
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Après avoir écrit ces mots, j'ai ouvert la porte du balcon pour regarder la forêt derrière moi. Il pleut à verse. C'est dimanche. En repensant à ces mots, les larmes se sont mises à couler en
pensant à maman, toi qui est partie depuis six ans pour un monde plus heureux et paisible. Je ne t'avais pas pleurée depuis ton départ mais là, tu me manques, pour la première fois depuis bien
longtemps. Je réalise à quel point nous nous sommes aimées mais sans se le dire. Tant de moments joyeux autant que difficiles nous avons passés ensemble, tant d'amour à travers le silence...
Il pleut
Il pleut ce soir,
De la terre remontent des esters d'écorce et de tourbe chaude.
L'ean entame quelques pas de danse
Et se met à chanter sur le bitume
Deux grand yeux humides scrutent le manteau nuageux,
Afin d'entrevoir l'invisible, si précieux.
La pluie gargouille, entame sa strophe rythmique
Et dessine le paysage à traits d'eau.
Un visage ruisselant de pluie écoute le vent
Siffler en rafale dans les arbres mouvants.
La pluie étend son règne liquide
Et se répand comme une mer prolifique !
Un homme se tient debout dans la pluie.
Parmi les ombres et les grondements célestes
Il écoute la terre se gorger d'eau
Et inonder ses pensées.
Un homme de terre se tient fermement sur ses deux pieds
Et s'abreuve du nectar qui frappe son visage.
Le rythme monte en lui
Et le prend comme un fétu de paille.
Il y a là bien plus que de l'eau.
Il y a là bien plus qu'un visage inondé de larmes...
Il y a là tout le mouvement même de la vie
Qui dicte et chante notre destinée d'être !
Il y a là, oui, bien plus que de l'eau.
Il y a là l'essence même de la vie
Qui nous lave et nous transporte
Dans l'espace sacré de notre silence intérieur.
Il y a là encore une fois, bien plus que de l'eau,
Il y a toute la grandeur océane
Qui exerce son pouvoir d'être
Et nous invite à plonger dans le miroir de notre âme.
Alain Degoumois
Source intérieure
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